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Aux temps des autres – Projection

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Le mardi 3 décembre, une séance exceptionnelle aura lieu pour la projection du film de recherche « Au temps des autres« , réalisé par Claire Angelini. Cet événement propose une immersion dans le sud du Morvan, où l’histoire industrielle et les mémoires oubliées des communautés immigrées – Espagnols, Polonais, Harkis – sont interrogées avec sensibilité. Mêlant cinéma, anthropologie et archéologie, ce film-essai redonne vie aux traces de ces « autres » qui ont façonné ce territoire. Une invitation à plonger dans un récit où le passé dialogue avec le présent, dans toute sa complexité et sa poésie.

Au Temps des autres, film de recherche, réalisé par Claire Angelini, est un travail qui a été entamé en avril 2017 dans le cadre d’une commande suscitée par l’ENSAD Dijon dans le cadre du programme de recherche Travail, migrations et ruralité à l’initiative de l’artiste Philippe Bazin en collaboration avec la Maison des Sciences de l’Homme (MSH) de Dijon.

Tandis que des vivants – les archéologues du centre d’archéologie européenne de Bibracte – retrouvent dans la montagne des bribes indéchiffrables de notre humanité antérieure, des absents dans la plaine – qui furent ouvriers dans l’industrie minière et dans la fonderie – ont laissé derrière eux des restes industriels que nous ne savons même plus lire et déchiffrer, envahis de végétation et devenus illisibles. Ainsi émerge progressivement le sens de la présence et de la disparition des étrangers qui vécurent et travaillèrent dans cette région, où ils ont constitué la main-d’œuvre la plus avantageuse et la plus exploitée qui soit.

Retracer leur présence enfouie dans les paysages post-industriels de cette plaine et de ces montagnes chargées d’une très longue histoire, c’est retrouver une mémoire des lieux et des êtres, et par ce surgissement d’une autre forme de récit sur l’Autre, faire acte de résistance.

À travers des paysages marqués par l’industrie déclinante et des fragments archéologiques de vies oubliées, Claire Angelini interroge la matérialité de l’histoire. Sa caméra suit les reliefs, les absences et les témoignages muets des lieux, créant une réflexion sur la façon dont le passé se sédimente dans nos environnements et nos perceptions. En partenariat avec des institutions comme le Centre d’archéologie européenne Bibracte, ce film incarne une démarche interdisciplinaire mêlant cinéma, anthropologie et sciences humaines..

« Au temps des autres » ne se limite pas à documenter : il constitue un acte de résistance face à l’effacement des mémoires ouvrières et migratoires. En redonnant voix à ces « autres », Claire Angelini compose une œuvre où la lenteur du temps, les silences et l’observation minutieuse invitent le spectateur à une immersion contemplative, tout en questionnant la dynamique de l’exclusion et de l’appartenance.

Le film est une œuvre dense et poétique qui explore la mémoire collective et les traces laissées par les étrangers dans le sud du Morvan, une région au passé industriel marqué. Ce long métrage, à mi-chemin entre le journal de voyage et le film-essai, examine la présence et l’absence de communautés d’immigrés, telles que les Espagnols, Harkis et Polonais, qui ont été des acteurs essentiels, bien que souvent exploités, dans l’économie locale.

Le projet existe sous deux formes : celle d’un long-métrage documentaire (123′) et celle d’une projection-performance – une narration d’une heure trente par l’autrice elle-même présente dans la salle de projection.
Dans le long-métrage, la voix off guide le spectateur emmené dans un voyage dans cette région qui est aussi une quête et une enquête à la recherche des étrangers et de leur histoire.
Dans la version en projection-performance, l’autrice, présente elle-même dans l’espace de projection, accompagne en temps réel les fragments de film qu’elle projette, au gré de sa parole et dans une relation de proximité avec les spectateurs.

Les invité·es

Artiste et cinéaste vivant entre la France et l’Allemagne, Claire Angelini est engagée depuis plus de 20 ans dans un travail de recherche autour de la relation politique entre art et histoire s’affrontant aux catégories de la ruine, de la réminiscence et de la survivance des images et au sein d’une pratique de cinéma mais aussi de dessin, d’installation, photographie, performance. Archéologue du présent, sa recherche artistique résulte souvent de la création d’une narration historique axée sur la problématique du territoire (sol / architecture / archives) par le questionnement des traces et son actualisation contemporaine.

Le travail photographique de Philippe Bazin prend en compte les relations que nous entretenons avec les différents phénomènes institutionnels qui encadrent et organisent souvent notre existence. Son travail artistique se développe depuis le début des années 2000 sur les relations entre esthétique et politique. Parmi ses ouvrages les plus récents : Les Coupes (2017), Vider Calais (2019), Un archipel des solidarités. Grèce 2017-2020 (2020). Pour une photographie documentaire critique (2017) développe à travers une série d’articles sa position sur la photographie. HDR en arts plastiques, il a enseigné la photographie à l’ENSAD Dijon (2016-2019) où il a dirigé le programme de recherche Travail, migrations et ruralité dans le cadre de l’unité « Art et Société ».

Extraits de « Le temps des autres », par François Albera (livret du DVD)

Ce film procède d’une série d’enquêtes, de rencontres, d’investigations menées par une cinéaste qui a effectué ce travail le plus souvent seule, équipée de sa caméra et de son enregistreur, ce qui représente déjà une certaine prouesse et une différence de taille avec la production usuelle au cinéma. Ici pas de producteur, pas d’équipe technique (un opérateur, convié pour réaliser quelques images, repartira vite), de plan de tournage rigoureux surveillé par une scripte. Pas d’improvisation le nez au vent pour autant, car une documentation préalable, des prises de contact, l’étude de l’histoire et de la géographie de la région du Morvan ont précédé le tournage. En revanche, une capacité à accueillir les aléas.
Le film se construit in situ en chacune de ses parties, de ses séquences avant d’être réorganisé au montage pour constituer un tout fondé sur des mises en rapport, des analogies ou des contradictions qui ne font pas fusionner ces parties, mais les articule entre elles. La musique y aide qui n’accompagne pas pour souligner ou répéter : elle est un matériau sonore, presque un « bruit », qui parfois remplace les sons d’une scène ou se mêlent à eux – chants d’oiseaux, bruits mécaniques, pas –, aux voix, aux voix off – celle de la cinéaste, celles de personnes déliées de leur image, celles en prise synchrone.

L’autonomie que s’est donnée la réalisatrice implique une double temporalité dans son travail : il faut en effet, bien souvent, dissocier le son de l’image faute de pouvoir manier simultanément les deux appareils qui leur correspondent. Le décalage qui s’ensuit n’est pas dissimulé, masqué, il est, au contraire, mis à profit : d’une part des entretiens « son seul » peuvent permettre une plus grande souplesse et une moindre inhibition de la part de témoins ou de participants qui auraient tendance, face à l’objectif de la caméra, à vouloir donner d’eux-mêmes une certaine image ou à rester muets, hésitants. D’autre part, le filmage muet leur permet, quand la prise de vue a quelque durée, de réfléchir leur monde intérieur sur leurs visages. Ils « posent », en effet, mais de telle sorte qu’ils sont conduits à penser à la situation qui est la leur, aux raisons de ce filmage, à mettre en rapport leur mémoire et le moment présent. Cette dissociation – qui contraste avec d’autres moments où le son et l’image sont, au contraire, simultanés (qu’il s’agisse de paroles ou, plus souvent, de sons) – peut gagner encore en autonomie quand la parole – off ou in – évoque un événement ou une situation elle-même décalée dans le temps par rapport au moment du tournage. L’absence de ce qui fut n’en prend que plus de poids quand l’image nous montre un état ultérieur, un bâtiment vide, une ruine ou une trace en voie de disparition.

On peut voir dans ces partis pris une esthétique, une poétique même : disons plutôt une poïétique (le « savoir-faire » dont parlait Paul Valéry) car ils doivent être rapportés avant tout sans doute à leurs conditions de possibilité matérielles, techniques, humaines. Et à un choix d’autonomie garantissant de ne pas subir les contraintes du formatage narratif ou démonstratif que les médias imposent aux productions filmiques, qu’elles soient fictionnelles ou documentaires. Ces partis pris définissent en réalité une pratique qui a une dimension sociale dans le rapport qu’elle institue à ses objets et à ses interlocuteurs.

Le sujet du film qui est « l’autre » et « les autres » – l’interlocuteur justement, le témoin, l’acteur et ici, plus particulièrement, celui et ceux dont l’altérité est d’autant plus marquée qu’ils viennent d’ailleurs –, ce sujet informe l’ensemble des aspects du filmage, dans ses dimensions humaines comme dans ses dimensions techniques. Sauf à créer l’illusoire transparence d’une communication qui irait de soi, tout film bute sur une certaine opacité des êtres et des choses qu’il veut saisir. La rhétorique de la proximité, voire de l’immersion qui use de toutes les ficelles des arrangements d’images (faussement continues, faussement en dialogue) et de sons (créant une « atmosphère » enveloppante), qui « truque » pour créer du vraisemblable et du familier, est ici refusée. Il s’agit, à l’inverse, d’accueillir la diversité souvent mystérieuse du monde (un paysage, un arbre, un fragment de roche) et de se confronter à l’étrangeté fondamentale des autres, leur singularité inexpugnable. À cette condition, cette altérité – qui n’est pas réduite au Même – retournera le regard et l’écoute du filmage, interrogera le spectateur sur un plan qu’on peut appeler éthique […]

En partenariat avec le cinéma Darcy et la Maison des Sciences de l’Homme

Projection le Mardi 3 décembre, 18h30 – 21h, au Cinéma Darcy – 8 Place Darcy – 21000 Dijon

Gratuit pour les étudiant·es de l’ENSAD Dijon sur réservation et dans la limite des places disponibles.
Autres spectateurs : séance payante

  • Réalisation et montage : Claire Angelini
  • Image : Claire Angelini et Stéphane Degnieau
  • Mixage : La Chambre rouge, Paris
  • Etalonnage : Verinet Munich
  • Langue : français
  • Sous-titres : anglais
  • Durée : 123 mn
  • Production : Albanera et ENSAD Dijon avec le soutien du programme européen Leader, en partenariat avec le Musée de Bibracte et la MPO de Bourgogne Franche-Comté.

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