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Ken Domon, le maître du réalisme japonais, pour la première fois en France

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L’exposition du printemps été 2023 de la Maison de la culture du Japon à Paris sera la première en France consacrée à l’une des figures les plus marquantes de l’histoire de la photographie japonaise : Ken Domon (1909-1990). Elle réunira une centaine d’images de ce pionnier de la photographie réaliste, produites entre les années 1920 et 1970. Les multiples facettes de son travail seront ici révélées : son intérêt pour le photojournalisme au début de sa carrière, l’inévitable tournant vers la photographie de propagande dans les années 1930, puis sa fascination pour les anciens temples et la sculpture bouddhique, ses touchants portraits d’enfants des rues et de célébrités, et son témoignage bouleversant sur Hiroshima.

L’œuvre de Ken Domon a durablement marqué l’histoire de la photographie au Japon en posant les bases de la création photographique contemporaine, au point d’être, aujourd’hui encore, considéré comme une référence incontournable. Domon a cherché pendant toute sa vie à obtenir les images les plus réalistes qui soient, sans verser dans quelconque misérabilisme. Alors qu’un vent nouveau soufflait sur le Japon à la fin de la guerre, son regard, sans filtres, se posait sur la société en général et sur la vie quotidienne. 

Ce réalisme qui est sa signature et qui, par définition, « dépouille de toute sentimentalité » la photographie, est incontestablement le fil conducteur de l’exposition de la Maison de la culture du Japon à Paris qui, thème après thème, s’attache à retracer l’ambitieux parcours emprunté par Domon pour saisir la culture japonaise dans son ensemble.

Elle donne notamment à découvrir les deux reportages qui traduisent le plus nettement le réalisme social caractéristique de son travail, soit : Hiroshima (1958), considéré par le prix Nobel Kenzaburô Ôe comme la première œuvre d’art contemporain inspirée par la bombe atomique à traiter des vivants et non des morts, et Les enfants de Chikuhô (1960), une série photographique qui témoigne de la pauvreté qui ronge les villages miniers du Sud du pays, en se focalisant sur la vie des enfants des rues.

Ken Domon est devenu le chef de file de la photographie réaliste au Japon dans les années 1950. Il a certainement été influencé par de grands photographes occidentaux tels que Cartier-Bresson et Eugene Smith, aux côtés desquels il expose à Tokyo en 1951 et 1953.

Dans une autre section, la série Portraits révèle aux regardeurs les visages de personnalités dans différents domaines – artistique, littéraire, culturel ou scientifique – comme les écrivains Yukio Mishima et Jun.ichirô Tanizaki, les artistes Foujita, Tarô Okamoto et Yûsaku Kamekura, le réalisateur Yasujirô Ozu ou encore l’acteur Toshirô Mifune.

La dernière partie de l’exposition est quant à elle consacrée à la série photographique la plus longue de Domon, Pèlerinage aux temples anciens, un recueil d’images de statues et d’architecture bouddhiques, de trésors cachés et de paysages discrets, immortalisés au cours de voyages à travers le pays alors qu’il cherchait à capter la beauté des lieux sacrés des temps anciens.

Pont Musaibashi de l’étang Garyô-ike, temple Eihô-ji, Gifu, 1962 – Ken Domon Museum of Photography

« On peut parler de l’œuvre de Ken Domon comme d’une autobiographie, d’une documentation personnelle, plutôt que sociale, qui traduit son souci constant de fixer sur la pellicule un moment de dialogue avec le sujet. Son regard fixé sur ce dernier, qu’il s’agisse d’un paysage, d’une sculpture, d’une personne ou d’un objet, agit comme le révélateur d’une beauté universelle vue à travers un objectif qui n’ignore aucune des caractéristiques physiques de la forme représentée. » précise la commissaire, Rossella Menegazzo.

Célébré par l’ouverture en 1983 à Sakata (sa ville de naissance, dans le département de Yamagata) d’un musée dédié à une œuvre prolifique, Ken Domon n’avait que très rarement été exposé à l’étranger : en Allemagne en 1990 et en Italie en 2016. Il n’avait jamais bénéficié d’une vitrine en France. Ce sera chose faite au printemps grâce à la Maison de la culture du Japon à Paris qui rend ainsi hommage à un créateur qui s’est attaché à dresser un portrait complet de la culture japonaise. Cet événement met en exergue le fait que Domon, avec le concours d’amis et de personnalités du milieu artistique comme Yûsaku Kamekura et Sôfû Teshigahara, a su initier dans les années 1950 une véritable transition culturelle, écartant définitivement l’esprit de défaite pour donner naissance à une esthétique contemporaine japonaise louée dans le monde entier.

Pierres dans l’étang Kongôchi du jardin du temple
Saihô-ji, Kyoto, 1963 – Ken Domon Museum of Photography

L’avant-guerre : du photojournalisme à la photographie de propagande

Ken Domon fait ses débuts dans la photographie à 24 ans, en 1933, lorsqu’il intègre, en qualité de simple apprenti, le studio de Kôtarô Miyauchi à Ueno (Tokyo). Il publie sa première photographie dans le numéro d’août 1935 de Asahi Camera. Le 10 octobre de la même année, sa carrière prend un tournant décisif lorsqu’il répond à l’annonce d’un studio à la recherche d’un photographe technicien. Situé dans le quartier de Ginza, le studio Nippon Kôbô a été fondé par Yônosuke Natori (1910-1962) à son retour d’Allemagne, où il a travaillé au Berliner Illustrierte Zeitung.

Il importe des concepts alors inédits au Japon tels que l’editing ou le reporting, ainsi qu’un nouveau système de production basé sur la collaboration entre un photographe et un designer graphique encadrés par un directeur artistique, ce qui contribuera à la diffusion à grande échelle du photojournalisme. Domon réalise alors ses premiers reportages pour le magazine Nippon édité dans plusieurs langues afin de promouvoir la culture japonaise à l’étranger, mêlant à la fois information et propagande. Son premier reportage photographique, réalisé au sanctuaire Meiji-jingû à Tokyo avec son Leica modèle C, porte sur la fête de shichigo-san, une sorte de rite de bénédiction des enfants. Domon traitera aussi de l’artisanat, des traditions, des progrès industriels et militaires et du côté progressiste du Japon, qui, dans les années 1930, amorçait alors son virage nationaliste.


Entraînement des cadets de la marine, 1936

L’alignement régulier et parfait de ces jeunes cadets de la marine torse nu pendant les entraînements souligne l’efficacité et la qualité de la préparation de l’armée japonaise durant les années précédant la seconde guerre mondiale. Ce cliché obéit aux règles concernant les images de propagande, avec un cadrage en contre-plongée, des lignes convergentes et multiples qui exaltent l’esprit de cohésion et la force du groupe. Le reportage a été publié dans le n° 9 de Nippon du 2 novembre 1936 sous le titre « Japan’s Blue Jackets ».

Pendant la guerre

À l’aube de la seconde guerre mondiale, la photographie n’échappe pas à la réglementation stricte imposée par les autorités militaires du Japon. Seuls quelques rares photographes professionnels se voient confier du matériel pour couvrir les sujets jugés « nécessaires » au regard de leur compatibilité avec les besoins de la propagande du gouvernement, du ministère des Affaires étrangères, de l’Agence internationale du tourisme et de la Société pour la promotion internationale de la culture. De nombreuses revues consacrées à la photographie se voient interdites de publication, ce qui a de lourdes répercussions sur la vie des photographes, d’autant plus grandes pour Domon qui doit alors nourrir une famille de sept personnes.
Ce dernier vit par ailleurs dans la crainte, avec raison, de voir arriver le « bulletin rouge » de mobilisation qui l’appellerait à rejoindre le front au sein d’une équipe de photojournalistes.

Domon s’éloigne alors un peu de la scène médiatique et se tourne vers la culture et les arts traditionnels, en particulier les temples bouddhiques tels que le Murô-ji et le théâtre de marionnettes bunraku. Le 8 décembre 1941, il se trouve dans les coulisses du théâtre bunraku de Yotsubashi à Osaka quand il lit dans l’édition spéciale d’un journal que le Japon déclare la guerre aux États-Unis.

La taille considérable de son matériel et le temps d’exposition long sont d’importantes contraintes pour Domon qui immortalise alors des maîtres du bunraku tels que Bungorô Yoshida, Eiza Yoshida et Monjurô Kiritake. Jusqu’à la fin de son travail sur le sujet en 1943, Domon réalise pas moins de 7000 négatifs, réunis dans l’ouvrage Bunraku, publié en 1972.

L’après-guerre, l’affirmation de la photographie réaliste

Les événements tragiques de la seconde guerre mondiale et la capitulation du Japon meurtri par les atrocités de la bombe atomique révèlent la grande supercherie de la propagande de guerre. La défaite a entraîné la fin du mythe impérial et du shintoïsme d’État qui constituaient le fondement de l’idéologie militariste.

Si dès la fin des années 1940 un renouveau intellectuel prodigieux conduit à une reprise rapide de la circulation d’idées au travers de magazines, de publications, d’expositions et des cercles artistiques naissants, les mots adéquats sont manquants pour exprimer cette réalité tragique. Face au besoin de narration d’un Japon en plein bouleversement, le réalisme des photographies de Domon qui documente aussi bien l’occidentalisation des mœurs à travers la ville que les ruelles ou les groupes les plus pauvres de la population le distingue jusqu’à devenir une référence.

Le mouvement réaliste connaît son apogée vers 1953, après l’organisation de deux expositions majeures à Tokyo qui, pour la première fois, mettent en regard des œuvres des plus grands photographes occidentaux avec celles d’artistes japonais. En juin 1951 est organisée dans le grand magasin Mitsukoshi de Ginza la première exposition du collectif japonais Shûdan Photos, intitulée « Photographies du Japon, de France, d’Amérique et de Grande-Bretagne ». Parmi les onze photographes japonais figurent Ken Domon et Ihei Kimura, tandis que Cartier Bresson compte parmi les participants étrangers. Puis en 1953, le Musée national d’art moderne de Tokyo accueille l’exposition « The Exhibition of Contemporary Photography – Japan and America » dont le commissaire est Edward Steichen. Domon y expose aux côtés d’Eugene Smith, d’Ansel Adams, de Walker Evans, etc.

Femmes se promenant, Sendai, 1950 – Ken Domon Museum of Photography

Trois jeunes femmes de dos, saisies par l’objectif du photographe. Peut-être ne se sont-elles rendu compte de rien. Elles se promènent dans une rue de la ville de Sendai (département de Miyagi). Nous sommes en 1950, la mode américaine se répand, comme le démontrent leurs robes blanches laissant voir leurs épaules, les lunettes de soleil à monture épaisse, le foulard qui couvre leurs cheveux et l’ombrelle pour se protéger du soleil.

Les enfants

Les photographies d’enfant font partie intégrante de l’œuvre de Ken Domon. Ses premiers reportages pour le magazine Nippon portent sur la fête de shichi-go-san, puis sur des enfants pêchant à Izu. En les photographiant, Domon saisit l’énergie du Japon propre à cette époque : dans les rues de Ginza, de Shinbashi et d’autres quartiers populaires de Tokyo, mais aussi à Nagoya ou à Osaka, notamment dans le quartier de Kôtô où il réside.

En 1946, suite au décès de sa deuxième fille, Domon fait le choix d’une approche réaliste de plus en plus sociale, pour ne pas dire socialiste, se servant de l’innocence du regard des enfants pour aborder indirectement des sujets de société.

Il consacre plusieurs séries à ce thème, notamment Les enfants de Chikuhô, publié en janvier 1960. Le mois de novembre suivant, il publie Le père de la petite Rumie est mort, qui montre les conditions de vie misérables des enfants dans les villages de la région minière de l’île de Kyushu et, en particulier, l’histoire de deux sœurs dont le père est décédé. Ce livre qui a ému le Japon devient un best-seller. Enfin, le recueil Enfants, miroir d’un Japon en pleine mutation, est réalisé avec son ami Yûsaku Kamekura, designer graphiste, et publié par le Nikkor Club, une association de photographes amateurs utilisant du matériel Nikon, fondée, entre autres, par Ken Domon.

Sœurs sans leur mère – Photographie de la série Les enfants de Chikuhô 1959, Ken Domon Museum of Photography

Le reportage photographique publié en 1960 sous le titre Les enfants de Chikuhô suscita une grande émotion et connut un immense succès. Chikuhô, connu pour être l’une des zones les plus pauvres du Japon, se trouve dans le département de Fukuoka, sur l’île méridionale de Kyushu. Centre de première importance pour l’extraction du charbon, il se transforma en ville de chômeurs et d’orphelins dans les années 1950, quand le gouvernement ordonna la fermeture des mines ; les politiques industrielles misaient désormais sur l’extraction du pétrole. En 1959, Domon passa une quinzaine de jours sur les lieux, témoignant de la situation d’indigence dans laquelle se trouvaient les enfants.
Rumie et Sayuri, deux sœurs, sont les personnages principaux des photos de Domon à Chikuhô qui conduisirent à la publication du recueil Le père de la petite Rumie est mort en 1960. Les deux petites filles vivaient dans une bicoque aux tatamis déchirés, sans électricité, s’éclairant à la bougie quand leur père était au travail. Le visage de Rumie illustre la couverture de l’album Les enfants de Chikuhô. Devenue adulte, elle refusa toujours que son portrait figure dans les expositions publiques de Domon, car le souvenir de cette époque restait trop douloureux.

Hiroshima

Publié en mars 1958, soit un an avant la première hémorragie cérébrale de Ken Domon, l’impressionnant recueil Hiroshima présente 180 photographies accompagnées de textes dans lesquels il décrit ses impressions ainsi que les situations et le contexte auxquels il a dû faire face lors des prises de vue. Treize ans après le largage des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, cette œuvre se fait vite remarquer tant elle rappelle au monde que les blessures presque oubliées de Hiroshima sont encore bien ouvertes.

Domon consigne dans son carnet son heure d’arrivée à Hiroshima à la minute près : 23 juillet 1957, 14h40. Entre cet instant et le mois de novembre, il s’y rend six fois pour un total de trente-six jours durant lesquels il réalise plus de 7 800 négatifs, dont le recueil Hiroshima n’est en réalité qu’une synthèse. Domon réalise alors qu’il ignorait jusque-là la réalité de Hiroshima mais aussi qu’il a toujours craint de découvrir ce qu’elle signifiait.

Non sans émotion mais avec un regard implacable, il photographie avec son 35 mm les lieux et les personnes touchées par la bombe atomique. Il rend ainsi compte des dégâts matériels, des blessures physiques, des cicatrices, des déformations ainsi que des opérations de chirurgie plastique et des transplantations réalisées sur les victimes de la bombe. Les 14 premières pages de son ouvrage sont d’ailleurs consacrées aux avancées dans le domaine de la chirurgie reconstructrice, un véritable dossier de référence en la matière à l’époque.

Le choc provoqué par la publication du recueil lui vaut d’acerbes critiques, qui ne parviennent cependant pas à entamer sa détermination à exposer la réalité. Le prix Nobel Kenzaburô Ôe, dans un article paru dans le magazine Shinchô en 1977, parle de l’ouvrage Hiroshima comme de la première œuvre d’art contemporain inspirée par la bombe atomique à traiter des vivants et non des morts.


Le Dôme de la bombe atomique et la rivière Motoyasu – Photographie de la série Hiroshima, 1957 – Ken Domon Museum of Photography

Le Dôme de la bombe atomique d’Hiroshima est le plus important des bâtiments que la ville a décidé de laisser en ruine. Il ne reste de son dôme que l’impressionnant squelette en métal. Il constitue le principal lieu de mémoire du passé. Il accueille le Musée du Mémorial de la Paix, dédié à la petite Sadako à qui, tous les ans, des personnes du monde entier offrent des colliers de mille grues en origami, ainsi qu’un monument aux morts, dont la flamme brûle constamment. À l’époque, le bâtiment était le Centre départemental pour le développement industriel ; il se trouve en face du pont Aioi, cible du bombardement atomique. En même temps que la destruction, treize ans après la tragédie, Domon montre aussi l’espérance, une fois de plus à travers des enfants qui nagent dans la rivière Motoyasu.

Portraits

La publication du recueil de photographies Portraits en 1953 vient conclure quinze années d’un travail initié en 1936 avec le premier portrait de l’écrivain Rintarô Takeda et poursuivi sans relâche durant les années de guerre. Domon rassemble dans un seul volume 85 portraits d’amis et de connaissances, de personnalités du monde du spectacle, de la littérature, du théâtre et de la politique, soulignant dans l’introduction qu’il s’agit de « […] personnes que je respecte, que j’aime, qui me sont proches. […] La sélection des personnes s’est faite de façon étonnamment subjective et aléatoire, et il n’y faut chercher aucune signification historico-culturelle particulière. »

Il semble que Domon commence sa sélection des visages à faire figurer au recueil en 1948, sous la forme d’une liste de noms rédigée à l’encre sur une porte coulissante au deuxième étage de sa maison. Cette liste sera bientôt soumise aux avis et suggestions d’amis ou d’éditeurs de passage qui lui font subir un grand nombre de modifications.

0. Yoshiko Kuga (actrice) et Yasujirô Ozu (réalisateur), 1957 – Ken Domon Museum of Photography

En compilant ces portraits de personnalités plus ou moins célèbres, Domon raconte une époque qui a marqué l’histoire du pays, celle de grands hommes de lettres comme Mishima, Kawabata et Tanizaki, des acteurs et réalisateurs du rang de Mifune et Ozu, de grands artistes, qu’il compte souvent parmi ses amis, comme le sculpteur Noguchi, le graphiste Kamekura, le fondateur de l’école d’ikebana Sôgetsu, Sôfu Teshigahara, ou encore des peintres comme Foujita, Umehara ou Okamoto.

Chaque photographie est accompagnée du nom de son sujet, de la profession de ce dernier et de la date de la prise. De courts textes racontent également la relation qu’entretient Domon avec le sujet du portrait et rapportent le climat de la séance de photographie : il arrivait que l’obstination professionnelle du photographe exaspère tant son sujet que cela se transpose sur la pellicule.

Sur la route des temples anciens

Les milliers de photographies prises par Domon dans plus d’une quarantaine de temples entre 1939 et les années 1970 sont rassemblées dans Pèlerinage aux temples anciens, le chef-d’œuvre de sa carrière, qui lui vaut aujourd’hui encore une renommée internationale. Il s’agit d’une édition en cinq volumes parus à quelques années d’intervalle (1963, 1965, 1968, 1971 et 1975) qui réunit 462 photographies couleur et 325 en noir et blanc de statues et de temples construits entre le VIIe et le XVIe siècle.
En premier lieu, il s’agit évidemment d’un ouvrage qui documente la beauté de l’architecture, de la sculpture, des jardins et des paysages autour des temples et des sanctuaires, mais c’est également un précieux témoignage qui rend aussi bien compte des progrès de la technique photographique durant ces années-là que des contraintes dans le travail de Domon imposées par sa mauvaise santé.

En décembre 1959, Domon est victime d’une hémorragie cérébrale qui paralyse le côté droit de son corps, ce qui, malgré une longue rééducation, l’empêche de tenir un appareil photo et le contraint à utiliser un trépied. Une deuxième hémorragie le frappe le 22 juin 1968, l’obligeant cette fois à se déplacer en fauteuil roulant. Mais il ne renonce toujours pas à la photographie : contraint à travailler à distance de ses sujets, il poursuit son travail grâce à l’aide d’assistants. Il subit une troisième hémorragie en 1979, qui entraîne son hospitalisation prolongée jusqu’à sa mort le 15 septembre 1990.

Les mille torii du sanctuaire Fushimi Inari Kyoto, 1962 Ken Domon Museum of Photography

Plusieurs photographies de Domon soulignent le caractère répétitif des éléments architecturaux grâce à des cadrages serrés. Nous voyons ici l’enfilade spectaculaire de portails sacrés qui accompagnent l’ascension du mont Inari par les pèlerins, jusqu’à divers pavillons du sanctuaire shintô Fushimi Inari-taisha. Dédié à Inari, la divinité des moissons et du riz représentée par des sculptures en forme de renard, c’est aujourd’hui une des destinations préférées des touristes qui se rendent à Kyoto.

Autour de l’exposition

  • Mardi 25 avril 2023 à 18h : Ken Domon, un photographe réaliste de l’après-guerre
    Petite salle (rez-de-chaussée) – Entrée libre sur réservation à partir du 24 mars (www.mcjp.fr) – Durée : 1h30. En italien avec traduction consécutive en français.
    Conférence de Rossella Menegazzo, commissaire de l’exposition.
  • Samedi 20 mai 2023 à 14h : Ken Domon dans l’histoire de la photographie japonaise
    Petite salle (rez-de-chaussée) – Entrée libre sur réservation à partir du 20 avril (www.mcjp.fr) – Durée : 2 h. En français et en japonais avec traduction consécutive en français.

Connu pour avoir mis toute son énergie et sa ténacité dans son travail, ce qui lui vaudra le surnom de « démon de la photographie », Ken Domon est aujourd’hui une figure emblématique de l’histoire de la photographie japonaise. Comment appréhendait-il les sujets qu’il photographiait ? Quelles techniques utilisait-il ? Quelle influence a-t-il eu sur ses contemporains et sur les générations suivantes de photographes ? À travers ces différentes questions, le critique de photographie Kôtarô Iizawa (en ligne) et Marc Feustel, curateur indépendant et spécialiste de la photographie japonaise, s’interrogeront sur le rôle joué par Ken Domon dans l’histoire de la photographie au Japon.

Exposition du 26 avril au 13 juillet 2023 à La Maison de la culture du Japon à Paris, 101 bis Quai Jacques Chirac, 75015 Paris

Photographies de la collection du Ken Domon Museum of Photography

Commissariat : Rossella Menegazzo, professeure d’histoire de l’art extrême-oriental à l’Université de Milan.

Photo d’en-tête : Enfant aveugle – Photographie de la série Hiroshima, 1957 – Ken Domon Museum of Photography

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