Le glyphosate fait de la résistance. Dans un rapport publié ce 16 novembre, l’association de défense de l’environnement Générations Futures démontre que le travail de réévaluation du glyphosate en vue de sa réautorisation au niveau européen l’année prochaine a été « gravement biaisé » pour privilégier les études de l’industrie agrochimique au détriment de celles des scientifiques.
L’Europe se prononcera dans quelques mois sur la réautorisation du glyphosate, cet herbicide largement controversé et faisant l’objet, depuis des années, d’âpres assauts des défenseurs de la santé humaine et de l’environnement. Quatre États membres de l’Union européenne ont été nommés pour mener cette évaluation : la France, la Hongrie, les Pays-Bas et la Suède. Les rapporteurs ont rendu un rapport préliminaire en juin dernier qui considère que le glyphosate remplit les critères d’approbation définis par la réglementation européenne. Ce rapport est un épais volume de plus de dix mille pages qui a été publié dans le cadre d’une consultation publique. L’ONG de lutte contre les pesticides Générations Futures a fait un examen approfondi de ce rapport et son bilan est accablant.
Le rapport de l’association Générations Futures, publié ce mardi 16 novembre, met en cause l’expertise européenne sur la toxicité du produit qui servira de base pour une possible réautorisation du produit sur cinq ans. « Nous avons mis en évidence de nombreuses failles dans le processus de sélection des études universitaires », résument les auteurs du rapport.
92% des études universitaires écartées
L’ONG a procédé à une analyse bibliométrique qui conclut que des centaines d’études scientifiques sur la toxicité du glyphosate auraient été écartés « d’emblée » du processus d’évaluation. Sur les 7188 études publiées dans des revues scientifiques ces dix dernières années, 6644 (soit 92 %) ont ainsi été écartées par les experts européens comme « non pertinentes » – et sur les études restantes, seulement 211 (soit 3%) ont été jugées « utiles pour l’évaluation », expliquent les auteurs du rapport. Un chiffre qui s’est encore réduit comme peau de chagrin, car la plupart de ces études aura finalement été classée comme « non fiables » ou « fiables avec restrictions ». Seulement 30 études scientifiques, soit 0,4 % du nombre total, auront ainsi été prises en compte par les évaluateurs européens comme étant pertinentes et fiables – et pas une seule d’entre elles aura servi comme « étude clé » dans le travail européen de réévaluation, révèle l’association.
En cause, selon Générations Futures : de nombreuses « failles » à toutes les étapes de la sélection des études. De nombreux travaux auront notamment été exclus sur la base de leurs titres ou leurs résumés uniquement. L’évaluation de la fiabilité des études aurait en plus été menée « de manière totalement non transparente et non équitable entre les études universitaires et celles de l’industrie ». Ces dernières se retrouvent au contraire en grand nombre parmi les travaux sur lesquels se sont appuyés les évaluateurs européens, révèle l’association. Et ce alors que les études de l’industrie, « en particulier les études de génotoxicité, montrent des failles méthodologiques importantes ».
Une situation au bénéfice des industriels
En résumé, les évaluateurs européens auront « tout fait » pour que « le minimum d’études de la littérature soit considéré », que « les études de la littérature soient jugées moins fiables que celles fournies par les industriels » et que « les défauts des études de l’industrie soient occultés ».
Avec, pour résultat, une expertise européenne qui nie tout risque de toxicité du glyphosate – alors même que ce dernier a été classé comme « cancérogène probable » par l’Organisation mondiale de la santé en 2015 et qu’une expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a conclu, cette année, à une « présomption moyenne » de lien entre l’exposition au pesticide et le développement d’un cancer.
Face à cette situation « totalement anormale », Générations Futures exige « que le gouvernement français intervienne rapidement pour que la méthode de prise en compte des différentes études utilisées dans le cadre de l’évaluation du glyphosate au niveau communautaire soit d’urgence réformée ». Pointant également le risque que des biais méthodologiques se retrouvent dans « bien d’autres dossiers d’évaluation de pesticides au niveau communautaire », l’association demande en outre une « réforme méthodologique profonde des procédures d’évaluation des pesticides dans l’Union européenne ». « Il y a urgence à élaborer et mettre en œuvre une méthode garantissant la prise en compte de toutes les connaissances scientifiques disponibles », soutient l’association, et cela « de manière équitable et transparente ».
Il y a un an, le président Macron avait déclaré vouloir interdire le glyphosate à l’échelle européenne d’ici 2022. Dans quelques semaines, celui-ci exercera la présidence tournante du Conseil européen. La France fait partie des quatre auteurs du rapport controversé qui aboutit à une réautorisation du glyphosate. Que fera le président ? Les promesses n’engageant que ceux qui les écoutent, il est fort probable que l’autorisation de l’herbicide soit encore renouvelée en Europe.
Avec Euractiv