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L’art dans la nature, dans les Monts d’Ardèche et en Haute-Provence

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Forts de leur patrimoine artistique et géologique riche et singulier, l’UNESCO Géoparc de Haute-Provence et l’UNESCO Géoparc des Monts d’Ardèche ont décidé, en 2021, de s’associer dans le but de faire découvrir au plus grand nombre une nouvelle offre culturelle et touristique insolite : l’art dans la nature, projet de coopération résolument moderne et tourné vers l’avenir. Véritables musées à ciel ouvert, ces deux territoires invitent le visiteur à déambuler à la recherche d’œuvres d’art disséminées en pleine nature.

Le Partage des Eaux dans les Monts d’Ardèche et la collection d’art en montagne en Haute-Provence constituent deux projets artistiques particulièrement originaux, de véritables expériences à vivre grâce à des artistes de renommée internationale tels que Andy Goldsworthy, Herman de Vries, Joan Fontcuberta, Lara Almarcegui ou encore Richard Nonas en Haute-Provence, HeHe, Olivier Leroi, Gilles Clément, Stéphane Thidet, Felice Varini, Gloria Friedmann.

À la découverte du partage des eaux 

Photo ©V. Nicod

Une ligne invisible à la croisée des fleuves, la ligne de Partage des Eaux désigne une limite géographique qui divise un territoire en différents bassins versants. De chaque côté de cette ligne, les eaux s’écoulent dans des directions différentes.

La ligne est une synthèse entre l’Ardèche – versant méditerranéen – et l’un des sites majeurs du Parc, les sources de la Loire au Mont Gerbier-de-Jonc – versant atlantique. Située à la frontière occidentale du Géoparc UNESCO des Monts d’Ardèche, sa position culminante offre des points de vue grandioses qui permettent de comprendre très facilement les caractéristiques paysagères du territoire. Pour l’observateur installé au sommet du Mézenc, la différence est nette. Aux plateaux du Velay doucement vallonnés, empruntés par les eaux de la Loire et de ses affluents, s’opposent les reliefs déchiquetés de la Cévenne ardéchoise. En effet, les cours d’eau, en dévalant très rapidement la pente pour rejoindre le Rhône, décuplent leur puissance érosive responsable des fortes dénivellations de ce versant. Au contraire, les eaux atlantiques courent sur plusieurs centaines de kilomètres pour atteindre l’Océan.

Avec le “Partage des Eaux” inauguré en 2017, le Géoparc UNESCO des Monts d’Ardèche qui est aussi un Parc Naturel Régional, a permis aux habitants et visiteurs de côtoyer une collection d’œuvres d’art contemporain, le long de la ligne de partage des eaux entre Atlantique et Méditerranée. Ce sont 9 œuvres qui jalonnent cette ligne invisible de plus de 100km, le long du GR7©. Félice Varini, Stéphane Thidet, Gloria Friedmann… et Henrique Oliveira ont puisé leur inspiration dans les paysages géologiques et le bâti d’exception.
Ce parcours artistique est accessible gratuitement toute l’année.

Une nouvelle offre culturelle et touristique

« Ouroboros » d’Henrique Oliveira

En juin dernier, une nouvelle œuvre a été inaugurée dans le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche : Ouroboros, du célèbre artiste brésilien Henrique Oliveira, située sur les hauteurs de Burzet, au bord de la tourbière de la Verrerie.

La figure de l’Ouroboros a été la source d’inspiration de cette œuvre d’Henrique Oliveira. Présente dans nombre de cultures tout autour du globe, Ouroboros est un serpent ou un dragon se mordant la queue et formant ainsi un anneau. Tantôt symbole du cycle du temps ou des saisons, de l’enceinte et de la protection, du danger, de la renaissance, de l’unité, du mouvement, elle est cette forme qui tourne sur elle-même.

Jouant ici une matérialité toute organique, la forme serpentine apparaît pour la première fois dans son travail pour nouer un dialogue fécond avec le site. Dès sa découverte de la tourbière, il a souhaité concevoir une œuvre qui semble appartenir au site, comme si elle émergeait de la peau du sol. Ainsi, de loin, sa présence est quasi animale alors qu’elle devient végétale à l’approche. Le choix qu’il a fait ici de mêler du bois de récupération à des branches et de l’écorce naturelle accentue encore cet effet organique. En insufflant une nouvelle vie à ce que nous considérions jusqu’alors comme des déchets, il donne forme à l’idée même du cycle de la vie : naissance, développement, dépérissement, mort, renaissance.

La forme en nœud dont les branches reviennent sur elles-mêmes évoque tout à la fois l’écosystème auto-fécond propre à la tourbière et la temporalité millénaire nécessaire pour que l’eau transforme la matière en cette “roche végétale“ qu’est la tourbe, rendant perceptibles deux phénomènes invisibles à l’œil nu.

En contraste avec la Tour à Eau de Gilles Clément dont l’appareillage de pierre s’élève vers les cieux, Henrique Oliveira propose ici une œuvre à l’apparence plus fragile, horizontale, en écho au cours indolent de l’eau sur ce site aux caractéristiques paysagères et biologiques exceptionnelles

Des artistes au service de la nature

Photo ©Matthieu Dupont

Grotte de cristal de Hehe
L’histoire de la mine de spath fluor (ou fluorite) de Saint-Laurent-les-Bains-Laval-d’Aurelle et son interaction avec la source d’eau thermale qui jaillit au centre du village constituent le point de départ de la réflexion de HeHe pour leur Grotte de cristal, créée en 2021. Dans son lent périple de 17 000 ans entre le moment où elle pénètre dans le sol et celui où elle ressort de la surface de la terre à une température de 53°, l’eau se charge de nombreux minéraux. La faille qu’elle emprunte longe les filons de spath fluor.

La fluorite se cristallise sous des formes géométriques simples. Inspirée de ces formes naturelles, l’œuvre surplombe le village, côté méditerranéen de la ligne de partage des eaux. Elle suggère à la fois une entrée dans un paysage souterrain et l’extraction minière. Depuis l’intérieur de l’œuvre, pris dans la couleur du minerai qui reste enfoui profondément sous lui, le village semble immergé dans les temps géologiques.

Grotte de cristal fait aussi référence à la tradition artistique des grottes artificielles, qui a débuté à la Renaissance et qui a ensuite été popularisée par les romantiques. Cette version contemporaine, teintée de science-fiction, utilise un langage esthétique qui évoque à la fois le numérique, la géométrie, l’organique et le naturel.

Photo ©Nicolas Lelièvre

1020km d’Olivier Leroi
Le Mont Gerbier-de-Jonc étant traversé par la ligne de partage des eaux, c’est tout naturellement que cette œuvre a pris place dans le parcours artistique éponyme. L’œuvre 1020km est axée sur la Loire et son parcours. Elle se découvre ainsi que plusieurs lieux du site du Partage des Eaux : en extérieur au pied du Mont Gerbier-de-Jonc, et en intérieur dans la Maison de site et à la Ferme de Bourlatier.

À l’intérieur de celle-ci, un film réalisé par l’artiste en collaboration avec le cinéaste Gilles Coudert propose une découverte du plus long fleuve de France, la Loire, tourné depuis un hélicoptère.

À l’extérieur, trois plaques en acier émaillé sont apposées près des trois sources officielles de la Loire : elles signalent leur singularité et leur emplacement géographique.

Une quatrième plaque est installée sur la façade de la Maison de site et présente la cartographie du parcours de la Loire.

Mires paysagères de Gilles Clément
Lorsqu’elle se déploie à l’horizon, s’éloignant sur plusieurs plans qui se succèdent et où se mêlent sucs et massifs montagneux, la ligne de partage des eaux n’est lisible que par les géographes. Parce qu’elle donne à voir et à être vue, Gilles Clément, assisté de l’atelier de paysage IL Y A, a imaginé un dispositif de perception jouant sur l’optique.

Il s’inspire volontiers de son travail des mystères du paysage et d’une perception affinée du territoire, tout en maniant l’humour avec sensibilité.

Les Mires proposent une immersion originale dans le paysage et permettent de mieux appréhender le rôle de la ligne dans sa formation.

Inspiré des techniques de relevé des géomètres, le dispositif est conçu comme une transposition poétique des instruments de mesures aussi bien qu’un détournement de la table d’orientation classique. Il se compose d’une échelle de visée, surmontée d’un cadre à hauteur du regard, et d’un ensemble de mires d’une hauteur moyenne de 7 mètres, dont les pointeurs colorés au sommet pointent le passage de la ligne.

Photo ©Nicolas Lelièvre

De l’autre côté de Stéphane Thidet
Créée en 2017 par Stéphane Thidet, De l’autre côté est une œuvre qui fait corps avec le bâti en jouant avec un effet de transparence en même temps que sur le reflet du passage du temps et des saisons.

La façade de l’ancienne Chartreuse de Bonnefoy est posée en plein champ au milieu d’un paysage fort, comme une brèche cachée dans les courbes des Monts d’Ardèche. Elle évoque un joyau au milieu d’un écrin qui voudrait jalousement le garder pour lui seul. Ce fragment de façade semble tenir debout par magie, et laisse deviner l’ampleur que devait avoir le bâtiment avant sa quasi-totale disparition.

Par une intervention assez minimaliste, Stéphane Thidet a souhaité accentuer le caractère surréaliste de ce site : là où se trouvaient autrefois une porte et des fenêtres sont insérés sept grands miroirs. Légèrement inclinés, ils reflètent le paysage qui pénètre littéralement dans les embrasures de pierre, créant une impression de transparence troublante.

Photo ©Nicolas Lelièvre

La Tour à eau de Gilles Clément
En 2017, Gilles Clément a imaginé une Tour à eau, construite en phonolithes, roche volcanique présente au Gerbier. La forme de cette œuvre évoque un phare dont le cœur est une colonne creuse. L’eau se condensant sur ses parois extérieures est dirigée vers le creux de la Tour, recueillie dans une vasque puis orientée d’une part vers la Loire, de l’autre vers le Rhône. Vieux de huit millions d’années, le Mont Gerbier-de-Jonc doit sa ferme conique à une lave visqueuse et froide qui n’a pas pu s’écouler.

C’est à son pied que la Loire prend ses sources, en trois endroits respectivement qualifiés de sources géographiques, authentiques et véritables. Et si la Loire, en plus du long chemin qu’elle parcourt jusqu’à l’Atlantique, se jetait aussi dans la Méditerranée ? C’est la belle hypothèse que l’artiste a formulé suite à une ascension du Mont après une période de sécheresse où il a pourtant perçu un suintement régulier dans la roche. Il imagine alors que le Mont Gerbier-de-Jonc fonctionnerait comme “une tour à eau”.

Photo
©André Morin

Un cercle et mille fragments de Felice Varini
Créée en, 2017, l’œuvre un cercle et mille fragments de Felice Varini, se déploie sur les murs et toits des différents bâtiments constituant l’abbaye de Mazan et les anciennes fortifications qui l’encadrent, ainsi que sur le pont, l’auberge et l’ancienne école, permettant ainsi de recréer un écrin à la mesure de ce site prestigieux.

La ligne de partage des eaux est une zone de forts contrastes climatiques où les variations soudaines et les effets du soleil particulièrement variés. Aussi, pour la première fois de sa carrière, l’artiste a choisi de travailler à la feuille d’or, minéral sur minéral, afin d’explorer les capacités de ce matériau naturel à capter les variations de la lumière sur la pierre.

Photo
©Nicolas Lelièvre

Le phare de Gloria Friedmann  
Créée en 2017, l’œuvre Le Phare est une verticale monochrome bleue qui s’élève à plus de sept mètres du sol. C’est “un tour refuge qui représente à la fois l’art du trait et l’art du retrait” et que révèle un site emblématique des contrastes qui caractérisent la ligne de partage des eaux. Cette œuvre est donc un phare commun à la mer et à l’océan, dans lequel les visiteurs sont invités à accéder.

Tout est fait pour découvrir et admirer le paysage : de l’étage d’observation, le visiteur pourra bénéficier d’une vue à 360°, et un banc circulaire est installé, invitant au repos et à la contemplation. Le Phare abrite aussi une bibliothèque dont les ouvrages permettent de mieux connaître l’histoire, la biodiversité des environs, la vie sur la montagne ardéchoise, tout en ouvrant les horizons sur le monde maritime et l’ailleurs.

Terre Loire de Kîichi Kurita
Créée en 2018, l’œuvre Terre Loire de Kôichi Kurita, est composée de sept cents terres prélevées depuis 2005 sur le bassin versant de la Loire et minutieusement tamisées pour en révéler des couleurs aux variétés infinies. Sur son œuvre représentant une carte du plus long fleuve de France et de ses principaux affluents dessinés au sol par l’artiste, sept cents coupelles de verre renfermant autant d’échantillons posés à l’endroit exact d’où les terres proviennent.

Avant de réaliser son œuvre, l’artiste japonais a arpenté, depuis plus de deux décennies, le Japon et la France en prélevant sur son passage des échantillons de terre. Aujourd’hui, sa “bibliothèque de terres” est composée de plus de 40 000 échantillons aux infinies nuances.

Photo ©B. Gremen

Géoparc des Monts d’Ardèche

Le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche recèle des trésors pour les géologues amateurs et plus simplement pour les curieux de nature. Sur le territoire du Parc, rien ne manque pour une approche complète de la géologie, toutes les ères y sont représentées depuis plus de 550 millions d’années !

La géologie est la toile de fond de la majorité des sites emblématiques du Géoparc UNESCO des Monts d’Ardèche. Le volcanisme est bien présent, mais d’autres aspects de la géologie se glissent dans notre héritage : traces de dinosaures, paysages granitiques ou sédimentaires, vestiges miniers et activités thermales sont quelques-unes des nombreuses facettes du patrimoine géologique du Parc. Pour preuve de ce patrimoine extraordinaire, le Parc naturel régional des Monts d’Ardèche est bénéficiaire depuis septembre 2014 du label Géoparc mondial UNESCO.

Photo d’en-tête : « Ouroboros » d’Henrique Oliveira

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