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Les extraterrestres sont dans le collimateur des scientifiques. Mais où sont-ils ? Pourquoi sont-ils muets ? Nous ressemblent-ils ?

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Réunis à Paris par le METI (Messaging Extraterrestrial Intelligence), des scientifiques du monde entier se sont penchés à la Cité des Sciences à Paris sur la question des extraterrestres. Objet de ce colloque : quelle stratégie adopter pour envoyer des messages vers d’hypothétiques civilisations extraterrestres ? Même si elle alimente les fantasmes des néophytes et des auteurs de science-fiction, cette question n’en reste pas moins sérieuse et « extrêmement débattue ».
 
« Quand on cherche à mieux comprendre l’univers, la question de savoir si nous sommes seuls est incontournable », explique à l’AFP Florence Raulin-Cerceau, docteur en astronomie et maître de conférence au Muséum national d’Histoire naturelle. Même si on est « à la quête de quelque chose dont on ne sait pas si elle existe » reconnaît Douglas Vakoch, président de METI International, une organisation basée à San Francisco qui se consacre notamment à l’envoi de messages vers d’autres planètes, nous devons en débattre.
C’est ce qu’a fait une cinquantaine d’astrophysiciens, de biologistes, d’économistes et même de philosophes réunis à Paris le 18 mars dernier, sous l’égide du METI. Cette association fondée en 2015 aux États-Unis ne se contente pas, comme son homologue le SETI, de fouiller l’univers pour rechercher une trace de vie. Le METI a pour mission d’envoyer des messages vers les aliens dans l’espoir d’obtenir une réponse. Des bouteilles jetées dans la mer sidérale.
 

Où sont-ils ?

La grande question que tout le monde se pose est « Où sont-ils ? ». Le premier à l’avoir posée formellement est le physicien et Prix Nobel Enrico Fermi en 1950. Sa question traduisait un étonnement fondamental, connu aujourd’hui sous le nom de « paradoxe de Fermi » : vu l’immensité de l’Univers et le grand âge de la Galaxie pourquoi n’avons-nous pas encore croisé d’extraterrestres ?
 
Depuis, de nombreuses tentatives de contact ont vu le jour comme le programme Breakthrough Listen piloté par des physiciens de la très sérieuse Royal Society Science Academy de Londres ou les recherches de l’Institut SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence) en Californie. L’univers est scruté, à l’affût d’une activité intelligente (fréquence radio, rayon laser…) ou d’objets artificiels en orbite devant des étoiles (comme des sphères de Dyson). Mais il s’agit de « recherches ultras récentes », relativise Florence Raulin-Cerceau, rappelant qu’il faudra peut-être plusieurs générations pour avoir des éléments de réponse. « La formation de la Terre, c’est 4,65 milliards d’années, la recherche extraterrestre, c’est 40 ans », renchérit Cyril Birnbaum, responsable du planétarium de la Cité des Sciences et de l’Industrie, qui prépare un film sur le paradoxe pour fin 2020.
 

Sommes-nous seuls ?

La question de l’existence des extraterrestres n’est pas réservée à quelques farfelus amateurs de littérature fantastique. Des gens très sérieux s’y intéressent depuis longtemps et plus intensément encore, aujourd’hui. Pour preuve, ce petit texte de 11 pages que l’on a exhumé récemment, signé Winston Churchill. Le titre de ce document peut être pris à la fois comme un cri d’espoir et de désespoir : « Sommes-nous seuls dans l’univers ? » Rédigé en 1939 à l’aube de la guerre, on lit dans cet opuscule une forme de profession de foi – plutôt sombre –, pour la vie extraterrestre : « Je ne suis pas suffisamment impressionné par le succès de notre civilisation pour penser que la Terre est le seul endroit qui accueille la vie, des créatures intelligentes dans cet immense Univers, ou que nous sommes les êtres les plus avancés physiquement et mentalement. » 

LIRE DANS UP’ : Quand Churchill s’intéressait à la vie extraterrestre

Depuis ces années noires, les progrès en astronomie et en astrophysique sont allés bon train. On sait aujourd’hui qu’il y a au moins 100 milliards de planètes dans notre seule galaxie et au moins 20 % d’entre elles se situent probablement dans la zone habitable, cette région de l’espace capable de produire une biosphère. Même si cela se produisait dans seulement 0,001% de ces planètes cela signifierait alors qu’il y a 200 000 planètes potentiellement porteuses de vie dans notre galaxie. Or il suffirait que l’on trouve une seule forme de vie extraterrestre pour que notre conception de l’Univers change radicalement.
 
Si la recherche de la vie extraterrestre avait porté ses fruits, cela se saurait et n’aurait pas manqué de faire la une de tous les médias du monde. Mais ce n’est pas (encore) le cas. Pourtant ce ne sont pas les efforts qui manquent et les avancées sont nombreuses. En 2014, par exemple, notre connaissance de l’univers a radicalement changé quand des astronomes découvrirent Kepler-186f, première cousine de la Terre située dans « la zone habitable » de son étoile, là où la température permet la présence d’eau à l’état liquide, indispensable à la vie. Depuis, le catalogue ne cesse de s’épaissir, confirmant que la Terre n’est pas une exception galactique.
 

À quoi ressembleraient les aliens ?

Il n’est donc pas étonnant que des centaines de millions de dollars aient récemment été apportés dans la recherche en astrobiologie, que les États-Unis et l’Europe aient récemment investi dans des initiatives d’astrobiologie et que de nombreux nouveaux travaux aient été réalisés pour tenter de prédire à quoi ressembleraient les aliens. Le problème, cependant, est que lorsque nous essayons de prédire la nature des extraterrestres, nous n’avons qu’un seul échantillon – la Terre – à partir duquel extrapoler. Il est, par conséquent, extrêmement difficile de faire ces prédictions.
 
« L’intelligence est apparue plusieurs fois sur Terre de manière indépendante dans différents groupes », explique Jean-Pierre Rospars, directeur de recherches INRA, citant les corbeaux, les cétacés, les primates… « Cela montre que l’apparition de l’intelligence dans l’évolution n’est pas un accident propre à la Terre mais une sorte de règle », ajoute-t-il.
 
Des scientifiques de l’Université d’Oxford affirment, dans une étude publiée dans la Revue internationale d’astrobiologie, que les extraterrestres sont potentiellement façonnés par les mêmes processus et mécanismes qui ont façonné les humains, et en premier lieu, la sélection naturelle. La théorie soutient l’argument selon lequel les formes de vie étrangères subissent une sélection naturelle et, comme nous, évoluent pour se renforcer et améliorer leurs performances au fil du temps.
Dans le passé, quand les scientifiques réfléchissaient à ce que pourraient être les extraterrestres, ils mettaient en œuvre une démarche mécaniste, s’appuyant sur ce que nous savions sur Terre, notamment au niveau de la chimie, de la géologie et de la physique.
 
« L’octomite ». Un extraterrestre complexe qui comprend une hiérarchie d’entités, où chaque groupe d’entités de niveau inférieur a des intérêts évolutifs alignés, de sorte que les conflits sont effectivement éliminés. Ces entités se livrent à la division du travail, les différentes parties se spécialisant dans diverses tâches, de sorte qu’elles sont interdépendantes. Crédit : Université d’Oxford
 
 
Par exemple, certains traits ont évolué plusieurs fois sur la Terre, et nous posons donc que les formes de vie extraterrestres convergeront vers les mêmes mécanismes terrestres. Parce que les organes oculaires ont évolué au moins 40 fois et sont relativement ubiquitaires, nous prédisons qu’ils évolueront de la même façon sur d’autres planètes. De même, nous avons utilisé une compréhension mécaniste de la chimie et de la physique pour faire des prédictions sur ce qui est le plus probable que nous trouvions sur d’autres planètes. Par exemple, le carbone est abondant dans l’Univers, chimiquement polyvalent et présent dans le milieu interstellaire, de sorte que les formes de vie exotiques sont susceptibles d’être à base de carbone. Ces types de prévisions proviennent d’un mélange de compréhension mécaniste et d’extrapolation de ce qui s’est passé sur la Terre. Mais, en réalité, Il n’y a aucune raison théorique pour laquelle les extraterrestres ne pourraient pas être des organismes faits à base de silicium et… sans yeux.
 
Sam Levin, chercheur au département de zoologie d’Oxford, avance : « Nous ne pouvons toujours pas dire si les extraterrestres marcheront sur deux jambes ou s’ils auront de grands yeux verts. Mais nous croyons que la théorie évolutionniste offre un outil supplémentaire unique pour essayer de comprendre ce que pourraient être les extraterrestres, et nous avons montré quelques exemples des types de prédictions fortes que nous pouvons faire avec elle ». En prédisant que les extraterrestres ont subi des transitions majeures – et c’est ainsi que la complexité est apparue chez les espèces sur Terre – les scientifiques d’Oxford affirment qu’il y a un niveau de prévisibilité à l’évolution qui les ferait ressembler à ce que nous sommes, nous humains terriens.
« Comme les humains, nous prédisons qu’ils sont constitués d’une hiérarchie d’entités, qui coopèrent toutes pour produire un organisme vivant. À chaque niveau de cet organisme, il y aura des mécanismes en place pour éliminer les conflits, maintenir la coopération et maintenir le fonctionnement de l’organisme. »

LIRE DANS UP ‘ : Les extraterrestres nous ressemblent peut-être plus que nous ne le pensons

Mais pourquoi chercher si loin ? Et si les extraterrestres, c’était nous ? Une hypothèse qui n’est pas une galéjade et a fait l’objet d’une très sérieuse étude, soutenue par la NASA et la National Science Foundation et publiée dans la revue Nature. Les auteurs de cette recherche affirment que la vie sur Terre serait le résultat d’une gigantesque collision entre notre planète et un objet venu du fond de l’espace. Un événement qui se serait produit il y a 4.4 milliards d’années, soit, à quelques centaines de millions d’années près, quasiment au moment de la formation de notre Terre. Cette collision aurait apporté sur notre planète le carbone nécessaire à la vie future.

LIRE DANS UP’ : Nous sommes tous des extraterrestres

Ainsi, dans l’hypothèse où nous ne serions pas seuls dans l’univers, nos voisins galactiques pourraient bigrement nous ressembler… De là à entamer un brin de conversation avec eux, il n’y a qu’un pas que beaucoup ont franchi.
 

Allo ET ? Ici la Terre.

En octobre 2017, des astronomes ont envoyé un message radio à un système stellaire voisin – l’un des plus proches connus pour contenir une planète potentiellement habitable – et il est suffisamment proche pour que nous puissions recevoir une réponse en moins de 25 ans.
 
L’étoile cible est GJ 273, également connue sous le nom d’étoile de Luyten, une naine rouge dans la constellation septentrionale de Canis Minor, à 12 années-lumière. En mars 2017, on a découvert qu’il avait deux planètes. L’une d’entre elle, connue sous le nom de GJ 273b, est en orbite dans la « zone habitable » de l’étoile et pourrait potentiellement abriter de l’eau liquide, et peut-être la vie.
 

Cette missive vers les étoiles a été envoyée le jour de l’anniversaire du « message d’Arecibo », une transmission radio émise vers un amas stellaire éloigné en 1974, à partir du radiotélescope d’Arecibo à Porto Rico. Le message d’Arecibo contenait des informations sur les planètes de notre système solaire, la structure de l’ADN, un dessin décrivant à quoi ressemblait un être humain, et d’autres informations de base sur la Terre et ses habitants.
 
Ce nouveau message – transmis par une antenne en Norvège pendant environ huit heures sur une période de trois jours en octobre – « est plus simple et peut-être plus facile à comprendre », dit M. Vakoch. Il commence par des informations sur le comptage, l’arithmétique, la géométrie et la trigonométrie, et comprend une description des ondes radio qui transmettent le message, ainsi qu’un tutoriel sur les horloges et le chronométrage, pour voir si des habitants potentiels de GJ 273b ont une compréhension du temps similaire à la nôtre.
 
L’idée d’envoyer intentionnellement des messages dans l’espace a toujours été controversée, même au sein de la communauté SETI. L’un des problèmes est que l’on ne sait pas très bien qui devrait parler au nom de l’humanité. Un autre sujet de préoccupation est le danger potentiel d’atteindre les extraterrestres.
 
Le physicien Stephen Hawking et d’autres ont mis en garde contre les répercussions possibles de la rencontre d’une civilisation étrangère – notant que cette civilisation sera presque certainement beaucoup plus ancienne et technologiquement beaucoup plus avancée que la nôtre.
 
« Quatre-vingt-dix-huit pour cent des astronomes et des chercheurs du SETI, y compris moi-même, pensent que le METI est potentiellement dangereux et n’est pas une bonne idée », déclare Dan Werthimer, chercheur SETI à l’Université de Californie à Berkeley. « C’est comme crier dans une forêt avant de savoir s’il y a des tigres, des lions, des ours ou d’autres animaux dangereux. »
 

Silence radio

Il n’y a pas de quoi vraiment s’inquiéter car, pour l’instant, la communication vers les extraterrestres ne fonctionne que dans un seul sens. Nous appelons, nous crions, nous essayons de montrer que nous sommes des êtres très intelligents. Et en retour ? toujours rien. Nada. Silence radio.
 
Une situation plutôt vexante qui pourrait, selon certains scientifiques, s’expliquer. Les extraterrestres peuvent préférer rester silencieux, au vu des risques de déstabilisation que provoquerait une telle rencontre. « Si les extraterrestres nous rendent visite un jour, je pense que le résultat sera semblable à ce qui s’est produit quand Christophe Colomb a débarqué en Amérique, un résultat pas vraiment positif pour les Indiens », avait déclaré le physicien et cosmologiste britannique Stephen Hawking en 2010.
 
Autre explication possible au « grand silence » : compte tenu du grand âge de l’Univers, « il se peut très bien que des milliers de civilisations aient pu éclore, vivre des dizaines de milliers d’années, tout en étant restées seules », explique Nicolas Prantzos, astrophysicien du CNRS. « Être seuls dans la Galaxie ne signifie pas être les premiers, ni être les seuls dans l’histoire de la Galaxie », ajoute-t-il.
Pour le chercheur, ces civilisations pourraient se trouver trop loin : « supposons qu’il y a 1.000 civilisations mais qu’elles se trouvent à 100.000 années-lumière de nous, c’est possible que l’on ne puisse jamais les contacter ».
 
Sont-ils là ? Nous observent-ils ? Nous attendent-ils ? Nous entendent-ils ? Une chose est sûre, « si on trouve une vie extraterrestre, même bactérienne, cela serait un énorme pas pour la science et la réflexion sur la place du vivant dans l’Univers », s’enthousiasme Florence Raulin-Cerceau. Un pas pour la science, c’est certain. Mais un sacré bouleversement pour nous Terriens. La certitude d’une vie extraterrestre qui entrerait en contact avec nous, quelles que soient ses intentions, pourrait aussi être un bon moyen de ressouder l’humanité. Elle en a grand besoin.
 
 

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