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La guerre dans l’espace aurait-elle commencé ?

La guerre dans l’espace aurait-elle commencé ?

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L’alerte a été donnée dès les premières heures du déclenchement de la guerre en Ukraine : compte tenu de l’alliance des pays de l’Otan à aider le pays agressé par la Russie, Poutine pourrait préparer quelque chose de plus fort encore que la guerre au sol ou dans les airs : la guerre dans l’espace.  Les communications et les services GPS pourraient être compromis par une éventuelle attaque militaire russe contre des satellites.

Le directeur du National Reconnaissance Office aux États-Unis – NRO -, Christopher Scolese a adressé le 23 février dernier un avertissement aux opérateurs de satellites. Il estime en effet que la Russie pourrait attaquer des satellites pour perturber les communications et les services GPS dans le cadre de la stratégie militaire d’invasion de l’Ukraine et, par conséquent, a appelé à renforcer la protection de ces systèmes.

Depuis longtemps, l’armée américaine craint que la Russie et la Chine ne bloquent les signaux GPS et les satellites de communication pendant un conflit, ce qui compromettrait considérablement la défense et le contrôle aériens et terrestres. En plus de mettre en péril le signal GPS par des attaques d’interférences électroniques, la Russie pourrait également cibler les utilisateurs de GPS militaires américains avec des données falsifiées. Ce serait alors toutes les activités militaires impliquant des aéronefs, des navires, des munitions, des véhicules terrestres et des troupes au sol qui seraient concernées.

L’espace, autre champ de bataille ?

L’espace pourrait-il alors devenir le prochain champ de bataille de la guerre ? Cette hypothèse aux allures de science-fiction a pris une réalité concrète quand, le 15 novembre de l’année dernière, à 500 kilomètres d’altitude, un missile balistique russe Nudol catapulté à Mach 2 a pulvérisé un engin de la taille d’une petite voiture se déplaçant à 28 kilomètres par seconde. La cible, un vieux satellite soviétique inactif, Cosmos-1408, s’est fragmentée en plusieurs centaines de morceaux qui dérivent désormais dans l’espace hors de contrôle, et s’ajoutent aux dizaines de milliers de débris que l’homme y a laissés depuis des décennies. Le patron de la Nasa américaine avait aussitôt condamné « un acte irresponsable », mettant en danger la Station spatiale internationale et ses sept astronautes (dont deux Russes).

Cet incident n’était pourtant pas une première. En mai 2014, la Russie avait envoyé en catimini un engin dans l’espace. Le mystère autour de cet engin spatial était tel qu’on ne savait même pas comment le qualifier. Au départ, il répondait au doux nom d’Objet 2014-28E, ou plus simplement Objet-E. C’est, en tout cas, sous cette appellation qu’il apparaissait dans le premier document de la Nasa à faire état de son existence en juillet 2014. À cette époque, l’agence spatiale américaine pensait qu’il s’agissait simplement d’un débris de satellite russe. Mais cette thèse n’a pas résisté bien longtemps à la vigilance des observateurs amateurs. L’Objet-E avait, en effet, une trajectoire qui ne correspondait pas à celle d’un simple débris et donnait l’impression d’effectuer des manœuvres prédéterminées et de se déplacer sur son orbite pour se rapprocher d’un autre objet spatial. Cet engin était, très probablement, le passager secret à bord d’un lanceur qui avait mis sur orbite trois satellites Kosmos-2496, Kosmos-2497 et Kosmos-2498. Ce quatrième larron spatial s’est vu donc affublé du nom de Kosmos-2499.

Des expériences entourées d’un halo de silences et non-dits qui avaient remis au goût du jour des spectres issus de la Guerre froide. À l’époque, l’Union soviétique menait un programme appelé « Istrebitel Sputnikov » (tueur de satellite). Il a été officiellement arrêté dans les années 1980. Mais les militaires soviétiques, puis russes n’ont jamais caché leur désir de reprendre les recherches sur ce système de défense. En 2009, le général Vladimir Popovkin avait évoqué une série de mesures pour « améliorer le système national anti-satellite », rappelle russianspaceweb.com.

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La possibilité d’un « tueur russe de satellites a de quoi inquiéter. Car « L’espace est devenu un théâtre des opérations, au même titre que la terre, la mer, le ciel et le cyberspace », affirme dans une interview Thierry de Montbrial, président de l’Ifri (Institut français des relations internationales). Une observation menaçante car l’espace joue un rôle essentiel dans notre vie quotidienne. Nous dépendons des satellites pour nos communications, nos systèmes GPS, nos transactions et même notre météo. Les militaires quant à eux ne peuvent s’en passer car c’est grâce à leurs satellites qu’ils surveillent les ennemis et guident les frappes. 2500 satellites civils seraient ainsi en activité au-dessus de nos têtes, auxquels il faut ajouter 450 satellites militaires.

Arsenal de science-fiction

Selon Capital, les grandes puissances sont en train de développer un arsenal tout droit sorti de la science-fiction, avec canons laser et satellites tueurs. Dans cette course aux armements futuristes, les Etats-Unis font tout pour maintenir leur suprématie. L’an dernier, ils ont investi 17,4 milliards de dollars dans ce volet de leur défense, 2,5% de leur budget militaire. Les Chinois ne s’en laissent pas compter : ils ont doublé leur enveloppe en une décennie, pour la porter au-delà de 3 milliards. Quant à la Russie, elle s’accroche pour tenir son rang de grande nation du cosmos, avec un budget de l’ordre de 1,5 milliard. La France quant-à-elle prend le sujet au sérieux. Elle s’est dotée d’un commandement spécifique en 2019 et a gonflé son budget de 30% dans sa dernière loi de programmation militaire pour le porter à 600 millions d’euros annuels.

Pourtant, malgré cet arsenal, la guerre dans l’espace n’a, heureusement, pas encore pris sa pleine dimension depuis le début des hostilités en Ukraine. Des escarmouches ont pourtant lieu. Des pirates affiliés à Anonymous ont affirmé il y a quelques jours avoir mis l’ensemble de Roscosmos, la Nasa russe, hors service. Ces derniers disaient vouloir faire en sorte que le gouvernement russe “perde le contrôle de ses satellites-espions”. L’attaque a été démentie quelques heures plus tard par le directeur de Roscosmos, Dmitry Rogozin. Ce dernier n’a d’ailleurs pas hésité à répondre à la perspective d’un tel piratage de satellites par un avertissement pour le moins inquiétant. Selon lui, tout piratage avéré d’une infrastructure clé de Russie pourrait être interprété comme un “acte de guerre”.  

Escarmouches spatiales

Le 24 février dernier, la veille de l’invasion de l’Ukraine, des milliers de Français se retrouvaient privés de connexion Internet par satellite. Le satellite Viasat avait fait l’objet d’une cyberattaque, privant l’accès à des communications satellitaires de certaines zones en Europe et en particulier l’Ukraine. Selon Orange, « près de 9000 abonnés » d’un service internet par satellite de sa filiale Nordnet, en France, sont privés d’internet à la suite de ce « cyber-événement ». Pour le général Michel Friedling, qui dirige le commandement français de l’Espace, cet incident est indiscutablement causé par une attaque russe.

Eutelsat, maison mère du service d’internet par satellite bigblu, a également confirmé qu’environ un tiers des 40.000 abonnés de son service en Europe (Allemagne, France, Hongrie, Grèce, Italie, Pologne) étaient affectés par la panne sur Viasat. L’opérateur a indiqué au magazine Der Spiegel qu’un « cyber-événement » avait provoqué « une panne de réseau partielle » pour des clients « en Ukraine et ailleurs » en Europe dépendant de son satellite KA-SAT.

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Les perturbations causées par cette attaque contre un satellite ne concernent pas seulement la couverture Internet. Elles ont également impacté 5800 éoliennes situées en Allemagne et en Europe centrale. « En raison d’une interruption massive de la connexion par satellite en Europe, la surveillance et le contrôle à distance de milliers de convertisseurs d’énergie éolienne ne sont actuellement possibles que dans une mesure limitée », a indiqué le fabricant de ces éoliennes, l’allemand Enercon, la semaine dernière  dans un communiqué. Enercon précise que les problèmes ont commencé le 24 février, premier jour de l’invasion de l’Ukraine. « Il n’y a aucun danger pour l’éolienne » qui continue de produire de l’énergie mais ne peut plus être réinitialisée à distance si nécessaire, explique le fabricant. Les experts mobilisés pour réparer les éoliennes ne sont toujours pas parvenus à redémarrer à distance les modems affectés. Pour faire face à l’urgence, ils proposent de les remplacer, mais la pénurie de semi-conducteurs, a fortement perturbé la production.

Cette attaque inquiète toute la filière européenne. En France, la Fédération Environnement Durable (FED) craint une vague de « cyberattaques plus larges sur tous les sites de production d’électricité éolienne ». « Compte tenu de leur isolement géographique elles sont le maillon sécuritaire le plus faible du réseau énergétique français. La surveillance physique et logicielle internet des 8 000 machines disséminées sur tout le territoire est quasiment impossible. Ces conditions confèrent à l’éolien le qualificatif de maillon critique du réseau électrique français », indique la FED dans un .

Crainte d’une flambée d’attaques spatiales

Les spécialistes militaires et cyber redoutent que le conflit russo-ukrainien ne donne lieu à une flambée d’attaques dans le domaine spatial, un « cyber-Armageddon » aux conséquences importantes pour les civils en Ukraine et en Russie, mais aussi dans le reste du monde, par effet de débordement ou « d’éclaboussure », selon le terme employé récemment par un responsable militaire français. Pour l’instant, le scénario du pire semble avoir été évité, les attaques observées semblant contenues dans leurs effets et leur ampleur géographique. Heureusement car les dégâts causés par de telles interventions militaires pourraient être gravissimes pour l’économie et le fonctionnement des États visés. Un seul chiffre illustre cette dépendance aux technologies de l’espace : 6 à 7 % du PIB des pays occidentaux dépend aujourd’hui de la navigation GPS par satellite.

Le danger d’une guerre de l’espace se fait de plus en plus précis. Pourtant l’espace, depuis 1967 déjà, est protégé par un traité international, initié en pleine guerre froide par John Kennedy. Ce texte établit le principe de non-appropriation et d’interdiction des armes de destruction massive en orbite. D’autres traités, cinq au total, ont depuis suivi. Mais aucun n’envisage l’utilisation de méthodes offensives visant à provoquer des destructions ou des interférences par le biais de satellites. Aucun texte n’a imaginé ce qu’il est possible de faire aujourd’hui dans le domaine de la guerre spatiale. Le professeur Dale Stephens, l’un des grands spécialistes de la question, évoque à cet égard «les missiles anti-satellites, les armes à énergie dirigée (y compris les lasers), la guerre électronique (exploitation des émissions radioélectriques d’un adversaire), la cyberguerre et certaines technologies à usage dual, telles que les infrastructures en orbite destinées à la maintenance des satellites. » D’autres méthodes, moins coûteuses, pourraient devenir courantes dans une guerre de l’espace comme l’aveuglement d’un satellite d’observation, le brouillage des ondes radio, la cyberattaque ; elles sont déjà sans nul doute utilisées dans le conflit russo-ukrainien.

Avec l’intensification de la violence en Ukraine, des chercheurs comme Anuradha Damale, chargée de mission au think tank British American Security Information Council, soupçonnent que les satellites ont déjà été pris pour cible – nous ne le savons simplement pas encore. « Vu la façon dont Poutine agit en ce moment, je ne serais pas surpris que ce soit quelque chose qu’il envisage ou qu’il ait déjà fait », déclare-t-elle à Wired.

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