Tout ce que les syndicats ont obtenu depuis « Germinal », tout ce parcours difficile qu’on oublie trop vite, tous ces combats pour ne pas faire travailler les enfants, obtenir une vie décente en limitant la durée du travail pour se reposer le week-end et profiter de la vie, obtenir une retraite en fin de carrière sont à refaire. Les multinationales proposent des conditions de travail déplorables auxquelles sont soumis sans discussion les ouvriers et les enfants des pays les plus pauvres.
L’OIT (Organisation Internationale du Travail) avait pour principaux objectifs de veiller sur les droits au travail, de développer la protection sociale et de renforcer le dialogue social dans tous les pays. L’OIT est beaucoup plus démocratique que l’OMC, elle est tripartite : gouvernements, représentants ouvriers et patronaux parlent d’égal à égal.
L’ennui c’est qu’en cas de litige, l’OMC peut actionner son propre tribunal et sanctionner un pays adhérent. L’OIT n’a aucun pouvoir de sanction et donc ne peut que blâmer sans punition dissuasive un état « délinquant ».
Alors tant que l’équilibre ne change pas, tant qu’il n’y a pas un gouvernement démocratique, un tribunal et un gendarme mondial, autre que les USA, les conditions sociales vont se dégrader. Dans la logique des multinationales, les « charges » de personnel sont, comme toutes les charges : à minimiser. Comme le réservoir de populations pauvres est quasi infini dans le monde, l’OMC va encore permettre aux multinationales, d’embaucher à salaire minimum, les plus pauvres d’entre les pauvres.
Pour bien comprendre cette logique, il faut se souvenir de l’effondrement du Rana Plaza à Dacca, la capitale du Bangladesh, en 2013. L’accident a provoqué environ 1 100 morts lorsque cet immeuble, vétuste et mal construit, qui se fissurait, mais servait d’atelier de confection, s’est effondré sur les femmes et enfants qui y travaillaient…certaines ouvrières dormaient sur place… Dans les ruines de l’immeuble, au milieu des morts, on a trouvé des marques de vêtements vendues en occident (4) comme : Mango, Benetton, Carrefour (marque Tex), Auchan (marque In Extenso), Camaïeu…
Bien sûr, dans cet exemple, les multinationales de la confection ou de la distribution ne sont que des donneurs d’ordres…Mais le devoir de toutes ces sociétés occidentales ne devrait-il pas être de s’intéresser aux conditions de la fabrication ?
Seul le prix intéresse les multinationales et ce serait aux Etats (qui représentent les peuples) la France, l’Allemagne, l’Europe et le monde de légiférer pour donner des règles et n’admettre à la vente que des produits fabriqués dans de bonnes conditions et compléter ainsi ce que l’OMC ne fait pas et que l’OIT ne peut pas faire.
En réalité, la commission européenne s’est émue de l’accident du Rana Plaza, mais son émotion ne s’est pas encore transformée en action et l’Europe en parle encore…et encore.
Car c’est l’OMC qui permet cette exploitation et ni l’Europe, ni la France, n’ont jamais remis en question le rôle et le fonctionnement de l’OMC.
Si l’étiquetage français était correct, les consommateurs pourraient acheter éthique mais aussi acheter français.
Coluche disait dans sa chanson « Misère » : « Quand on pense qu’il suffirait que les gens n’achètent pas pour que ça ne se vende plus ! »
La catastrophe de Bhopal en 1984 est d’une autre nature. Elle est la conséquence de l’explosion d’un réservoir dans une usine filiale de la firme américaine « Union Carbide » qui produisait des pesticides et qui a provoqué un nuage toxique au-dessus de la ville de Bhopal en Inde.
Cet accident industriel tua officiellement 3 828 personnes. Le bilan a été revu à la hausse, les victimes n’étaient pas uniquement sur le site. En cumulant les victimes directes et indirectes, on peut les évaluer à 25 000 morts (sans compter les personnes qui ont des difficultés respiratoires, des problèmes de santé, mais qui sont encore en vie). Dans ce cas, on peut se poser des questions sur l’installation de cette usine à Bhopal plutôt qu’aux USA. Si « Union Carbide » a choisi l’Inde pour une implantation, c’est sans doute à la fois parce que la main-d’œuvre n’est pas chère, mais aussi parce qu’en cas d’accident industriel, les conséquences pécuniaires seraient nettement moins grave qu’aux USA… Imaginez ce que cet accident aurait coûté à la société Union Carbide, si une ville américaine de la taille de Bhopal avait lancé une Class-Action (5) contre elle.
Aux USA les class action défendues par les cabinets d’avocats ont permis à Erin Brockovich d’obtenir de la Société Pacific Gas an Electric Compagny une indemnisation de 333 millions de Dollars pour ses plaignants. Un film réalisé sur ce sujet par Steven Sodebergh a permis a Julia Roberts de remporter un Oscar. En France, on balbutie encore sur les class actions, mais les accidents industriels du passé, ont permis la rédaction de normes de qualité et de sécurité de non pollution qui ont été mises en place après des années de discussions entre patronat, ouvriers et syndicats dans des CHSCT (6). Mais aujourd’hui les multinationales arrivent à contourner ces règlements de sécurité et de pollution en se délocalisant dans ces pays à bas coûts et à moindres contraintes.
Malheureusement, la pollution retourne vers nos pays tôt ou tard.
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