En 2025, la Maison de la culture du Japon à Paris organise un projet d’exposition en deux volets à Paris et Marseille, qui s’attache à relier des pratiques d’artistes japonais de différentes générations à l’aune d’enjeux écologiques. Réunissant une cinquantaine d’œuvres dont certaines en provenance du Japon et encore jamais montrées en France, cette double exposition révèle toute la richesse d’une scène artistique japonaise encore peu connue du public.
Du 30 avril au 26 juillet 2025, l’exposition L’Écologie des choses proposera à la Maison de la culture du Japon à Paris, en partenariat avec le Frac Sud – Cité de l’art contemporain et avec le concours du Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne Métropole (MAMC+), une lecture renouvelée des liens unissant des pratiques artistiques apparues à la fin des années 1960 au Japon, dans un contexte de reconstruction et d’industrialisation massive, à celles d’artistes contemporains en prise avec les enjeux environnementaux actuels.
Au travers de dialogues inédits, elle propose ainsi de réévaluer comment certaines œuvres pionnières issues de mouvements artistiques majeurs au Japon tels que Mono-ha (L’école des choses) ou Fluxus portaient déjà un regard attentif à nos milieux de vie dans une dimension sociale et écologique, intime et collective. Si les pratiques de Noboru Takayama ou Kishio Suga (Mono-ha) font par exemple appel à la mémoire et l’histoire inhérente de nos environnements par le truchement et la
confrontation de matériaux bruts, qu’ils soient d’origine naturelle ou industrielle, celles d’Hideki Umezawa et Koichi Sato ou d’Hiroshi Yoshimura investissent le médium sonore pour composer des paysages musicaux et visuels en réponse à certaines architectures et créer ainsi des lueurs de calme dans des lieux inattendus.
Des approches non sans écho à celles privilégiées par certaines artistes Fluxus réunies ici (Yoko Ono, Mieko Shiomi et Takako Saito) et leur recours au langage.
Mais plus qu’une simple relecture, l’enjeu de cette exposition est aussi de souligner la singularité avec laquelle ces artistes font appel à leur médium et à leur sensibilité,
n’hésitant pas à bousculer leurs pratiques et leurs matériaux, pour concevoir et partager des œuvres plus attentives à nos manières d’habiter. Autrement dit, des artistes ayant fait le choix, à mesure que la société se transformait, d’une certaine écologie envers les choses.

© Sachiko Kazama – Courtesy of the Artist and MUJIN-TO Production
Photo : Kenji Morita
Artistes présenté.e.s :
Sachiko Kazama, Keita Mori, Hitoshi Nomura, Yoko Ono, Takako Saito, Koichi Sato, Mieko Shiomi, Kishio Suga, Noboru Takayama, Hideki
Umezawa, Shingo Yoshida, Hiroshi Yoshimura.
À partir d’une mise en dialogue inédite d’artistes japonais contemporains en France, ce deuxième temps s’attachera à rendre palpables les relations et les liens qui nous unissent à nos milieux de vie — ces liens devenus de plus en plus précaires et précieux, à mesure que les modes de vie modernes ont entrainé avec eux nombre de perturbations environnementales. De temporalités et de géographies plurielles, leurs pratiques ont comme point nodal le Japon — au carrefour de son territoire, son histoire et sa cosmogonie, ici réunies à l’aune d’une certaine écologie des relations, telle que défendue dans l’ouvrage de Shigeatsu Hatakeyama, à la croisée de la fable écologique et du récit de Lutte pour la préservation du littoral, qui donne son sous-titre à l’exposition.
La parole aux commissaires

Collection KADIST
« Qu’est-ce qui relie aujourd’hui les jeunes générations d’artistes contemporains japonais à leurs pairs issus des mouvements d’avant-garde ? À ces artistes qui, dans les années 1970, ont remis en question un certain nombre d’approches plastiques et en ont inventé de nouvelles à travers une exploration inédite des matériaux à la fois naturels et industriels ? À n’en pas douter, un certain rapport à leur milieu de vie, en regard de profondes mutations, voire de chocs, qui ont poussé les artistes à questionner nos relations aux objets et à la représentation du vivant. Notamment celles induites à la fin des années 1960 par une industrialisation rapide et massive qui va modifier durablement le visage d’un Japon aux modes de vie plus traditionnels, encore préservés à bien des égards jusqu’à la Seconde Guerre mondiale ; ou celui, dans les années 2000, à la pointe d’une hypertechnologie qui impacte et change le rapport de ses habitants à leur environnement jusqu’à la catastrophe de Fukushima survenue en 2011, laquelle marque un tournant et frappe les consciences.
Réunissant des œuvres pour la plupart présentées pour la première fois en France, L’Écologie des choses entend ainsi mettre l’accent sur cette attention portée aux formes du vivant par différentes générations d’artistes japonais, de pratiques issues du groupe Mono-ha à celles interdisciplinaires plus contemporaines, en passant par les expérimentations Fluxus.
Le titre de l’exposition s’inspire librement du sens de l’expression Mono-ha, « l’école des choses », qui baptisa a posteriori les recherches d’une dizaine d’artistes rassemblés dans des manifestations collectives entre 1968 et 1973. Aussi sobre que sophistiquée, cette tendance émergea avec le désir de questionner fondamentalement les notions traditionnelles de l’art, dans le contexte des mouvements étudiants et d’une critique radicale de la modernité occidentale.
Marqué par la philosophie du Zen, Mono-ha insistait sur l’indétermination de l’œuvre avec la volonté de décentrer la place de l’homme par rapport au monde. Lee Ufan proposait ainsi que cette école d’apprentissage réapprenne « à observer le monde tel qu’il est, sans en faire l’objet d’un acte de représentation qui l’oppose à l’homme » (1). Ce chef de file du courant, qui contribua à le théoriser, en donnait une définition explicite : « Mono-ha, c’était un groupe d’artistes qui utilisaient, quasiment à l’état brut, des matériaux naturels ou industriels (pierres, terre, bois, papier, coton, fer, verre, caoutchouc, huile, plastique, plexiglas, éponges, ampoules électriques, tubes néons, etc.) qu’ils juxtaposaient simplement en des arrangements temporaires et contingents, pour observer le mode de relation entre les matériaux ainsi que la nature de leur état respectif à l’intérieur de ces relations. Ils cherchaient moins à construire une entité objectale close qu’à mettre l’accent sur la relation entre les choses, entre les choses et le lieu, et entre le lieu et l’homme, afin de présenter des œuvres ouvertes qui intègrent le monde non agi par l’homme – l’espace environnant et les matériaux bruts. Aussi les œuvres n’étaient-elles pas strictement régies par l’ego de l’artiste; leur centre d’expression était déplacé du côté du monde. » (2)

Courtesy of the artist, Blum & Poe, Los Angeles/New York/Tokyo and Mendes Wood DM, São Paulo,
Brussels, Paris, New York
En France, rares ont été les occasions d’offrir une vision complète de ce mouvement, même si dès les éditions de la Biennale de Paris de 1969 et 1971, la participation de plusieurs de ses acteurs avait révélé des préoccupations communes avec d’autres courants d’avant-garde de l’époque comme l’art post-minimal et processuel américain, l’Arte Povera italien ou le groupe français Supports / Surfaces. Hormis de larges éclairages sur l’art moderne et contemporain japonais (3), la seule véritable exposition dédiée à Mono-ha dans l’Hexagone fut organisée en 1996 au Musée d’art moderne de Saint-Étienne, sous l’intitulé « Japon 1970 ».
Matière et perception : Le Mono-ha et la recherche des fondements de l’art (4). Ce sont deux œuvres emblématiques et historiques, entrées depuis dans la collection du MAMC+, qui ont servi d’amorce à la réflexion développée dans la présente exposition.
Elles recourent l’une et l’autre à un même principe d’économie de moyens et de gestes élémentaires pour créer une modification esthétique et sensorielle à partir de matériaux bruts disposés de telle sorte que leur environnement devient partie prenante de l’effet produit. La première, Zoo (1970) de Noboru Takayama, consiste en une vaste installation sculpturale faite de traverses en bois de chemins de fer, qui sont disposées en appui sur un mur puis alignées successivement en deux autres
ensembles au sol. Avec ce matériau standardisé, l’artiste entend symboliser les sacrifices humains et sociaux qui se cachent derrière le progrès industriel et l’ancienne politique coloniale du Japon, tout en évoquant la représentation naturelle d’une cascade coulant au sol telle une rivière. La seconde pièce, réalisée en 1968-1969 par Hitoshi Nomura et intitulée Tardiology, emploie la photographie pour révéler le processus de transformation dans le temps d’une œuvre ; en l’occurrence une grande tour en carton qui s’effondre d’elle-même sous l’effet de la gravitation et du climat extérieur.
S’ajoute enfin dans l’exposition la présence d’un troisième protagoniste de Mono-ha, Kishio Suga, dont l’œuvre Progression of Spatial Alignment (1979) traite, à partir d’un assemblage de fragments découpés et articulés de bois avec des branches d’arbres, de questions identiques autour du rapport au sol de la sculpture, de l’équilibre et de la chute.
Pour ce dernier, l’approche du Mono (« choses/matériaux ») constitue une investigation permanente de la « situation » et de l’« activation de l’existence », pour mieux se concentrer sur l’interdépendance de ces divers éléments et de l’espace environnant, autant que sur les matériaux euxmêmes. En somme, chacune de ces œuvres rattachées au Mono-ha nous incite à considérer les relations entre les matériaux naturels et industriels, les sites qu’ils occupent et les personnes.
Il s’agit de la sorte de souligner le rôle crucial de l’homme dans la transformation du monde matériel.
Au sens premier, l’écologie est l’étude des interactions des formes du vivant avec leur environnement ainsi qu’entre elles, ensemble que l’on nomme écosystème.
Par extension, l’écologie est aussi une pensée du monde qui intègre les enjeux environnementaux à l’organisation sociale, économique et politique. Une articulation
qu’il semble pertinent de convoquer ici en regard de la mise en dialogue inédite proposée par cette exposition, de pratiques historiques et contemporaines japonaises et de leurs évolutions, corrélées depuis les années 1960 à celles de la modernisation et à l’industrialisation du pays.
Il est ainsi intéressant de noter que les artistes du mouvement Fluxus au Japon, à l’instar de ceux de Mono-ha, se sont tout autant attaché.e.s – mais dans des modalités autres – à pointer conceptuellement la précarité et la primauté de ces relations qui nous unissent au monde et à nos environnements.
Animé par une réflexion radicale des rapports entre l’art et la vie, entre le statut de l’œuvre d’art et sa place dans la société, Fluxus est aujourd’hui reconnu pour ses expérimentations performatives et éphémères prenant la forme d’happenings ou de concerts, à la croisée des arts visuels, de la musique et de la littérature. Dans l’exposition, sont réunies des figures majeures de ce mouvement au Japon, Yoko Ono, Takako Saito et Mieko Shiomi, à travers une sélection d’œuvres où se répondent leurs usages du langage et de la musique, et où s’inscrit en profondeur la recherche de nouvelles possibilités d’expression poétique, conceptuelle et politique.
Sous la forme d’énoncés, de règles de jeux ou de partitions, leurs œuvres ont également en commun de porter un regard écologique au monde, par de multiples références à la nature et à ses éléments. Popularisé au Japon par Yoko Ono et le compositeur Toshi Ichiyanagi, le courant Fluxus se trouve aussi être une influence majeure dans l’œuvre d’Hiroshi Yoshimura présentée ici pour la première fois en France. Si Yoshimura fait ses débuts sur la scène post-Fluxus des années 1970 comme artiste conceptuel, c’est en tant que compositeur qu’il se fera connaître au Japon ou à l’international, en devenant l’un des pionniers de la musique ambient japonaise. Bien que ses compositions prennent au fil des années de nombreuses formes, en lien également avec l’économie et la bulle spéculative japonaise des années 1980 — il produit des albums et des concerts tout en écrivant des bandes sons pour la marchandisation de parfums ou des paysages sonores pour des nouveaux quartiers de maisons préfabriquées, des halls de gares et des architectures muséales — toutes naissent et participent d’une même exigence et d’une même conception du son.
Elles demeurent attentives, à l’écoute de nos milieux de vie et de leurs flux, qu’ils soient naturels ou construits. À l’image également de ses œuvres graphiques et partitions, où les lignes horizontales des portées musicales semblent vibrer, pour mieux se métamorphoser en arbres, en volées d’oiseaux ou en nuages qui passent. C’est également de paysages et de transformations dont il est question dans la pratique contemporaine de Sachiko Kazama, principalement reconnue pour sa maîtrise de la gravure, qu’elle développe au travers d’une subtile palette de nuances, de lignes et d’impressions oscillant entre le noir et le blanc. Ses œuvres s’inscrivent dans une démarche de réinterprétation de sites et de paysages japonais particulièrement empreints de mémoire, comme dans sa série « New Matsushima », où elle explore cette rencontre entre le monde naturel et l’intervention humaine, au sein de la baie mythique de Matsushima, connue pour offrir l’une des trois vues les plus célèbres du Japon, dont la beauté, selon le maître de haïku Matsuo Bashō, surpassait toute description.
C’est peut-être la recherche de nouvelles formes d’harmonie ou d’alliance, entre nature et culture, qui relie les pratiques artistiques d’Hideki Umezawa, de Koichi
Sato et de Shingo Yoshida. L’image numérique vient ici restituer un certain état des choses, des atmosphères, une histoire des paysages tiraillés entre une forme d’immuabilité et une transformation par l’action de l’homme et ses aménagements urbains. La nature dans tous ses états (solide, liquide, vaporeux) y est convoquée et ces artistes nous invitent à l’appréhender et à s’y immerger en mobilisant plusieurs sens, visuel bien sûr mais aussi auditif et olfactif, en remettant au cœur de leur travail la valeur de l’attention.
Révélant la dimension poétique de ces espaces, ils nous exhortent à prendre soin de ce qui nous est transmis, à l’instar de Shingo Yoshida. Son film conte une épopée
artistique familiale reliant trois générations de créateurs à partir de l’érection d’une stèle gravée d’un haïku de son grand-père poète, en hommage à la grandeur de la montagne, transportée par le père de Shingo Yoshida au sommet du mont Fuji, en toute illégalité.
La montagne est aussi au cœur du projet des artistes Hideki Umezawa et Koichi Sato. Ici elle est submergée par les eaux dans une vallée qui a fait l’objet d’un grand projet hydraulique dans les années 1950 pour la production d’énergie. Leur œuvre totale et immersive nous enveloppe dans un nuage de brume alliant le son à l’image afin d’évoquer le cycle de l’eau détourné de son cours naturel pour parvenir aux habitants sous la forme d’eau courante ou produire de l’électricité, fragilisant dans un même mouvement la structure profonde de ces paysages.
Ils convoquent aussi un sentiment esthétique par l’introduction d’un concept artistique transmis de la Chine au Japon, ancré dans le taoïsme et le confucianisme : Shanshui (sansui en japonais) se traduisant littéralement par « montagne et eau ». Il traduit à la fois le caractère éphémère de la nature et la nécessité d’une relation harmonieuse entre l’humanité et celle-ci qui passe par l’art de la contemplation. La composition sonore évoque les mouvements profonds et lents de ces paysages inquiets, nous invitant à penser la nature pour ellemême indépendamment de nos besoins et de nos projections culturelles, à la reconnaitre pour reprendre ici le terme
de l’anthropologue et écologue japonais Kinji Imanishi qui, dans son ouvrage Le Monde des êtres vivants, propose dès les années 1940 une nouvelle science des
choses vivantes appelée shizengaku. «Nous avons le devoir d’enseigner au public que la nature ne se réduit pas à la matière, qu’elle est un être vivant ; elle est le corps maternel, le géant, le béhémoth au sein duquel nous avons toujours été nourris, au côté de la myriade des autres créatures. […] Nous autres êtres humains tentons de comprendre le monde des autres êtres vivants de notre point de vue d’humains. En conséquence, nous ne pouvons interpréter et exprimer leur mode qu’en termes humains. Une biologie qui manque de connaissance intuitive des ressemblances n’apporte qu’une vue appauvrie et mécanique du monde vivant.» (6)
Se déconnecter de l’essence profonde du vivant est le risque encouru par nos sociétés hyper-connectées où des cerveaux artificiels projettent et re-modélisent notre rapport à la nature. C’est ce sur quoi nous interpelle l’artiste Keita Mori avec ses dessins filaires, composant des combinaisons de formes géométriques où se révèlent des fragments d’architecture ou des plans de machines à l’usage mystérieux. Ses dessins sculptures se veulent précaires et transitoires, mimant ainsi le flux des
choses.
Des fils déchirés ou noués viennent aussi perturber ce réseau aux connexions multiples comme des bugs. Les fils entrelacés projettent alors ce qui pourrait s’apparenter à un cyberespace en perpétuel mouvement où il s’agirait, par le travail d’un matériau unique, de chercher le geste le plus juste, comme dans l’esprit de Mono-ha. Ici un fil capable de déjouer les lignes d’un schéma préétabli et de rappeler la force de l’organique.
À travers le parcours d’œuvres ainsi proposé, l’enjeu de cette exposition est bien de souligner la singularité avec laquelle ces artistes d’horizons divers et de générations différentes font appel à leur médium et à leur sensibilité, n’hésitant pas à bousculer leurs pratiques et leurs matériaux, pour concevoir et partager des œuvres plus attentives à nos manières d’habiter. Autrement dit, des artistes ayant fait le choix, à mesure que la société se transforme, d’une certaine écologie envers les choses. »
Muriel Enjalran
Alexandre Quoi
Élodie Royer
Biographie des Commissaires
Muriel Enjalran critique d’art et commissaire d’exposition, dirige depuis 2021 le Frac Sud – Cité de l’art contemporain à Marseille. Auparavant, elle a été la secrétaire générale de l’association française de développement des centres d’art / d.c.a entre 2006 et 2015 à Paris, avant de rejoindre pendant six ans la direction du CRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-France. Ses recherches abordent l’engagement des artistes dans l’espace public, en explorant notamment le rapport de l’art à l’Histoire et les possibilités de la sociologie visuelle.
Elle contribue régulièrement à des catalogues et livres d’artistes. Elle a été commissaire associée et de la première édition de la Biennale de Belleville à Paris en 2010. Elle a initié en 2023 à Marseille la Biennale de la Joliette. Elle est depuis 2012 collaboratrice de l’Independent Curators International, à New York, et elle est également membre de l’aica.
À la suite d’un voyage d’étude au Japon organisé par The Ishibashi Foundation et la Japan Foundation en 2023 et en lien avec l’histoire du bâtiment du Frac réalisé par Kengo Kuma, elle prépare une double exposition à la Maison de la culture du Japon au printemps 2025 et au Frac Sud en 2026.
Historien de l’art, Alexandre Quoi est adjoint à la direction et responsable du département scientifique au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole (MAMC+). Il a été auparavant maître de conférences à Aix-Marseille Université, professeur intervenant à l’ENSP Arles et commissaire associé au Centre Pompidou-Metz des expositions Chefs-d’œuvre ? (2010) et Vues d’en haut (2013). Ses recherches portent principalement sur la photographie et l’art depuis les années 1960. Parmi les expositions dont il a été commissaire au MAMC+ : Narrative Art et Art conceptuel (2017-2018), Entrare nell’opera : actions et processus dans l’Arte Povera (2019), Robert Morris. The Perceiving Body (2020), Double je. Donation DurandDessert & Collections MAMC+ (2021), Thomas Ruff. Méta-photographie (2022), The House of Dust. Collections au féminin (1960-2020) (2022), Brand New! Dons récents aux collections et Anne Bourse. Nuits (2024). En lien avec la présentation d’œuvres historiques de la collection duMAMC+ liées aux mouvements Monoha et Fluxus, et après un voyage d’étude au Japon en février 2023, il sera cocommissaire de l’exposition L’Écologie des choses à la Maison de la culture du Japon à Paris au printemps 2025.
Élodie Royer est commissaire d’exposition indépendante et chercheuse au sein du Laboratoire SACRe à l’ENS-Ulm. Sous forme d’expositions et de textes, ses recherches s’attachent en particulier à mettre en perspective des pratiques artistiques à l’aune de bouleversements environnementaux, de l’histoire des catastrophes au Japon et de l’écoféminisme. Depuis sa résidence en 2011 à la Villa Kujoyama, elle conçoit des expositions sur et avec la scène artistique japonaise (Les Êtres Lieux, MCJP, 2022 ; Things Entangling, MOT Musée d’art contemporain, Tokyo, 2020 ; Les nucléaires et les choses, KADIST, 2019 ; Almost nothing, yet not nothing, Tokyo University of the Arts, 2017 ; Le Mont Fuji n’existe pas, Plateau /FRAC, 2012). Elle est aussi conseillère pour la collection KADIST, et enseigne, depuis 2022, à l’EESI. En lien avec son expertise de la scène japonaise, et après un voyage d’étude au Japon en février 2023, elle sera co-commissaire de l’exposition L’Écologie des choses à la Maison de la culture du Japon à Paris au printemps 2025, et commissaire de son second volet L’Écologie des relations au Frac Sud à Marseille en 2026.
L’exposition au Frac Sud – Cité de l’art contemporain « L’écologie des relations »
— La Forêt amante de la mer
Avec Yoko Asakai, Yoko Ono, Lieko Shiga, Mieko Shiomi, Hideki Umezawa, Chikako Yamashiro, Shingo Yoshida, Hiroshi Yoshimura (liste sous réserve)
Dans une mise en dialogue inédite d’artistes japonais.es en France, L’Écologie des relations présentera à travers différents médiums des œuvres soulignant les relations et les liens qui nous unissent à nos milieux de vie — des liens devenus de plus en plus précaires et précieux à mesure que grandissent les perturbations environnementales. Bien que de temporalités et de géographies plurielles, les œuvres réunies dans l’exposition ont aussi comme point nodal le Japon, au carrefour de son histoire, sa cosmogonie, et d’une perception de la nature pensée en tant que sujet — un allant de soi — et non celle, plus fréquemment répandue en Occident, d’un objet devant être dominé. Toutefois, à l’heure de la crise écologique et de la récupération souvent trop hâtive des enjeux environnementaux, il ne s’agit pas ici de faire de ces préoccupations un simple sujet, un motif, ou l’objet d’une représentation : l’aspiration de cette exposition est ailleurs, tentant d’interroger ce que la prise en compte
et l’attention portées à nos milieux de vie par des artistes japonais.es font à leurs pratiques, de leurs contextes d’apparition à leurs composantes formelles.
On pourrait citer comme exemple les travaux d’Hiroshi Yoshimura dans les années 1980 ou d’Hideki Umezawa aujourd’hui, qui investissent le son dans le but de composer des paysages musicaux, évocateurs de certains lieux, et dont l’écoute semble avoir la capacité d’accentuer notre sentiment d’appartenance aux écosystèmes qui nous entourent, constellés d’agents visibles et invisibles, humains et non humains.
Dans cette perspective, une nouvelle installation sonore et visuelle spécialement conçue pour l’exposition par Hideki Umezawa déploiera le fruit de son travail de terrain mené dans le Domaine du Rayol, aussi connu sous le nom de « Jardin des Méditerranées » conçu par le paysagiste Gilles Clément dans le Var. Confrontant sa pratique ancrée dans la musique environnementale japonaise (Kankyō Ongaku) au concept de jardin planétaire, l’artiste s’est attaché à observer et à enregistrer les spécificités des relations entre les différentes espèces qui caractérisent ce domaine ouvert sur la mer, et à les traduire dans ses médiums de prédilection que sont la photographie et le son.
Inspiré d’un livre, à la croisée du témoignage et de la fable écologique, de l’écrivain et ostréiculteur Shigeatsu Hatakeyama engagé pour la préservation du littoral au Japon, le sous-titre de l’exposition, La Forêt amante de la mer, vient aussi appuyer poétiquement cette dimension relationnelle chère à la survie de nos écosystèmes — leur impossibilité à vivre l’un sans l’autre.
Le Frac Sud – Cité de l’art contemporain est le Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les Fonds régionaux d’art contemporain (Frac) créés en 1982 sur la base d’un partenariat État-Régions sont des institutions qui ont pour mission de constituer des collections publiques d’art contemporain et de les diffuser auprès de tous les publics en proposant des formes innovantes de sensibilisation à la création actuelle.
Implanté depuis 2013 à la Joliette à Marseille dans un bâtiment de l’architecte japonais Kengo Kuma, le Frac Sud – Cité de l’art contemporain est riche d’une collection de plus de 1500 oeuvres représentant 700 artistes.
Il déploie ses activités d’expositions, d’événements, de prêts d’œuvres, de résidences, de visites, d’ateliers à la fois dans ses murs et hors les murs au niveau régional, national et international. Il développe de nouveaux modes de diffusion pour sa collection en région Sud à travers un réseau de partenaires très varié.
Véritable laboratoire d’expérimentation artistique, sa programmation guidée par son projet artistique Faire Société, s’intéresse aux phénomènes et enjeux sociétaux qui parcourent et configurent notre espace public.
Le Frac Sud est financé par le ministère de la Culture, Direction régionale des Affaires culturelles Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Région Sud Provence-Alpes Côte d’Azur.
Conférence d’ouverture :
Mardi 29 avril – 18h-19h30 – Entrée libre sur réservation
En présence des trois commissaires, de Saki Nagato (directrice, The Museum of Modern Art, Kamakura & Hayama), Hideki Umezawa, Shingo Yoshida et Keita Mori (sous réserve)
Exposition L’Écologie des choses, à la Maison de la culture du Japon à Paris – 101 bis, quai Jacques Chirac 75015 Paris (Métro Bir-Hakeim – RER Champ de Mars)
Image d’en-tête : Sachiko Kazama « New Matsushima (Abumijima) », 2022 – Dessin sur aluminium, 55 x 73 x 2,7 cm
© Sachiko Kazama – Courtesy of the Artist and MUJIN-TO Production
Photo : Kenji Morita