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L’innovation repose sur la coopération et une révolution des mentalités

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Innover implique la créativité qui s’enrichit des apports pluriels, de la diversité, de la contradiction. Ce qui induit la coopération des acteurs de l’entreprise. Toutefois, tant que le modèle majoritaire est orienté vers la compétition, envisager une réelle coopération est illusoire. Un changement radical des représentations est alors nécessaire.

Un petit détour aux racines d’une distorsion

Rappelons-nous que depuis Spencer, c’est le darwinisme social qui conditionne les représentations que nous avons des rapports sociaux que ce soit dans la nature et par extension, entre les êtres humains.
Les économistes britanniques contemporains de Darwin se sont emparés de ses premiers travaux sur l’Origine des Espèces pour mettre en avant le fait que les principes de la nature reposent sur la loi de la jungle, la célèbre « struggle for life » c’est-à-dire la loi du plus fort. Cela a conditionné nos systèmes éducatifs, justifié les règles de fonctionnement économiques qui se sont calés sur celles de la stratégie militaire, faisant de l’Art de la guerre de Sun Tzu, le manuel d’excellence de la stratégie des entreprises.
La guerre sur les terrains militaires a perdu du terrain notamment en Europe mais a changé d’espace pour sortir des plaines et arpenter les marchés. il est devenu « normal » de considérer les rapports économiques comme étant en guerre. Nombreux sont d’ailleurs les généraux et les colonels, qui privés d’armées, se reconvertissent dans l’Intelligence Economique (formule élégante pour parler dans le champ économique de renseignement).

Pour en revenir à Darwin, qui connaît les travaux postérieurs qu’il a réalisés sur les êtres humains rassemblés dans l’ouvrage la Descendance de l’homme ? Il a eu à cœur de partager ses observations sur les coopérations parmi les animaux et les mécanismes de solidarité chez les êtres humains, mais cet aspect de ses recherches n’intéressait pas ceux qui avaient besoin d’assoir une vision particulière de la nature humaine pour justifier leur doctrine économique. Patrick Tort a bien résumé ses travaux en disant : « La sélection naturelle sélectionne la civilisation, qui s’oppose à la sélection naturelle. »
Les êtres humains sont capables de s’occuper des plus faibles, d’assumer tous les handicaps et de trouver des modalités pour faciliter la vie aux plus démunis (évidemment il reste encore d’immenses progrès à réaliser mais c’est un autre débat).

Depuis des biologistes, tel Jean-Marie Pelt (La solidarité chez les plantes, les animaux, les humains), en France, ont démontré que la nature repose sur une multitude de mécanismes de solidarité, de coopération inter-espèces qui ont conduit certains biomiméticiens à démontrer que la nature fonctionne majoritairement sur la coopération car la compétition consomme trop d’énergie et fragilise les espèces et les écosystèmes. Cette dernière est par conséquent utilisée rarement, contrairement aux reportages animaliers qui ont longtemps entretenu notre vision darwinienne de la nature. D’ailleurs, depuis quelques années, You Tube principalement regorge de reportages professionnels ou amateurs de solidarité inter-espèces.

Quelle est la conclusion de cette partie ?

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Nous avons une représentation partielle du monde, de la réalité et ici en l’occurrence des rapports sociaux animaux ou humains. Cette représentation, celle de la loi de la jungle a été répétée maintes fois pour expliquer nos comportements agressifs et il s’avère qu’elle est erronée. Nous ne sommes pas mus majoritairement par des instincts de compétition.

De la nature humaine

Toutes les recherches ou démonstrations sont revisitées, de Darwin à Freud ; les théories légitimant nos instincts agressifs sont remises en question, non pas pour nier le fait que nous puissions manifester de la violence et de l’agressivité, mais plutôt sur le fait que le fondement de la nature humaine n’est pas fondamentalement mauvais, comme beaucoup cherchaient à le démontrer pour ensuite légitimer d’autres théories comportementales justifiant des postulats économiques. La science démontre que le point de vue de Hobbes (« L’homme est un loup pour l’homme », dans son état naturel) serait une extrapolation humaine des observations faites sur des comportements sans regarder les causes qui y conduisent.
Les nouveaux travaux aussi bien des neurobiologistes que des psychologues mettent en lumière que l’être humain est de nature empathique et c’est principalement l’éducation, l’environnement, la culture qui modifient de manière déterminante les comportements. Il semble que nous soyons à l’ère de Rousseau, preuves à l’appui.

La conséquence pour l’innovation

Quelle est l’incidence sur l’innovation ? L’innovation pour beaucoup se nourrit de la compétition entre différentes entreprises, des effets des marchés et de la concurrence. Toutefois, l’innovation nécessite aussi des coopérations, des échanges d’informations, des partages de données, des benchmarks, un faisceau de comportements qui reposent sur la confiance et le partage. Nous observons dans les entreprises des dépenses d’énergie importantes dans les luttes de pouvoir, les débats contradictoires stériles, les rétentions d’informations.

Coopérer ne signifie pas être tous d’accord et tout le temps mais détenir le mode d’emploi pour composer avec les différences et savoir en tirer l’essentiel au service des entreprises. Les tensions et les désaccords sont toujours présents, c’est la manière de les gérer qui diffère. Au lieu de perdre du temps dans des joutes oratoires, des batailles d’egos et des luttes de pouvoir, il est question de permettre à chacun de trouver sa place et des modalités de reconnaissance pour ses apports et sa contribution, transformer le besoin de pouvoir en plaisir de partager et de découvrir la richesse de la créativité débridée dans un contexte sécurisé. Créativité qui est une des racines de l’innovation.

Coopérer peut aussi ouvrir sur l’invention de nouveaux business modèles, de nouveaux fonctionnements qui permettent à l’entreprise de surmonter les moments d’instabilité, les effets déstructurant des crises en développant de nouveaux ressorts du travail en équipe, favorisant la diversité et la confrontation constructive des points de vue.

Innover en Intelligence Coopérative permet de dépasser de nombreux blocages et obstacles et surtout libère des idées et des actions dans des laps de temps très courts. La coopération démontre alors une efficacité redoutable, encourage l’agité dans des contextes contraints.

En guise de conclusion

Il nous parait important de décorréler compétition et coopération des prises de positions philosophiques et politiques et d’observer leur articulation dans le monde du vivant (voir les travaux des biologistes et des biomiméticiens) afin d’accepter que nous avions peut-être une représentation erronée de la réalité, parcellaire. Ainsi, en acceptant de modifier nos représentations alors de nouveaux comportements peuvent émerger, de nouvelles opportunités peuvent apparaître que les crises à répétition encouragent.

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Innover c’est aussi sortir du cadre, oser penser différemment et explorer de nouveaux territoires, alors il pourrait être intéressant de tirer les enseignements de ces nouveaux modèles économiques, qui sont en croissance (Economie Sociale et Solidaire Economie circulaire, Economie de fonctionnalité)…
De quoi s’interroger et sans doute déplorer des benchmarks productifs…

– Jérémy Rifkin, Une nouvelle conscience pour un monde en crise : Vers une civilisation de l’empathie, Les Liens qui Libèrent, 2011.
– Jacques Lecomte, La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité, Odile Jacob, 2012.
– Alain Berthoz, Gérard Jorland, Coll., L’empathie, Odile Jacob, 2004.
– Denis Marquet, Nos enfants sont des merveilles. Les clés du bonheur d’éduquer, Marabout, 2013.
– Olivier Maurel, Oui, la nature humaine est bonne ! Comment la violence éducative ordinaire la pervertit depuis des millénaires, Robert Laffont, 2009.

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