La mathématicienne Claire Voisin est la lauréate de la médaille d’or 2016 du CNRS, la plus haute distinction scientifique française. Cette récompense, qui lui sera remise le 14 décembre 2016 lors d’une cérémonie à la Sorbonne (Paris), couronne ses contributions majeures en géométrie algébrique complexe. Réputée pour sa connaissance profonde de ce domaine et pour l’originalité et la diversité de ses travaux, elle a été distinguée par de nombreux prix. Véritable ambassadrice française des mathématiques, son rayonnement à l’international est exceptionnel. Chercheuse au CNRS pendant une trentaine d’années, elle est aujourd’hui titulaire de la chaire Géométrie algébrique au Collège de France.
Photo : © Patrick Imbert/Collège de France
Née le 4 mars 1962 à Saint-Leu-la-Forêt (Val-d’Oise), Claire Voisin intègre l’École normale supérieure de Sèvres section sciences, en 1981. Agrégée de mathématiques en 1983, elle prépare ensuite une thèse à l’université Paris-Sud, sous la direction d’Arnaud Beauville (1), thèse qu’elle soutient en 1986. Aussitôt recrutée au CNRS, elle poursuit sa carrière d’abord à Orsay puis à l’Institut de mathématiques de Jussieu (CNRS/Université Paris Diderot/UPMC). Mise à disposition auprès de l’Institut des hautes études scientifiques de 2007 à 2009, elle a également été professeur à temps partiel à l’École polytechnique de 2012 à 2014. Élue membre de l’Académie des sciences en 2010, elle est la première mathématicienne à entrer au Collège de France en 2016. Aujourd’hui professeur au Collège de France, elle y est titulaire, depuis le 2 juin 2016, de la chaire Géométrie algébrique.
Claire Voisin a développé des mathématiques abstraites, à la frontière de plusieurs domaines de connaissances, fruit d’une intuition remarquable et d’une extrême rigueur. Elle a consacré ses recherches à la géométrie algébrique (l’étude des propriétés des ensembles définis par un système d’équations algébriques). Ce qui l’enthousiasme tout particulièrement est le va-et-vient entre trois domaines des mathématiques très différents, que sont la topologie, la géométrie complexe et la géométrie algébrique. Claire Voisin a consacré, et consacre toujours, une grande partie de ses recherches à la conjecture de Hodge, qui figure parmi les sept problèmes du millénaire (2), ainsi qu’à sa version généralisée par Grothendieck.
À l’issue de sa thèse, elle s’est passionnée pour la théorie de Hodge, un outil précieux qui permet de comprendre et d’étudier la topologie des variétés algébriques complexes. Claire Voisin a ainsi démontré ou invalidé plusieurs conjectures historiques majeures en géométrie algébrique complexe ainsi qu’en théorie de Hodge. Elle a tout d’abord travaillé sur les problèmes de type Torelli puis sur l’étude et l’application des lieux de Noether-Lefschetz, travaux faisant intervenir la théorie des variations de structure de Hodge. En 2002, elle a construit des contre-exemples à la célèbre conjecture de Hodge dans le cadre des variétés kählériennes compactes, un type particulier de variétés différentielles complexes. Un volet différent de ses travaux concerne la géométrie projective des courbes : elle a en effet démontré la conjecture de Green pour les courbes génériques (3). La « symétrie miroir » est un autre domaine de la géométrie algébrique qui l’a beaucoup intéressée : elle a entre autres construit des familles miroir explicites.
Son résultat le plus important concerne le théorème de Kodaira sur les surfaces. Claire Voisin a démontré en 2005 qu’il n’est pas généralisable à toute dimension : la topologie permet de distinguer en dimension supérieure à quatre les variétés projectives des variétés kählériennes compactes. Ce résultat a ouvert de nouveaux champs de recherche en mathématiques. Plus récemment, Claire Voisin a aussi joué un rôle pionnier dans la découverte et l’étude de nouveaux invariants birationnels qui ont permis des avancées majeures dans l’analyse du problème de Lüroth et ses variantes.
Ses travaux ont été récompensés par la médaille de bronze du CNRS en 1988 et par la médaille d’argent en 2006. Claire Voisin a également reçu les prix Servant (1996) puis Sophie Germain (2003) de l’Académie des sciences, le prix de la Société européenne de mathématiques en 1992, le prix Ruth Lyttle Satter en 2007, le prix du Clay Mathematics Institute en 2008 et le prix Heinz Hopf en 2015. Chevalier de la Légion d’honneur en 2008, elle est membre étranger des Académies Leopoldina (Allemagne) et dei Lincei (Italie). Elle est également membre associé étranger de la National Academy of Sciences depuis 2016. Autre symbole de sa reconnaissance mondiale, elle a été invitée à donner une conférence plénière au congrès international des mathématiciens à Hyderabad (Inde) en 2010.
La médaille d’or du CNRS distingue chaque année, depuis sa création en 1954, l’ensemble des travaux d’une personnalité scientifique qui a contribué de manière exceptionnelle au dynamisme et au rayonnement de la recherche française. Les derniers lauréats sont :
• Eric Karsenti, biologiste en 2015 ;
• Gérard Berry, informaticien en 2014 ;
• Margaret Buckingham, biologiste du développement en 2013 ;
• Philippe Descola, anthropologue en 2012 ;
• Jules Hoffmann, biologiste en 2011 ;
• Gérard Férey, chimiste en 2010 ;
• Serge Haroche, physicien en 2009 ;
• Jean Weissenbach, généticien en 2008 ;
• Jean Tirole, économiste en 2007.
(1) Aujourd’hui professeur émérite au Laboratoire J.A. Dieudonné (CNRS/UNS)
(2) Ces problèmes constituent un ensemble de sept défis mathématiques réputés insurmontables. En 2016, six de ces problèmes demeurent non résolus, parmi lesquels la conjecture de Hodge.
(3) sur les syzygies des courbes canoniques dans le cas des courbes génériques
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