Ils sont marcheurs dans l’immensité montagneuse, consignent la nature en sculpture, plongent dans les océans, résident avec les populations réfugiées. Ils sont encore dessinateur d’algorithme, photographe ethnologue, peintre de la désolation ou plasticien de la fragilité. La cuvée 2017 du concours Talents Contemporains est composée de huit lauréats, exposés du 9 février au 21 avril 2019 : Edouard Decam, Cristina Escobar, Sara Ferrer, Claire Malrieux, Camille Michel, Maël Nozahic, Benjamin Rossi et le collectif Sandra & Ricardo.
Initié en 2011 dans une démarche philanthropique, le concours Talents Contemporains (1) soutient la création contemporaine et des artistes de tous horizons géographique, générationnel et aux pratiques diverses.
Sur le thème de l’eau, envisagé de maintes façons, les artistes explorent les problématiques pouvant être environnementales, sociétales, plastiques, philosophiques, anthropologiques et une quantité infinie de sujets. Peu à peu une collection originale s’est dessinée, rassemblant vidéo, installation pérenne, peinture, dessin, sculpture, photographies, art numérique. Elle présente des moutons embarqués, des poissons sculptés, des larmes de cristal, des océans de mots… Les œuvres voyagent de Wattwiller à Lisbonne en passant par Épinal, Bordeaux ou Amsterdam, déployant les points de vue variés et une représentation du monde actuel.
Si les artistes peuvent nous accompagner dans des voyages infinis, inviter à l’introspection ou la dénonciation ils sont souvent préoccupés, et le questionnement sur la notion de trace pourrait bien être le trait d’union entre chacun des lauréats de la 7ème édition.
Arpenteur infatigable dans les extrémités des Pyrénées, Edouard Decam enregistre les architectures que l’homme laisse sur son passage, notamment des barrages à la structure fascinante. Cristina Escobar raconte la trajectoire d’hommes et de femmes réfugiés en Italie, ils tracent sur une carte de la Méditerranée leur voyage. Elle matérialise le chemin de chacun avec 40 objets de marbre, leurs « trophées ». Au moyen d’une installation minimaliste, Sara Ferrer dénonce les conséquences de la pêche de masse et la surconsommation. Les excès provoqués par la modernité et l’industrialisation questionnent également Camille Michel. Ses photographies documentent les métamorphoses du Groënland et le quotidien des populations d’Uummannaq au nord-ouest du territoire. Avec Waterscape œuvre générative, Claire Malrieux fouille la notion d’anthropocène, l’impact de l’homme sur notre écosystème. Benjamin Rossi remonte encore plus loin dans l’histoire de l’humanité, son terrain d’étude est l’actuelle forêt de Fontainebleau autrefois occupée par la mer Stampienne. L’artiste en tire une empreinte dont le négatif en verre soufflé évoque cette période. Le collectif Sandra & Ricardo inspiré par le passage de l’eau dans la vallée de Coa au Portugal, réputée pour ses gravures rupestres paléolithiques, crée un bassin de milliers de sac emplis d’eau, métaphore de la naissance de la civilisation. Le loup qui se reflète dans une mare chez Maël Nozahic est quant à lui le seul vestige vivant d’un monde figé.
Chacune des œuvres exposées porte la trace ambivalente de l’homme, et son action sur notre environnement, dans une forme de désespoir lyrique. La sélection des artistes est le reflet d’une interrogation plus globale sur les désastres écologiques omniprésents.
Sara Ferrer, Fishing the Soul, 2016. Canne à pêche, fil de pêche, cadre en bois et tissu lycra, 400 x 300 x 150 cm.
Situé aux pieds des Vosges, dans le village de Wattwiller en Alsace, au sein d’un paysage exceptionnel, le centre d’art contemporain de la Fondation François Schneider propose une programmation culturelle annuelle et des expositions consacrées au thème de l’eau. Inauguré en 2013 dans un ancien atelier d’embouteillage, agrandi et transformé, le site offre un espace de 4.500 m². Conçu autour de la lumière et de la transparence, le bâtiment comprend trois salles d’exposition d’une superficie de 1 200 m².
Un jardin de sculptures attenant offre une promenade artistique au milieu d’œuvres permanentes des XXème et XXIème siècles. L’eau jaillit en cascade de la monumentale Nana de Star Fountain de Niki de Saint-Phalle, ruisselle des Toupies d’eau d’Ilana Isehayek avant d’épouser les crêtes vosgiennes qu’évoque l’installation de Sylvie de Meurville et d’étinceler le long des sphères en acier de Pol Bury. Dans le grand bassin From Here to There de Renaud Auguste-Dormeuil, l’eau reflète le mouvement des nuages avant d’être envoyée par-delà le Pacifique à travers un tunnel imaginaire. Une librairie et un restaurant, proposant une carte réalisée avec des produits locaux issus principalement des circuits biologiques et équitables, complètent le parcours des visiteurs.
Exposition du 9 février au 21 avril 2019 au centre d’art contemporain de la Fondation François Schneider I Wattwiller – 27 rue de la Première Armée – 68700 Wattwiller
(1) La Fondation François Schneider a pour ambition de découvrir, d’accompagner et de révéler de nouveaux talents au grand public et de soutenir la création contemporaine sur le thème de l’eau. À travers le concours « Talents Contemporains » créé en 2011, François Schneider souhaite soutenir ces créateurs par l’acquisition de leurs œuvres et leur mise en valeur dans le centre d’art de la Fondation via une exposition et l’édition d’un catalogue. Après sélection d’une quarantaine de finalistes par quatre Comités d’Experts, un grand jury international, composé de personnalités reconnues, choisit au maximum huit lauréats. La dotation annuelle est de 300 000 euros. Les huit lauréats reçoivent chacun 20 000 euros pour l’acquisition de leur œuvre. Une enveloppe de 160 000 euros est consacrée à la réalisation des œuvres présentées sous forme de projets comme aide à la production. La Fondation fait ensuite la promotion de ces artistes à travers des prêts d’œuvres, expositions itinérantes, participation à des festivals et en diffusant régulièrement l’actualité de chacun sur ses réseaux sociaux.
Le Grand Jury International de la 7ème édition était composé de : Jean-Noël Jeanneney – Président du Jury ; Daniel Lelong – Galerie Lelong (Paris & New York) ; Rosa Maria Malet – Directrice de la Fondation Joan Miró (Barcelone) ; Ernest Pignon-Ernest, Artiste plasticien, dessinateur, photographe ; Fabrizio Plessi – Artiste représentant l’Italie à la 42ème Biennale de Venise en 1986 ; Roland Wetzel – Directeur du Musée Tinguely (Bâle, Suisse).
Photo d’entête : Collectif Sandra & Ricardo, The Memory of Water, 2017. Installation, sacs plastiques remplis d’eau, plongeoir et échelle de piscine
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