[A.S.S.O.C.I.A.T.I.O.N.]
Le réveil du principe d’association est le symptôme majeur d’une mutation de la démocratie qui contribue à faire émerger une « société politique ». Ce phénomène intègre l’idée d’une multiplicité de représentations dans le fonctionnement démocratique. Ces organismes de représentation intermédiaires ménagent de nouveaux passages entre les individus et la décision politique publique.
Les sociétés contemporaines possèdent la vertu de faire émerger des communautés et des réseaux qui reposent sur un principe ancien et concret, différent de celui, beaucoup plus abstrait, de contrat social : ce principe est celui de l’association. La théorie du contrat social reposait sur l’idée que les individualités pouvaient s’émanciper, s’arracher en quelque sorte à leur communauté d’appartenance pour se fondre dans une unité nouvelle reposant sur le lien social.
Les grands sociologues tels que Durkheim ou Georg Simmel avaient bien remarqué que cette idée était une illusion car la réalité humaine exige qu’avant le contrat, il y ait nécessairement association et que le contrat ne fait que la présupposer. Cette illusion a été entretenue par les théoriciens du contrat, et notamment les libéraux, qui ont laissé croire que le contrat dispensait de l’association. Or, si on lit Rousseau attentivement, on observera que le mot ‘association’ est à presque toutes les pages de son Contrat social et que les mots ‘contrat’ ou ‘démocratie’ y sont singulièrement rares. Le contrat n’est pas fondateur de la démocratie et s’il n’y a pas association, il n’y a pas démocratie. Rousseau a affirmé clairement que seule l’association pouvait ressouder le lien social tout en préservant l’autonomie de l’individu. Proudhon disait que l’individu est d’autant plus libre qu’il a plus de relations sociales. On n’est jamais autant soi-même que quand on démultiplie ses rapports à la société. Il n’y a pas d’individualité dans le repli sur soi : c’est de l’égotisme, ou du narcissisme. L’individualité ne se développe que dans la relation à l’autre.
Le rôle politique des associations prend aujourd’hui une véritable ampleur et fait d’elles non seulement des organes de représentation nouveaux, des réanimateurs du lien social, mais aussi des acteurs porteurs de droits et défenseurs de valeurs, pouvant agir en contrepoids légitimement reconnu face aux sphères fonctionnelles des sociétés complexes. Ce mouvement devrait être apprécié par les politiques comme une opportunité et être utilisé comme un effet de levier dans leur façon de gouverner les sociétés nouvelles.
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