Comment apprendre à l’heure d’internet ? Plus personne ne conteste les changements fondamentaux qu’a provoqué l’irruption des technologies de l’information et spécialement d’Internet dans nos rapports à l’information et à la connaissance.
S’agit-il de transformation, de mutations, de révolution, de rupture ? Evelyne Deret et Pierre Landry, respectivement secrétaire générale et délégué communication du Comité Mondial pour les Apprentissages (CMA), ont rédigé un dossier très complet qu’UP’ vous propose de consulter directement en ligne. Une ambition pour nous permettre de nous confronter certes, mais aussi pour nous permettre de réfléchir ensemble et d’anticiper les transformations, les basculements, les ruptures possibles à l’intersection des innovations techniques, des mutations économiques et des transformations sociales à venir aujourd’hui et les générations futures. Car le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer.
Les avis sont partagés d’autant que nous retrouvons là les deux camps classiques en matière de technologies : les pour et les contre ou encore les technophiles et les technophobes. Depuis le début de l’avènement des NTIC, ils s’affrontent. Chacun des camps a ses arguments : l’emballement des débuts fait toujours place au désenchantement (voir toutes les révolutions annoncées et avortées) l’accès à l’information ne signifie pas accès au savoir, la pédagogie ni l’andragogie ne sont au point, les impacts positifs ne sont pas là non plus …
Et dans le domaine des apprentissages, de l’éducation et de la formation : des promesses mais pas de résultats bien tangibles nous dit-on d’un côté, et une véritable révolution culturelle de l’autre : c’en est fini de la civilisation de la parole et du texte ; nous voici dans celle de l’image en plus de la parole et en plus du texte !
Depuis 1980, ceux qui se sont battus pour la présence des technologies en éducation se demandaient : est-ce qu’on est pour ou contre les technologies, pour ou contre l’impact éducatif des technologies?
En 2012, cette question est largement dépassée : on est maintenant dans le «comment». Car on sait que les technologies ont un impact. ET on s’intéresse surtout à « comment l’impact peut avoir lieu» .
Certes, les freins à l’adoption de nouvelles pédagogies propices à l’usage efficace des technologies persistent. Le modèle de la pédagogie classique garde ses adeptes, Et on peut parler de méconnaissance des travaux de recherche sur les nouveaux apprentissages.
Par ailleurs, le fossé entre les décideurs politiques et les experts en charge de définir les éléments d’une politique éducative perdure : ni les décideurs politiques ni les enseignants ne sont pour autant des technophobes. Mais l’environnement d’apprentissage, induit par le mode d’organisation du système scolaire en place depuis cent ans, marginalise toutes les tentatives d’usages des technologies qui ne viennent pas renforcer ce modèle.
Les quelques apprenants réfractaires à ce modèle et qui faisaient l’école buissonnière sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à s’échapper dans le virtuel, au travers des nombreux outils d’accès à l’information numérisée, et ne trouvent plus d’intérêt suffisant à s’investir dans l’offre de formation qu’on leur propose.
Par ailleurs, le vrai changement est que le numérique a envahi toutes les sphères de la vie d’un individu : sphères professionnelle, privée (familiale, loisirs …) et citoyenne. Et les lieux du savoir (qu’ils soient formels ou informels: école ; université, vie privée quotidienne, travail, lieux de vie urbains, périurbain…) sont déjà transformés par le numérique.
Du coup, on ne peut que s’interroger sur les transformations qui en résultent dans les processus de transmissions et nous confronter ensemble aux transformations numériques et à leurs enjeux dans le champ éducatif.
Le sujet est ouvert par les échanges récents de Michel Serres avec un certain nombre de personnalités qui posent la question du pour ou contre et développe un débat entre une Petite Poucette et un Grand Papa Ronchon.
Pour Michel Serres, un nouvel humain est né de l’essor des nouvelles technologies : il le baptise «Petite Poucette» – clin d’oeil à la maestria avec laquelle les messages fusent de ses pouces. « Petite Poucette va devoir réinventer une manière de vivre ensemble, avec les institutions, une manière d’être et de connaître… Débute une nouvelle ère qui verra la victoire de la multitude, anonyme, sur les élites dirigeantes, bien identifiées ; du savoir discuté sur les doctrines ensei-gnées ; d’une société immatérielle librement connectée sur la société du spectacle à sens unique… »
Ce dossier est ouvert et enrichi de nouveaux articles, références, bibliographies… qui sont consultables sur le site du CMA : www .CMA-Lifelonglearnig.org
– Ecouter sur France culture dans l’émission Répliques du 8/12/12 « L’école dans le monde qui vient », un dialogue entre Michel Serres et Alain Finkielkraut.
– Regarder l’échange de 3mn entre Bernard Stiegler et Michel Serres : http://philosophies.tv/evenements.php?id=676 / Pour la version complète de 60mn: http://philosophies.tv/evenements.php?id=677
– Lire le n° 62 (septembre 2012 / p 53) de Philosophie magazine
– Lire « Petite Poucette « , de Michel Serres. / Edition Le Pommier 2012