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Fin du travail : entre fantasme, serpent de mer du débat public et réalité

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Les progrès réalisés dans le champ de la robotique et de l’intelligence artificielle, l’essor de l’Internet des objets, le traitement des données de masse (big data) ou l’émergence de l’impression 3D alimentent aujourd’hui des inquiétudes autour d’un « futur sans emploi ». Dans la littérature économique internationale, depuis 2013, plusieurs études ont cherché à estimer la part des emplois actuels qui pourraient être menacés de disparition du fait des nouvelles possibilités d’automatisation. Le Conseil d’orientation pour l’emploi a souhaité approfondir et affiner le diagnostic en procédant à une analyse complète des impacts prévisibles de la nouvelle vague d’innovations technologiques sur l’emploi et sur le travail.
 
L’innovation détruira-t-elle plus d’emplois qu’elle n’en créera ? C’est la question posée par le journaliste Arnaud de Robert, diffusée dans la Matinale de Radio Libertés.  Selon lui, le secteur de la santé et de la médecine est le premier impacté par la perte d’emplois : télémédecine, télé-diagnostique, robotisation chirurgicale. Puis, l’enseignement : e-learning, télé-enseignement, la présence face élèves quoi que l’on en pense ne s’impose plus, selon lui. On pourrait aussi parler de la sécurité, de l’aide à la personne, de la distribution et de l’industrie. Et ce changement radical de société pose de cruciales questions : si le travail disparait, les revenus aussi ? Le nouveau monde sans travail risque d’être rapidement explosif. Et pourtant non, aux dires de certains analystes. Beaucoup fondent d’ailleurs la transition sur le fameux revenu universel versé à tous sans condition de ressources. Un revenu versé par l’Etat qui lui permettrait de supprimer toutes les autres aides et proviendrait de la seule taxation de l’élite créatrice de richesse. Là aussi, on est loin de l’utopie, surtout quand on voit avec quel empressement nos politiques s’emparent de la question du revenu universel depuis quelques années.
C’est le cas du candidat à la Présidentielle, Benoît Hamon, qui aura au moins réussi à imposer son thème de prédilection dans le débat : la création d’un revenu universel comme réponse à la raréfaction du travail. De l’avis quasi général, voilà bien une des rares – si ce n’est la seule – idées neuves de cette campagne, même si beaucoup en contestent la pertinence.

LIRE AUSSI DANS UP’ : Primaire socialiste : une victoire historique pour le revenu universel ? 

Des chefs d’entreprise aussi prônent le revenu universel, comme Elon Musk qui a confié son ressenti sur un avenir dans lequel les machines remplaceront peu à peu, (et a minima) la plupart des emplois du secteur de l’industrie, dans une interview accordée à CNBC et relayée par le site papergeek.fr.
 
Une contestation qui n’est pas seulement de principe. Elle vise aussi le diagnostic initial sur lequel se fonde ce projet politique : diagnostic selon lequel l’automatisation et la robotisation détruiraient de nombreux emplois que les gains de productivité ne permettraient pas de compenser.
Or cette idée d’une irrémédiable raréfaction du travail ne fait pas consensus. Plusieurs études récentes menées en France, notamment celle du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE), relativisent l’impact de la révolution numérique sur le volume d’activité. 10 % des emplois seraient menacés : ce n’est pas négligeable mais c’est bien moins que ce qu’anticipaient certains scénarios précédents beaucoup plus pessimistes... et qui auraient justifié peut-être de revoir entièrement notre rapport au travail.
 
Le Conseil d’orientation pour l’emploi a donc adopté, mardi 10 janvier 2017, le premier tome d’un rapport intitulé « Automatisation, numérisation et emploi ».
Alors que les révolutions technologiques successives se sont accompagnées jusqu’à présent d’un développement de l’emploi, l’automatisation et la numérisation, des technologies interdépendantes qui se déploient avec des effets démultiplicateurs au-delà de la stricte production de biens et services alimentent des peurs autour d’un « futur sans emploi ». Des études récentes ont estimé qu’une part massive des emplois existants pourrait être menacée de disparition.
 
Le Conseil d’orientation pour l’emploi a voulu aborder cette question centrale pour l’économie et pour notre pacte social, pour éclairer le débat public et la décision publique.
 
Alors que les études existantes se focalisent uniquement sur les « destructions d’emplois », le Conseil a voulu approfondir l’analyse et embrasser l’ensemble des défis mais aussi des opportunités de la révolution technologique en cours. Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil, observe ainsi  que : « Les études prospectives ont jusqu’ici mis l’accent sur le risque de destruction d’emplois. Attention à ne pas avoir une vision trop simplificatrice. »
 
Dans ce premier tome, le Conseil analyse les effets possibles du progrès technologique sur le volume de l’emploi (en termes de disparition mais aussi de créations), mais aussi les effets sur la structure de l’emploi (quels sont les métiers et les secteurs les plus concernés ? comment les métiers sont-ils appelés à évoluer ? quels types de compétences seront à l’avenir les plus recherchées ?) et sa localisation, à la fois à l’échelle nationale (quelles pourraient être les zones d’emploi les plus concernées ?) et internationale (les technologies pourraient-elles favoriser un mouvement de relocalisation des emplois en France ?).
 
Le Conseil publie notamment les résultats d’une étude sur l’exposition des salariés français à l’automatisation. Cette étude, réalisée au sein du Secrétariat général, conclut que :
– moins de 10% des emplois cumulent des vulnérabilités qui pourraient en menacer l’existence dans un contexte d’automatisation ;
– la moitié des emplois existants pourrait voir son contenu notablement ou profondément transformé.
 
Le Conseil publie également une liste de métiers qui, au vu de cette étude, apparaissent les plus vulnérables ainsi qu’une liste de métiers dont le contenu est susceptible d’être transformé.
 
Selon Marie-Claire Carrère-Gée, « S’agissant de leurs conséquences sur l’emploi, les robots, l’intelligence artificielle ou l’impression 3D ne justifient, ni frayeur ni exaltation. Les transformations d’emplois existants, pour être probablement de très grande ampleur, pourront constituer autant d’opportunités et rendre bien des tâches moins pénibles et plus performantes. Les pertes d’emploi, peut-être significatives, pourront être compensées, et plus que, par des créations d’emploi en France. A nous– acteurs économiques, citoyens, pouvoirs publics- de nous en donner les moyens.»
 
Le Conseil étudiera dans un second tome à paraître au printemps les impacts sur les conditions de travail et l’organisation du travail, ainsi que les compétences des actifs. Et cela pour donner aux pouvoirs publics et aux citoyens un diagnostic solide pour préparer les décisions de politiques publiques qui doivent continuer à être prises dans tous les domaines : emploi, formation, protection sociale, mais aussi soutien à l’innovation et à la localisation d’activités.
 

Synthèse du rapport Automatisation, numérisation et emploi Tome 1 PDF – (1.0 Mo)

Rapport Automatisation, numérisation et emploi Tome 1 PDF – (9.1 Mo)

Focus sur l’étude présentée par le Secrétariat général du COE PDF – (1.8 Mo)

Pour aller plus loin :
 
Etude de Carl B. Frey, Michael A. Osborne, « The future of employment : how susceptible are jobs to computerisation ? », Septembre 2013.
– Livre « La fin du travail » de Jérémy Rifkin, La découverte 1997
– Livre « Le travail : Une valeur en voie de disparition ? » de Dominique Méda, Flammarion 2010
– Livre « Travail : la révolution nécessaire » de Dominique Méda, Nouvelles éditions de l’Aube, 2013
– Livre « L’emploi est mort, vive le travail !«  de Bernard Stiegler, Mille et une nuits 2015
– Article « Le grand bluff de la robotisation » – A l’encontre, 21 février 2017
 

 

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