Du 5 mai au 26 septembre 2025, la Fondation Hartung-Bergman présente « Paysages intérieurs », rassemblant des œuvres d’Anna-Eva Bergman, Hans Hartung, Vera Molnár, Terry Haass et Carl Nesjar. Grands voyageurs, Anna-Eva Bergman et Hans Hartung ont vu dans leurs vies d’innombrables paysages qu’on qualifie communément de « beaux » : villages des Baléares, fjords norvégiens, ciels azuréens… Ce sont toutefois la subjectivation et l’abstractisation de l’univers environnant, depuis la modestie d’un caillou jusqu’à la vaste étendue des courses astrales, qui caractérisent leur production respective : une transformation du monde au filtre de l’épure, de la mémoire, de la gestualité, du recadrage ou de la géométrisation. Enrichie par des rapprochements et des comparaisons avec Terry Haass, Vera Molnár, ou encore le photographe Carl Nesjar, cette exposition oscille entre le tellurique et le cosmique, et constitue une plongée au cœur des forces cachées de la nature, au-delà des formes spectaculaires de celle-ci.

Dans ses mémoires, Anna-Eva Bergman affirme que la peinture constitue « une tentative de saisir au plus près la raison d’être profonde de ce monde. » Quant à Hartung, il explique : « Les forces intérieures d’une vague m’ont toujours plus intéressées que l’écume. » Chez l’un comme chez l’autre, l’ambition ne consiste pas tant à retranscrire l’aspect extérieur des choses, si beau, peut-il être, qu’à chercher leur essence et leur énergie endogène. C’est ce qui fait toute la complexité et l’intérêt de leur rapport au paysage.

En effet, d’un paysage, on songe superficiellement qu’il n’est jamais qu’un bout de nature vu selon un prisme humain. Et, par une sorte d’automatisme culturel, on l’associe volontiers à quelques éléments archétypiques construits notamment au XIXe siècle : un relief vallonné, des bosquets, un soleil surplombant ou déclinant, les lacets d’un cours d’eau ou d’un chemin, une présence humaine réduite à quelques allusions muettes. Dans cette perspective, on attend communément d’une œuvre qu’elle isole ou qu’elle compose des images harmonieuses de l’environnement afin d’en immortaliser l’existence réelle ou supposée.

Mais, précisément, Hartung et Bergman font partie de ces catégories d’artistes qui se tiennent à l’écart de cette tradition – très légitime au demeurant. Leur ambition, c’est celle d’une endoscopie de l’univers…
Qu’entend-on dès lors par leurs « paysages intérieurs » ? C’est évidemment l’image médiée qui résulte de la « sensation » (terme cher à Cézanne) de la nature, ou encore de son souvenir : Bergman compose ainsi avec le rêve et la réminiscence, en différé, pour construire ses formes d’après un passé que réactualise la mémoire présente. C’est également, et plus subtilement peut-être, l’intériorité de cette nature, c’est-à-dire sa structure physique, conceptuelle, poétique, sa fibre atomique. Ces deux voies peuvent trouver leur moyen d’expression dans diverses modalités, comme la simplification des motifs, le choix d’un cadrage, la gestualité. Une révélation par l’abstraction, en somme.
Cette exposition, en plus de montrer les productions d’Hans Hartung et d’Anna-Eva Bergman, s’appuie sur la donation d’œuvres de Terry Haass à la Fondation et bénéficie du prêt exceptionnel de plusieurs pièces de Vera Molnár. Elle s’inscrit par ailleurs dans le programme de recherche « Paysage et abstraction » conduit en 2024-2025.
La Fondation Hartung-Bergman ou l’immersion dans la diversité de ses patrimoines

Créée en 1994, la Fondation Hartung-Bergman est le fruit de la vie et des vœux de deux peintres incontournables de l’art moderne : Hans Hartung (1904-1989) et Anna-Eva Bergman (1909-1987). Dans les années 1960, les deux artistes acquièrent une oliveraie de deux hectares sur les hauteurs d’Antibes, où ils font construire leur villa et leurs ateliers. Ce lieu, où ils ont vécu et travaillé jusqu’à la fin de leur vie, est aujourd’hui une fondation qui conserve un ensemble exceptionnel d’œuvres et d’archives. Organisme d’utilité publique, elle a pour mission de conserver, de diffuser et d’exposer les œuvres d’Anna-Eva Bergman et d’Hans Hartung, à Antibes et partout dans le monde.
La Fondation est à la fois un lieu patrimonial et un centre de recherche en histoire de l’art. Depuis 2022, l’institution ouvre chaque année ses portes au public de mai à septembre. Les visiteurs peuvent y découvrir des expositions temporaires, mais aussi les ateliers d’Anna-Eva Bergman et d’Hans Hartung, le jardin aux oliviers centenaires, ainsi que les abords de la villa à l’architecture moderne. En quelques chiffres, ce sont désormais 1500 mètres carrés de jardin, 500 mètres carrés de terrasse, et 600 mètres carrés de surfaces d’exposition, de médiation et d’atelier qui sont accessibles, offrant une immersion dans un lieu extraordinaire par la diversité de ses patrimoines : ses bâtiments, sa végétation, ses œuvres et ses archives. Le tout a été aménagé pour accueillir au mieux le public PMR.
Tout au long de l’année, des historiens de l’art, chercheurs et conservateurs sont également accueillis lors de séminaires, colloques ou rencontres autour de l’art du XXe siècle. Enfin, la fondation assure un service d’expertise et d’authentification. Cette institution a pour vocation de rencontrer un public varié : de l’écolier d’Antibes au chercheur avisé, de l’historien de l’art au visiteur curieux, avec l’œuvre d’Hans Hartung, pionnier de l’abstraction informelle et gestuelle, marqué par les horreurs de la guerre, et d’Anna-Eva Bergman, dessinatrice de talent devenue artiste de génie.
Exposition Paysages intérieurs – Anna-Eva Bergman, Hans Hartung, Vera Molnár, Terry Haass, Carl Nesjar, du 5 mai au 26 septembre 2025 – Fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman, 173 chemin du Valbosquet – 06600 Antibes
Image d’en-tête : Hans Hartung, T1962-A21 , 1962 vinylique sur toile, 33 x 55 cm