Chaque année, le festival du film d’architecture invite le spectateur à faire un pas de côté pour regarder autrement des œuvres cinématographiques. Pour célébrer les 10 ans de son festival, la maison de l’architecture de Lorraine réalise une exposition qui relie le premier et le septième art. Le cinéma est un terrain de jeu infini pour l’architecture et les cinéastes l’ont bien compris. Réel ou fabriqué de toutes pièces, le décor a le premier rôle.
Tout le monde a en tête les rues qui se retournent dans Inception de Christopher Nolan, la ville verticale dans Le Cinquième élément de Luc Besson ou encore la maison de Monsieur Hulot dans Mon Oncle de Jacques Tati. En faisant un gros plan sur des éléments domestiques, familiers du décor, l’exposition invite le visiteur à prendre part au tournage !
L’exposition « Playtime, l’architecture fait son cinéma » se propose d’explorer les liens profonds entre l’architecture et le cinéma, deux formes artistiques qui entretiennent une relation complexe et fascinante. L’exposition plonge le public dans un univers où les lignes entre le réel et l’imaginaire se brouillent, où les structures architecturales deviennent les acteurs silencieux d’histoires en mouvement.
Tel un plateau de tournage, l’exposition se présente comme un laboratoire, un studio où chaque élément architectural devient le protagoniste d’une narration visuelle. En mettant en avant des espaces communs ou des éléments emblématiques et familiers tels que les escaliers, la fenêtre, ou encore la porte qui, par leur présence dans l’espace cinématographique, acquièrent une dimension symbolique et narrative.
En explorant différentes échelles, le public est invité à découvrir comment l’architecture est utilisée pour exprimer des émotions, raconter des histoires et susciter des réflexions. Des maquettes et des projections cinématographiques sur différents supports, et autant de points de vue, permettront d’illustrer cette diversité de perspectives, mettant en lumière les multiples façons dont les réalisateurs ont utilisé l’architecture comme toile de fond ou comme personnage à part entière.
À travers le concept de studio, vous explorerez l’intimité des espaces, en les envisageant comme des lieux de réflexion et de création intellectuelle.
Des espaces comme les loges ou les salles de réunion deviennent ainsi le théâtre de dialogues entre l’architecture et le cinéma, où les idées se déploient
et se transforment, nourries par l’environnement qui les entoure.
« Playtime, l’architecture fait son cinéma » est une invitation à plonger dans un univers où les frontières entre le premier et le septième art s’estompent, où chaque espace devient une toile sur laquelle se dessinent des histoires, des émotions et des idées.
Une exposition pour éveiller les regards et nourrir l’imaginaire
La porte que l’on ouvre ou que l’on referme, qui symbolise la sortie ou l’accès vers un autre monde, ici nous invite à entrer.
Élément important du cinéma fantastique, notamment visible dans le générique de La Quatrième dimension ou dans Le Magicien d’Oz c’est bien sûr aussi la porte qu’ouvre Alice dans le dessin animé de Walt Disney ou dans la version de Tim Burton pour un passage vers un autre monde, celui des enfants dans Monstres & Cie avec ces milliers de portes suspendues qui permettent d’accéder aux mondes des enfants.
La porte comme une limite dans Voyage à Tokyo de Yasujirō Ozu, celle qui sépare, celle que l’on ouvre de manières plus ou moins brutale No Country for Old Men et plus ou moins vite dans Les convoyeurs attendent.
La porte à découvrir également dans le cinéma de Ernst Lubitsch et bien sûr incontournable dans Le Parrain de Francis Ford Coppola.
Dans le cinéma, on passe aussi souvent par la fenêtre.
La fenêtre en générique signifie que l’histoire va commencer. De nombreux cinéaste jouent de l’analogie entre fenêtre et écran de cinéma comme dans Dans la maison de François Ozon. La fenêtre permet autant de regarder dehors, en sous-sol comme dans Talon Aiguille d’Almodovar que chez les voisins comme dans Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock. La fenêtre symbolise la mélancolie ou l’ennui comme dans Lost in Translation de Sofia Coppola, jusqu’à la chute, parfois ratée dans Le Grand saut des frères Cohen. La fenêtre invite le voyeur ou le huis clos de Sans jamais nous connaître de Andrew Haigh ou encore dans Les passagers de la nuit de Mikhaël Hers qui a sublimé le Paris futuriste de 1981 à travers ses larges fenêtres. Le cinéma comme une fenêtre ouverte sur le monde.
Si la porte ou la fenêtre permettent de passer de l’intérieur à l’extérieur, d’une pièce à l’autre, d’un état à un autre, l’escalier lui, invite au mouvement et mène le spectateur vers d’autres cieux.
Dans The Truman Show de Peter Weir, qui aurait pu faire partie des deux autres catégories, l’escalier mène à la réalité. Utilisé pour symboliser la fuite, la scène culte du landau dans l’escalier d’Odessa du Cuirassé Potemkine de Sergeï Eisenstein, reprise dans Les Incorruptibles de Brian de Palma. Les escaliers de la Villa Malaparte dans Le Mépris de Jean-Luc Godard étaient mis à l’honneur sur l’affiche du festival de Cannes en 2016. Lieu de rencontre comme dans In the Mood for Love de Wong Kar-Wai, on peut aussi attendre dans l’escalier Once Upon a time in America de Sergio Leon ou se bousculer dans Onze heures sonnaient de Giuseppe de Santis. Il invite souvent à la poursuite dans Le Roi et l’oiseau et au combat, mythique comme dans The Grandmaster de Wong Kar-Wai (encore lui).
Certains espaces sont plus souvent utilisés au cinéma et nous avons choisi de parler ici d’une certaine intimité.
Les toilettes publiques, privées dans les trains ou dans les avions sont le décor préféré pour parler en toute discrétion, pour se venger ou encore pour faire l’amour comme dans La pianiste de Michael Haneke. Pour avoir un moment à soi The Party de Blake Edwards ou faire des rencontres dans Barton Fink des frères Cohen, ou dans La Haine de Kasovitz, c’est souvent le lieu de la bagarre dans Les Douze salopards, Casino Royal pour finir la tête dans la cuvette dans The Big Lebowski. Les mêmes toilettes sont utilisées dans Sailor et Lula et dans Réservoir Dogs et sont pour Stanley Kubrick un lieu incontournable.
À travers l’exposition nous découvrirons aussi les coulisses des décors. Le fameux manoir dans Psychose d’Hitchcock qui n’a jamais existé et qui n’est autre qu’un décor à trois façades, celle de Parasite de fabrication numérique ou incontournable les décors grandeur nature dans les studios Cinecitta à Rome pour La Vie aquatique de Wes Anderson.
Exposition Playtime- L’Architecture fait son cinéma à la Galerie Poirel Sud, 3 rue Victor Poirel – 54000 – Nancy – Du 11 septembre au 7 décembre 2024
Dans le cadre de Tous pour l’architecture
Photo d’en-tête : Tournage de The life Aquatic de Wes Anderson, studio Cinecitta à Rome