Ces dernières décennies, la fréquence des catastrophes naturelles a plus que doublé à l’échelle planétaire. Si les changements climatiques sont mis en cause dans ce phénomène, la destruction des écosystèmes naturels – notamment des zones humides – par les activités humaines en aggrave grandement les conséquences.En effet, les zones humides agissent souvent de manière plus efficace que la construction d’infrastructures pour atténuer les dommages causés par les épisodes climatiques extrêmes. Face à ces menaces grandissantes, nous devons aujourd’hui plus que jamais préserver et réhabiliter ces milieux naturels.ALLAIN BOUGRAIN DUBOURG, Président de la LPOVÉRONIQUE PENCHIENATI, Directrice générale Evian Volvic MondeMARTHA ROJAS-URREGO, Secrétaire générale de la Convention générale de Ramsar
Le 2 février de chaque année, la planète entière célèbre les terres humides : L’édition 2017 de la Journée Mondiale des Zones Humides est consacrée au rôle de ces territoires d’exception pour la prévention des catastrophes. Comme chaque année à la même date depuis 2001, les citoyens français seront sensibilisés aux richesses et fonctionnalité de ces écosystèmes exceptionnels, et engagés pour leur protection. Petit retour sur le rôle de ces zones essentielles à notre survie.
Les zones humides sont parmi les écosystèmes les plus divers et les plus productifs. Elles nous fournissent des services essentiels : réservoir alimentaire, épuration de l’eau, prévention des crues, tourisme, préservation de la biodiversité et bien d’autres. Toutefois, elles continuent d’être dégradées et transformées par les activités humaines, parfois jusqu’à leur destruction.
Le traité intergouvernemental de Ramsar (1), signé en 1971 sous l’égide de l’UNESCO, a pour mission la protection et l’utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources. En signant la Convention, les pays membres s’engagent à protéger leurs zones humides d’importance internationale et à y mettre en œuvre une gestion durable. Aujourd’hui plus de 2 200 zones humides sont inscrites sur la Liste Ramsar, dont 44 sites en France.
Marais, tourbières, prairies humides, lagunes, mangroves, deltas, baies, rives de lacs et de rivière, les milieux humides abritent une multitude d’espèces animales et végétales en interaction. Ils jouent un rôle de premier plan en rendant de nombreux services à l’humanité : ils rechargent les eaux souterraines, purifient les eaux en surface, résorbent et atténuent les crues comme les sécheresses.
Les milieux humides protègent les berges et les rivages de l’érosion, et les côtes des tempêtes. 50% des espèces d’oiseaux vivants en France dépendent d’ailleurs de ces milieux. 30% des espèces végétales remarquables y sont inféodés. Dépositaires de valeurs culturelles, ces terres vivantes constituent des pivots de développement économique.
Les études du chercheur australien Nick C. Davidson montrent que 64% des terres humides ont disparu depuis 1900, limitant l’accès à l’eau douce pour plus d’un milliard de personnes. Depuis 1970, l’assèchement a entraîné la disparition de 76% des populations d’espèces d’eau douce. À l’avenir, une disparition complète de ces territoires engendrerait d’importants changements climatiques puisqu’en plus de ne plus absorber les précipitations et de ne plus fixer le littoral, les zones humides libèreraient une importante quantité de carbone : le professeur Christian Blodau estime par exemple que les tourbières retiennent 30% du carbone stocké en milieu terrestre.
Aujourd’hui les milieux humides connaissent d’importants bouleversements dus notamment à : l’utilisation des sols, l’expansion de l’agriculture intensive, l’exploitation du bois, le détournement de l’eau par les barrages, les digues et les canalisations, la pollution de l’air de l’eau… et aussi des catastrophes (crues, inondations, sécheresses, canicules, tassements de terrain, tempêtes… qu’il est impérieux de prévenir pour mieux protéger ces écrins de vie.
L’édition 2017 des Journées mondiales des zones humides est consacrée au rôle des milieux humides dans la prévention des catastrophes.
En effet, ces milieux protègent les populations humaines d’une grande variété de catastrophes naturelles (inondation, submersion marine, sécheresse…), y compris celles aggravées par le changement climatique. Ces milieux humides renforcent ainsi la résilience des territoires, telles de véritables infrastructures naturelles gratuites.
À l’intérieur des terres, les mares, marais, tourbières, ripisylves, etc. agissent comme des tampons et des éponges en freinant et absorbant l’eau, réduisant à la fois les crues et les inondations ainsi que les sécheresses grâce au rechargement des nappes phréatiques en eau. Ensuite, l’été, lors des canicules, les milieux humides urbains contribuent au rafraîchissement de l’air par l’évaporation de l’eau contenue dans leurs sols, leurs réservoirs et leur végétation.
Par ailleurs, leur bon fonctionnement hydraulique évite les effets fâcheux des tassements de terrain si coûteux et, dans une moindre mesure, des feux de forêt et de tourbe.
Sur le littoral, les vasières, les prés salés, les lagunes, les récifs coralliens, les mangroves et autres marais salants protègent la côte de la force des vagues, de l’érosion, de l’élévation de la mer et des submersions marines, tels des atténuateurs et des remparts naturels, conjuguant la protection des infrastructures et des populations aux merveilles de leurs paysages et des loisirs que ces milieux offrent, ce que ne sauraient faire digues et enrochements.
Pour exemple, en 2012, l’ouragan Sandy ravageait les côtes américaines, provoquant 210 morts, une vingtaine de disparus et 52,5 milliards de dollars de dégâts. C’était le deuxième ouragan le plus coûteux pour les USA après Katrina en 2005, à la suite duquel le congrès américain avait décidé de restaurer des zones humides littorales pour un montant de 460 millions de dollars. Sans les zones humides littorales, les coûts auraient été 10 % plus élevés.
C’est pourquoi, nombre des catastrophes devant voir leur fréquence et leur intensité accrues par le changement climatique, les milieux humides peuvent être désignés comme des amortisseurs climatiques des causes (stockage du carbone dans les tourbières, les herbiers, les récifs coralliens…) comme des effets de ce changement global.
Des prairies humides face aux crues et inondations
Dans le cas des inondations, les milieux humides tels que les plaines inondables et les prairies humides servent de réservoir naturel d’expansion des crues. Le débordement des cours d’eau dans les zones humides périphériques (mares, bras mort de rivières, etc.) et la rétention d’eau provoquent ainsi une diminution du débit et un étalement dans le temps du débit maximum d’eau, et donc des crues. En outre, la végétation de ces milieux et les sédiments dissipent l’énergie hydraulique, diminuant la vitesse d’écoulement. Ces deux effets réduisent ainsi l’ampleur du phénomène en cas de crue et les risques d’inondation.
À titre d’exemple, la conservation de la plaine alluviale de la Bassée, infrastructure naturelle en amont de Paris (zone d’expansion des crues de la Seine), génère un service d’écrêtement des crues évalué entre 2 et 37 millions d’euros par anc et évite de construire un barrage qui coûterait entre 100 et 300 millions d’euros et qui n’assumerait pas pour autant les autres services que rend ce milieu (épuration des eaux, pêche, etc.).
Protéger et restaurer les zones humides alluviales, c’est protéger les villes et les activités des flots ravageurs.
Des marais et des étangs pour réduire sécheresses et canicules
L’absorption des eaux l’hiver et lors des épisodes de crues permet aux milieux humides d’alimenter en eau des nappes aquifères et des cours d’eau. À ce titre, ils participent à l’alimentation en eau pour la consommation humaine et aux besoins des activités agricoles et industrielles. Certaines zones humides peuvent stocker jusqu’à 15 000 m3 d’eau par hectare et l’on compte par exemple 46 millions de mètres cube d’eau qui rechargent tous les ans les nappes phréatiques sur le territoire du parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessine.
Par ailleurs, l’évaporation de l’eau et l’évapotranspiration de la végétation des zones humides en milieu urbain contribuent à rafraîchir l’air, réduisant localement l’intensité des canicules. Certains « plans canicule » prennent cela en compte, comme le projet de réaménagement des berges du Rhône à Lyon suite à la canicule de 2003f. De son côté, le département de Seine-Saint-Denis met en place une politique de gestion des eaux de pluies avec stockage et infiltration dans des zones humides temporaires urbaines pour rafraîchir les villes (et lutter contre les inondations).
Conserver et recréer des milieux humides en ville et à la campagne, c’est moins de gêne lors des canicules et des sécheresses.
De l’humidité pour empêcher les tassements de terrain
Lorsque les zones humides argileuses ou tourbeuses ne sont plus suffisamment alimentées en eaux, que les prélèvements sont trop importants et/ou qu’une sécheresse a lieu, les sols se tassent, fragilisant les bâtiments. Le coût des réparations en cas de sinistre est alors de 15 000 € en moyenne par bâtiment, mais peut s’élever au prix total du bâtiment.
En outre, le changement climatique va accroître ce type de sinistre. Une augmentation des dommages de 50 % a déjà été observée sur la période 1987-2006 par rapport à la période 1950-1970, et une autre augmentation de 50 % est prédite pour 2021-2040.
La solution pour éviter ces tassements et destructions réside dans les méthodes douces d’infiltration des eaux pluviales, telles que les noues, mares, rivières sèches et autres zones humides temporaires… comme l’on peut voir sur l’écocampus LyonTech la Doua ou dans la ZAC des Ruires d’Eybens.
Protéger le fonctionnement hydraulique des zones humides, c’est protéger le bâti.
Marais salants, lagunes et mangroves contre vagues et tempêtes
Sur le littoral, la végétation de zones humides comme les vasières, les mangroves ou les marais salants forme une barrière naturelle et atténue les effets des vagues et du vent, stabilise les sédiments, luttant ainsi contre l’érosion, les risques de rupture du cordon littoral.
Il a ainsi été constaté que la végétation des marais salants réduisait trois fois plus la hauteur des vagues que des étendues de sable nuk. Ainsi en 2012, aux USA, les zones humides littorales ont permis de réduire le coût des dégâts de l’ouragan Sandy de 10 %, soit 625 millions de dollars. Une étude a montré que les zones humides littorales, quand elles sont encore présentes, réduisent le coût des dommages des tempêtes de 20 %.
En Angleterre, le reméandrage estuarien de la Medmerry (Sussex de l’Ouest) a permis de recréer naturellement des marais salés et de protéger de tout dommage la zone durant l’hiver 2013-2014 alors qu’en 2008, dans les mêmes conditions météorologiques, 6 millions de livres de dégâts avaient été causés.
Toujours outre-Manche, l’ouverture de trois brèches dans la digue de Freiston Shore (Lincolnshire) et la restauration de la zone humide littorale en arrière de celle-ci ont renforcé la protection du littoral contre les inondations et créé un site d’intérêt majeur pour la biodiversité, avec des retombées économiques à travers le tourisme.
Dans les régions tropicales, les mangroves réduisent la hauteur des raz-de-marée de 5 à 50 cm par kilomètre de largeur de mangrove. Ces milieux diminuent par ailleurs la hauteur des vagues de 75 % pour un kilomètre de mangrove parcouru.
C’est pour cette même raison que la Thaïlande restaure des mangroves dans l’estuaire de Krabi, avec un service de protection des côtes estimé à 309 600 $/an.
Les récifs coralliens, considérés eux aussi comme des zones humides par la convention de Ramsar, ne sont pas en reste. Pour preuve, les récifs coralliens au large du Sri Lanka, protégés par un parc marin, ont empêché le tsunami de 2004 de faire des dégâts au-delà de 50 m à l’intérieur des terres, tandis que dans les zones voisines où l’exploitation du corail a dégradé les récifs, le tsunami a causé des ravages jusqu’à 1,5 km dans les terres.
Enfin, en France, le projet Ad’Apto lancé en 2015 par le Conservatoire du Littoral vise à montrer de façon concrète, par des exemples locaux d’adaptation aux aléas d’érosion ou de submersions marines, qu’une anticipation raisonnée acceptant la mobilité de l’interface terre-mer sur des espaces naturels préservés est possible.
Conserver les zones humides littorales, c’est se protéger des vagues, de l’érosion et des submersions marines.
La journée de lancement se tiendra à Brouage en Charente-Maritime le jeudi 2 février avec un petit déjeuner presse et deux tables rondes consacrées au rôle des zones humides dans la prévention des catastrophes et la gestion des zones humides dans les pays francophones.
Ce 2 février, date anniversaire de la convention de Ramsar, sera donc l’occasion de présenter au public et aux acteurs de nos territoires « leur » zone humide ou celles des environs, à travers une visite de terrain, une exposition, un conte ou encore un débat. Ainsi, du 28 janvier au 28 février 2017, associations, gestionnaires d’espaces naturels, centres d’éducation ou de documentation ou encore collectivités feront découvrir les richesses et les rôles de ces milieux.
En 2016, plus de 120 animations ont été proposées de fin janvier à fin février et 2340 personnes y ont participé !
Quelques animations phares LPO au menu de cette édition 2017 :
– La LPO Alsace propose de partir le 29 janvier à bord d´un bateau de croisière avec des ornithologues chevronnés, à la découverte des oiseaux hivernants qui viennent passer la mauvaise saison sur le Rhin, zone d´hivernage en France.
– La LPO Auvergne propose une Rando’zones humides le 11 février autour de Loudes. Accessible à tous, la découverte du marais de collange permettra d’aborder l´intérêt de cette zone pour sa biodiversité.
– La LPO Haute-Savoie invite les passionnés ou curieux de nature à venir découvrir le 5 février les oiseaux hivernants de la Réserve Naturelle du delta de la Dranse, ainsi que le rôle essentiel joué par les zones humides pour l´hivernage des oiseaux d´eau.
– La LPO Vienne et ses guides ornithologiques vous amèneront à la rencontre des oiseaux de Saint-Cyr à l’occasion de la Fête des oiseaux du lac de Saint-Cyr le dimanche 5 février.
– La LPO Brenne propose de découvrir les oiseaux des étangs de la Touche mais aussi les autres animaux et plantes endémiques protégés. La sortie sera proposée le 3 février depuis un observatoire habituellement fermé au public, en compagnie du conservateur du site.
L’association Ramsar France (2), l’Onema, les Pôles-relais zones humides, la LPO et la Société nationale de protection de la nature, coordonnent l’ensemble des animations réalisées sur le territoire français.
Concours photo organisé par Ramsar
À l’occasion de la Journée Mondiale des Zones Humides, le Secrétariat de Ramsar, convention internationale de protection des zones humides, organise un concours photos pour les jeunes de 18 à 25 ans. Du 2 février au 2 mars, tentez de gagner un voyage offert par Star Alliance Biosphere Connections vers le Site Ramsar de votre choix ! Pour cela, prenez en photo une zone humide qui nous protège des catastrophes et rendez-vous sur http://www.worldwetlandsday.org/fr
(1) Depuis plus de 40 ans, la Convention de Ramsar œuvre à la protection des zones humides dans le monde. Ce traité intergouvernemental, signé par 160 pays, a pour mission la protection, la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides grâce à une forte coopération internationale mais aussi grâce à des actions nationales, régionales et locales permettant de contribuer au développement durable et à la gestion intégrée des ressources naturelles de notre planète. A ce jour, la Liste Ramsar des zones humides d’importance internationale compte, à travers le monde, un peu plus de 2200 zones humides classées, dont 44 en France, qui sont des sites remarquables par les services écologiques fondamentaux qu’ils fournissent et par leur fabuleuse biodiversité.
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