Femme photographe de la femme, dit-on souvent de Bettina Rheims. Des femmes est plus juste. De femmes qui ne se réduisent pas à une allégorie de la beauté ou du désir, comme on en a tant vu depuis l’invention de la photographie.
Les siennes guerroient contre la réduction du féminin à un corps contraint par des dogmes : Femen défendant leur liberté. Elles refusent que la distinction du féminin et du masculin ne puisse être transgressée : transsexuel (le)s des Gender studies. Elles s’échappent des imageries dans lesquels l’industrie du spectacle les fige : héroïnes qui ne cherchent pas à séduire, mais à s’affirmer pour celles qu’elles sont, chacune selon sa vie, son âge, son histoire. Ce sont des êtres de chairs et de sang, avec leurs regards et leurs signes distinctifs, et non des effigies ou égéries parfaites.
Bien que le titre de l’exposition lui soit emprunté, celle-ci ne célèbre pas le poète latin Pétrone. Cette phrase fatale est tatouée sur la peau de l’une des Femen que Bettina Rheims a photographiées pour sa récente série Naked War. Douces figures, celles-ci ? Héroïnes plutôt, pour reprendre d’une autre des séries de l’artiste, dont on verra ici la part secrète, les polaroïds encore jamais montrés. On y voit moins de douceur que d’intensité : des êtres terriblement vivants aux prises avec un lieu nu, une sorte de rocher et leurs propres corps.
Série Héroïnes Shalom Harlow Polaroid No 1, février 2005, Paris © Bettina Rheims, courtesy Galerie Xippas
Femen et Héroïnes étaient donc vouées à se rejoindre, pour affirmer ensemble la force et la dignité du féminin – à ne pas confondre avec ce que l’on entend communément par la » féminité « , qui n’est qu’un stéréotype social et sexuel. Incarnées dans des corps et des visages sculptés, ces qualités sont aussi celles d’autres héroïnes encore : les œuvres africaines dont l’artiste a fait les compagnes des siennes, le temps de cette conversation entre photographies et sculptures.
Bettina Rheims se saisit des stéréotypes qui dominent la représentation des femmes, les déstabilise, les détourne et, pour finir, les détruit. Elle n’invente pas des icônes, comme on dit aujourd’hui, mais célèbre des êtres réels – aussi réels que ceux qu’ont fait surgir les artistes d’Afrique dont statues et masques les rejoignent ici : corps terriblement présents, visages intensément vivants. Le studio de la photographe, où les polaroids des Héroïnes ont été pris, est peuplé d’autres sculptures d’Afrique et d’Océanie, soeurs de celles qui sont ici. Car, ici, comme dans son atelier, des femmes du monde entier conversent librement entre elles.
Situé sur la mezzanine centrale du plateau des collections du musée, l’Atelier Martine Aublet est un espace de liberté au cœur du musée. Scénographié à la manière d’un cabinet de curiosités, il accueille trois fois par an des installations inédites qui mettent en lumière les nouvelles acquisitions du musée, la photographie contemporaine non-occidentale, une collection extérieure invitée ou une carte blanche à des artistes contemporains, des personnalités ou encore des institutions culturelles et scientifiques partenaires du musée. Ces projets spécifiques permettent de créer des événements inattendus.
La Fondation a été créée en 2011 par Bruno Roger pour prolonger l’action de Martine Aublet dans le domaine artistique et éducatif. L’art et la culture ont été toujours au centre de la vie de Martine Aublet. Une connaissance éclectique et un sens esthétique aiguisé l’ont guidée tout au long de son parcours riche en rencontres et en coups de cœurs. La Fondation Martine Aublet a financé la scénographie pérenne de l’Atelier qui porte son nom et aide au développement de chacune des installations qui y sont présentées.
Par ailleurs, la Fondation soutient des projets pédagogiques et de recherche, par le biais de bourses d’études en ethnographie, en ethnologie et en histoire de l’art, et d’un prix annuel récompensant un ouvrage ou une œuvre consacrée aux cultures non-occidentales.
Les installations de l’Atelier Martine Aublet sont conçues avec le soutien de la Fondation Martine Aublet, sous l’égide de la Fondation de France.
Exposition Bettina RHEIMS. « Vous êtes finies, douces figures » au musée du Quai Branly – Jacques Chirac du 20 mars au 3 juin 2018
Atelier Martine Aublet
Commissariat : Bettina Rheims, photographe et Philippe Dagen, historien et critique d’art
Photo d’en-tête : « Héroïnes » Renée Dorski, Polaroïd N°1, mars 2005, Paris – © Bettina Rheims, courtesy Galerie Xippas
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