Le 17 mars 2021, l’évocation du premier confinement sollicitera les analyses et les commentaires nécessaires afin de mieux saisir le sens de ce que nous avons vécu. Qu’avons-nous appris de ces temps incertains, de cette crise qui s‘est insinuée dans nos quotidiens, dévoilant sans qu’on y soit préparés les aspects les plus sensibles de nos sociétés ? Sommes-nous mieux armés moralement pour affronter les inévitables défis des mois et des années qui viennent, tant pour parvenir à contrôler l’extension de la pandémie que pour en assumer les conséquences ? Saurons-nous aborder en conscience le champ des responsabilités politiques qui devraient susciter un renouveau de la vie démocratique mise à mal par l’urgence sanitaire ? La refondation d’un pacte social doit-elle être inscrite sur l’agenda politique ? L’après sera-t-il très différent de l’avant, alors que déjà les analystes économiques anticipent une reprise qui, d’ici 2 à 3 ans, abraserait la mémoire d’une vicissitude surmontée comme ce fut le cas de tant d’autres ? Dans quelques jours il serait sage aussi de se demander si nous avons été à la hauteur des enjeux, de quelle manière nous avons fait face, quels critères ont prévalu dans nos choix, quelle est la signification et la portée de ce à quoi nous avons consenti ou renoncé.
La signification et la portée de ce à quoi nous avons consenti ou renoncé
Depuis la sortie du premier confinement, le 11 mai, le Gouvernement incarne de manière exclusive et en tous domaines la stratégie politique de gestion de la crise. Il serait désormais vain de dresser l’inventaire du cumul de ses impréparations, approximations, contradictions et de ses manquements dès lors qu’il s’est approprié l’entièreté des procédures décisionnelles auxquelles personne ne s’est sérieusement opposé. Le 27 janvier, il a été mis fin à l’Assemblée nationale aux travaux de la Mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid-19 [1]. La Mission indépendante nationale sur l’évaluation de la gestion de la crise Covid-19 et sur l’anticipation des risques pandémiques voulue par le président de la République devait rendre son rapport fin décembre 2020 [2]. Cette exigence de transparence sera-t-elle honorée ?
Cet inventaire aurait aussi permis de témoigner notre considération à l’égard de certains actes forts du Gouvernement dans l’attention portée aux situations des personnes plus vulnérables que d’autres, ainsi que dans nos solidarités économiques afin de compenser les catastrophes qui pourtant ont anéanti tant d’existences.
Devoir d’inventaire
Le Conseil économique, social et environnemental vient d’achever le 7 mars sa consultation relative au passeport vaccinal. 110 507 y ont participé. N’y avait-il pas d’autres thématiques d’un intérêt plus immédiat à discuter, comme par exemple les libertés individuelles au regard de l’intérêt collectif, les priorisations dans l’accès aux soins dans un contexte de saturation progressive du système hospitalier, l’obligation de vaccination de certains professionnels, les préconisations dans les EHPAD, le respect des rites mortuaires, la hiérarchisation des choix dans la perspective d’un retour à une certaine normalité ?
Le devoir d’inventaire n’est pas à l’ordre du jour, remisé pour être proposé plus tard, lorsque les circonstances seront plus favorables. C’est aussi le sens du pari présidentiel lancé publiquement par l’annonce du Premier ministre sur le perron de l’Élysée le 29 janvier, décidant que le confinement national qui semblait s’imposer n’aurait pas lieu. Certains l’interprètent comme une fuite en avant dont les données épidémiologiques actuelles pourraient contrarier l’audace. Depuis, le confinement a pris une forme plus insidieuse, entre menace pour les territoires « sous surveillance renforcée » et réalité lorsque les contraintes sanitaires ne permettent pas de pouvoir agir autrement. Il est évident que cette tactique ou cette agilité politique peu contestable, tient compte du poids à la fois moral et économique du confinement, et de l’incapacité à soumettre jusqu’à l’excès une société inquiète de son devenir, fragile de ces mois chaotiques, et désormais rétive à des décisions erratiques, souvent disproportionnées, imposés sans concertation.
Aucune initiative ne permet de penser que le 17 mars 2021 ne sera pas un nouveau rendez-vous manqué entre l’État et le pays, alors qu’il aurait été judicieux de se départir du registre formel des procédures administratives ou de l’actuelle incantation prophétique pour envisager un mode de gouvernance différent, une nouvelle intelligence de la relation avec la Nation. À se demander aujourd’hui si la préoccupation immédiate des instances publiques est d’analyser le présent de la pandémie en ce qu’il justifierait de courage politique à assumer des choix que l’on diffère, ou alors de se projeter dans un avenir possible que l’on tente de forcer au regard d’échéances qui ne sont peut-être pas nos urgences.
Face aux défis du présent et des lendemains de cette pandémie
Ne serait-ce que pour éviter cette équivoque que suscite la parole publique et qui incite à douter du bien-fondé de controverses, comme par exemple celle qui opposerait la décision politique à l’expertise scientifique, le président de la République aurait pu considérer opportun de créer les conditions nécessaires à une rencontre solennelle avec la Nation. Comme il l’a fait le 16 mars pour nous annoncer le premier confinement [3], mais cette fois dans le cadre d’un dialogue d’une autre portée que son intervention du 4 décembre sur Brut [4].
L’exigence d’explication est bien différente des calculs d’une communication partagée pêle-mêle, d’une part entre les constats épidémiologiques inquiétants, la relativisation des avis médico-scientifiques, la menace de contraintes strictes, l’appel à la responsabilisation. D’autre part entre l’assurance d’une vaccination accessible à tous dans les meilleurs délais, d’une protection économique et sociale maintenue, et l’annonce d’échéances meilleures selon des évaluations qui varient au gré des conjectures gouvernementales.
Il ne s’agit pas de rendre des comptes mais de tenir compte d’une attente sociale désormais impérieuse, en termes de retour d’expérience, de repères, de « mode d’emploi » pour le futur, de mesures cohérentes et recevables pour les mois qui viennent. On peut résumer cette requête publique en une formulation : qu’a-t-on fait de l’expérience et des expertises acquises au cours de cette année de pandémie ; quels enseignements pratiques en tire-t-on dans la mise en œuvre d’une stratégie politique soutenable dès lors que l’urgence est désormais assimilée à notre quotidien ?
Si le président de la République n’envisage pas une intervention solennelle le 17 mars pour fixer un cap et nous associer à une reconquête de la vie démocratique après ces temps qu’il a trop hâtivement considéré il y a un an comme un état de guerre (justifiant ainsi a priori des mesures arbitraires), rien n’empêche notre représentation nationale de prendre une initiative.
Et du reste, pourquoi ne pas nous autoriser aussi une prise de parole directe, partager une expérience qui confère une légitimité à nos positions. Ne témoignons-nous pas depuis un an d’un esprit d’engagement et d’un même souci du bien commun ? Cette expertise doit être audible dès lors qu’elle est contributive au projet de société qu’il convient de repenser ensemble.
Plutôt que de s’en remettre à des discours enchanteurs qui, comme à la sortie du premier confinement, nous promettent une liberté dont nous avons compris depuis le 11 mai le caractère pour le moins conditionnel, c’est à chacun d’entre nous d’ensemencer le réel d’une parole et de propositions à mettre en commun.
Il ne s’agit pas encore de faire œuvre de mémoire, mais d’initier une mobilisation nationale qui n’a rien à avoir avec cette guerre qui nous était annoncée et dont notre vie démocratique ne devrait pas être la défaite. Ce 17 mars devrait être un moment d’affirmation de nos valeurs et de nos engagements face aux défis du présent et des lendemains de cette pandémie.
Emmanuel Hirsch, Professeur d’éthique médicale, Université Paris-Saclay.
Auteur de « Une démocratie confinée : l’éthique quoi qu’il en coûte » – Editions Erès, 4 février 2021.
Coordonnateur de l’ouvrage collectif « Pandémie 2020 – Éthique, société, politique« , Éditions du Cerf.
[1] https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/01/28/les-oppositions-protestent-contre-la-dissolution-de-la-mission-d-information-de-l-assemblee-nationale-sur-le-covid-19_6067874_823448.html
[2] https://www.vie-publique.fr/rapport/276679-gestion-de-crise-la-covid-19-et-anticipation-des-risques-pandemiques
[3] https://www.vie-publique.fr/discours/273933-emmanuel-macron-16-mars-2020-coronavirus-confinement-municipales
[4] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/12/04/le-president-emmanuel-macron-repond-aux-questions-de-brut
Bla bla mou et langue de bois qui n’aborde pas le vrai problème
Cette « pandémie est en fait une Plandémie politique abjecte et tout simplement CRIMINELLE.
Du courage de l’audace . monsieur le Professeur d’éthique. Peut mieux dire.