L’annonce, ce jeudi après-midi, selon laquelle des scientifiques du projet LIGO aux États-Unis ont réussi à détecter dans l’espace des oscillations jusqu’ici théoriques connues sous le nom d’ondes gravitationnelles représente l’une des découvertes majeures du XXIe siècle en matière de physique. Mais de quoi s’agit-il ?
Pour mieux comprendre de quoi il retourne, revenons quelques siècles en arrière. En 1687, lorsqu’Isaac Newton a publié sa Philosophiæ Naturalis Principia Mathematica, il envisageait la gravitation comme une force d’attraction entre deux masses : la Terre et la Lune, deux petits pois sur une table, etc. Ce que l’on s’expliquait moins bien à l’époque, c’était la façon dont cette force se diffusait. Il a fallu attendre 1798 pour que le scientifique britannique Henry Cavendish valide la théorie de Newton en mesurant la densité de notre planète.
Faisons à présent un bond jusqu’en 1916, quand Einstein exposait aux physiciens sa nouvelle conception de l’espace, du temps et de la gravité. Basée sur les travaux qu’il avait publiés en 1905, la théorie de la relativité générale réunissait ce que nous considérons communément comme deux entités distinctes – le temps et l’espace – en un concept unique d’« espace-temps ».
On peut considérer que l’espace-temps est le tissu de l’univers : tout ce qui se déplace le traverse et tout ce qui possède une masse le déforme. Plus la masse est importante, plus la déformation est prononcée. Cette déformation influe sur les mouvements des objets de masse inférieure.
Imaginons deux enfants, dont l’un est plus lourd que l’autre, en train de sauter sur un trampoline. L’enfant le plus lourd déforme davantage le tissu que l’autre, de telle sorte qu’un ballon placé à ses pieds suivra cette distorsion. De même, quand la Terre tourne autour du soleil, l’énorme masse de ce dernier déforme l’espace, obligeant notre petite planète à suivre tant bien que mal le chemin le plus « direct » dans un espace courbé. C’est pour cette raison qu’elle orbite autour de lui.
Cette simple analogie nous permet de comprendre les bases de la gravité. Il ne reste plus qu’à franchir un petit pas, mais un pas très important, pour passer aux ondes gravitationnelles. Si l’un des enfants traîne un objet lourd sur le trampoline, des ridules apparaissent à la surface de celui-ci, comme lorsqu’on déplace notre main dans l’eau. Cependant, ces ondes disparaissent rapidement.
Tout objet traversant le tissu de l’espace-temps provoque ainsi des ridules ou des ondes, mais celles-ci disparaissent malheureusement très vite. Seuls les événements les plus violents produisent des déformations suffisamment conséquentes pour être détectées sur Terre. À titre d’exemple, la collision de deux trous noirs dotés d’une masse dix fois supérieure à celle du soleil provoquerait, en nous parvenant, une onde de déformation correspondant à 1 % du diamètre d’un atome. À cette échelle, elle occasionnerait une modification du diamètre de la Terre de l’ordre de 0,0000000000001 mètre (à titre de comparaison, une grosse marée provoque une distorsion d’un mètre dans le diamètre de notre planète).
À quoi peuvent servir les ondes gravitationnelles ?
Dans la mesure où ces ondes sont infimes et extrêmement difficiles à détecter, on peut se demander pourquoi il importe de s’y intéresser. En dehors de ma simple curiosité, deux raisons me viennent immédiatement à l’esprit. Tout d’abord, un siècle après l’hypothèse d’Einstein, confirmer leur existence validerait davantage sa théorie de la relativité générale.
De plus, cette confirmation ouvrirait de nouveaux horizons à la physique, comme l’astronomie des ondes gravitationnelles. En étudiant les processus violents qui les ont engendrées, nous pourrions percevoir dans le détail certains événements, comme la création de gigantesques trous noirs.
Pour ce faire, il serait toutefois préférable de placer le détecteur d’ondes gravitationnelles en orbite. Le LIGO terrestre a réussi à les capter par interférométrie laser, une technique qui consiste à diviser et envoyer un rayon laser dans deux directions perpendiculaires. Les deux trajectoires sont ensuite réfléchies par des miroirs jusqu’à leur point de départ. Si elles ont été perturbées par des ondes gravitationnelles, les rayons reconstitués sont différents des originaux. Les interféromètres spatiaux que l’on prévoit d’installer dans les dix ans à venir utiliseront des bras lasers d’une envergure d’un million de kilomètres.
A présent que leur existence est confirmée, on peut espérer que ces ondes permettront de résoudre quelques-uns des plus grands mystères scientifiques, notamment celui de la composition de la majeure partie de l’univers. Celui n’est constitué que de 5 % de matière ordinaire, mais de 27 % de matière noire et de 65 % d’énergie noire (nous les qualifions ainsi parce que nous ignorons quasiment tout d’elles). Les ondes gravitationnelles pourraient bien nous aider à sonder ces mystères, tout comme les rayons X puis les IRM ont fait avancer l’exploration du corps humain.
Gren Ireson, Professor of Science Education, Research Coordinator within the School of Education, Nottingham Trent University
Traduit par Catherine Biros/Fast for Word.
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.