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Démocratie et information : l’année de tous les dangers

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Information, liberté d’expression, liberté des médias, … sont cruciales pour le fonctionnement d’une société véritablement démocratique et continuent à l’être par ces temps de crises. Pourtant, partout dans le monde, se multiplient les signes d’ingérence dans les processus démocratiques. Dans l’anarchie de l’information en ligne, s’informer revient à circuler dans un monde sans carte, ni boussole. Fake news, vérités « alternatives », rumeurs, mauvais journalisme, … des fléaux qui visent avant tout à ébranler la crédibilité des institutions. Pour éviter le pire – la désinformation et le manque de pluralité des points de vue qui créent de l’entre soi ou des bulles informationnelles, mieux vaut comprendre la mécanique de la fabrique de l’information. 

La désinformation n’est pas un phénomène nouveau. Elle a toujours existé, et cela depuis qu’on a réalisé l’influence des médias sur l’opinion publique. Ce qui est nouveau, et réellement préoccupant, c’est l’ampleur et la vitesse inouïes avec lesquelles elle se propage grâce aux médias sociaux et aux plateformes numériques.
Les informations truquées réaffirment la mission traditionnelle du journalisme, qui est de tenter d’éclairer la société et le grand public. Il faut donc renforcer cet aspect central qui est d’élever le débat, de montrer où se trouvent les faits réels et les vrais débats. Une démarche qui s’inscrit dans une dynamique « d’éducation aux médias ». La nécessité d’apprendre, en tant que consommateur de médias comment ce secteur fonctionne et quelles en sont les règles professionnelles.

Une démocratie, en effet, peut-elle survivre si les citoyens qui la composent sont désinformés ? Si dans le soupçon généralisé, certains faits eux-mêmes ne font plus l’unanimité ? C’est le danger auquel sont confrontées nos sociétés à l’ère des réseaux sociaux, du tout gratuit et de la fragmentation des sources. De la confusion entre une information professionnelle et le tsunami de faux-nez médiatiques (blogs d’opinions, communication politique, publicités, « journalisme-citoyen ») nait la perte de repères.

Certaines personnes ne font plus confiance aux médias dits « traditionnels », se méfient des journalistes, ne veulent plus ou ne savent plus comment s’informer. Les effets qui en résultent nourrissent le populisme et le passé nous enseigne que la démocratie peut en mourir.

Aucune dictature, Etat failli ou pays en guerre ne disposent d’informations fiables. A l’inverse, les sociétés apaisées y ont toujours accès. Il existe bien un lien, entre l’information et la paix selon Caroline Vuillemin, Directrice de la Fondation Hirondelle. Le matraquage de fake news par le pouvoir, notamment aux Etats-Unis, est antérieur à Donald Trump, explique également Maria Ressa, directrice du média philippin Rappler.

Pour évoluer sereinement, une société doit débattre et disposer d’espaces de dialogue. Elle doit aussi s’accorder – par-delà les opinions – sur les faits eux-mêmes. Il existe un lien étroit entre une démocratie et des médias crédibles, employant des journalistes formés, spécialisés parfois, obéissant à un code de déontologie et une éthique professionnelle.

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Le vaccin contre la démagogie numérique, la contagion d’informations malveillantes et la mal information est la responsabilité individuelle de chacun pour se repérer dans ce nouvel espace.

Il paraît de plus en plus essentiel que le grand public puisse déjouer les pièges de la désinformation contemporaine. En effet, des études ont révélé des statistiques inquiétantes sur notre capacité de faire la différence entre les reportages trompeurs et le journalisme responsable – entre les « fausses nouvelles » et la vérité : Selon le Pew Research Center, environ 64 % des Américains affirment que le phénomène des fausses nouvelles les rend confus quant aux sources auxquelles se fier ; au Royaume-Uni, une commission créée en 2018 sur les fausses nouvelles et l’enseignement des compétences essentielles en littératie a conclu que moins de 2 % des jeunes Britanniques à qui on présentait six articles – quatre vrais et deux inventés – pouvaient distinguer ceux qui étaient authentiques de ceux qui ne l’étaient pas ; enfin, un sondage mené en 2019 pour la Fondation pour le journalisme canadien a révélé que 40 % des Canadiens n’avaient pas confiance en leur capacité de faire la différence entre les vraies actualités et la mésinformation (Source UNESCO, septembre 2019).

Face au décalage entre la connaissance réelle des utilisateurs et leur pratique des réseaux sociaux, Jérôme Duberry, chercheur à l’Université et IHEID de Genève, insiste sur l’importance  d’éduquer le public, et de la formation dès le plus jeune âge : « Il faut faire comprendre aux gens que l’information n’est pas neutre et que la pluralité d’opinions est en danger dans la démocratie d’aujourd’hui. Pourquoi ? Parce qu’on a très souvent accès uniquement aux idées en accord avec les siennes. »

La formation à l’information

Forte de 25 ans de pratique du journalisme dans les contextes les plus difficiles, la Fondation Hirondelle a souhaité contribuer à l’effort global « d’éducation aux médias », en produisant et mettant à disposition, depuis septembre, une série de vidéos masterclasses en journalisme qui couvrent une trentaine de thèmes avec autant de spécialistes dans leurs domaines : le reportage, la fabrique de l’information, l’économie des médias, les « fake-news » (comment les déjouer ?), le travail des sources, les droits et devoirs du journaliste, l’avenir de la presse, etc… Au total, 300 questions réparties en 30 capsules de 12 à 18 minutes chacune – soit plus de 6 heures d’interviews filmées et sous-titrées en anglais et français, à disposition de toute personne intéressée par les enjeux de l’information.

Ces interviews proposent des réflexions, aussi variées que possible, sur le métier d’informer dans un monde en crise.

A la veille des élections américaines, la mésinformation continue à se propager à travers intox et fake news se fondant sur des interprétations erronées et trompeuses : « des pages continuent à publier des informations profondément fausses sur le vote et le processus électoral américain, en violation semble-t-il de ses politiques », explique l’organisation Newsguard, en charge d’analyser la fiabilité des sources d’information [pre-bunking]. Ils ont identifié 40 pages Facebook qui constituent des « super diffuseurs » de désinformation sur les élections. « Ces pages ont partagé des contenus faux sur le vote ou le processus électoral à plus de 100.000 abonnés chacune. Seuls trois des 53 billets identifiés sur ces pages – des pages qui, combinées, atteignent environ 22,9 millions d’abonnés – ont été signalés comme faux par Facebook », explique Newsguard. Pourtant, chez Facebook, 35.000 employés se consacrent à la sécurité des utilisateurs sur le réseau. 15.000 d’entre eux sont chargés de la détection de contenus illégaux, violents et haineux, et 500 se dédient spécifiquement à la lutte contre l’ingérence dans les campagnes politiques.
Quant à Twitter et ses 24. 000 tweets présidentiels en quatre ans (1), le réseau dit surveiller de près les potentielles revendications de victoire avant les résultats finaux de l’élection. 

Le 30 octobre 1938, Orson Welles annonçait sur les ondes de CBS l’invasion des Etats-Unis par des Martiens. Faux témoignages, faux flashes d’information, la « Guerre des mondes » semait une formidable panique auprès d’un million d’Américains.
Ce génial canular n’était qu’un début. Il y aura par la suite le faux charnier de Timisoara lors de la révolution roumaine en 1989 ou les prétendus laboratoires chimiques de Saddam Hussein pour justifier l’intervention américaine en Irak en 2003. Que nous réserve cette fin d’année 2020 ?

(1) Donald Trump a adressé 55 millions de « followers » toutes plateformes confondues en 4 ans

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