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Les humains envoyés sur Mars évolueront inévitablement vers une nouvelle espèce

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Mars semble être devenue la dernière destination à la mode. Les projets ne manquent pas et les candidats pour le long voyage se bousculent au portillon. Il faut dire que le premier voyage organisé est pour – presque – demain : 2024. C’est ce que prédit Elon Musk, prêt à embarquer des terriens pour visiter puis coloniser la planète rouge. Mais une telle aventure présente un lot d’incertitudes non seulement techniques mais aussi biologiques. Comment des humains résisteront-ils au voyage, puis à la vie dans un environnement radicalement différent ? Faudra-t-il les modifier génétiquement ? Ou la force de l’évolution aidant, se modifieront-ils rapidement pour devenir une nouvelle espèce humaine ?
 
Les projets pour coloniser la planète rouge ne manquent pas. Ce vieux rêve de l’homme semble pour certains à portée de main, d’autant que, dérèglement climatique et pollution obligent, il faudra peut-être nous trouver rapidement une planète de rechange. L’un des premiers hommes à avoir mis le pied sur la Lune, Buzz Aldrin, appelle sans détour à une « Grande Migration de l’Humanité vers Mars ».
 

Le défi de l’inconnu

Mais Mars a beau sembler proche au regard des distances de l’univers galactique, il faudra quand même faire au minimum 56 millions de kilomètres pour l’atteindre ; un voyage de plusieurs mois, confiné dans une capsule spatiale.
Certes les candidats astronautes s’entraînent d’arrache-pied. On les enferme dans des dômes pendant un an ou on les envoie plusieurs mois dans l’ISS, la station spatiale internationale. Pour observer leurs réactions, leurs comportements et aussi pour préparer leur formation. Mais toutes ces simulations ne sont rien au regard des défis qu’une colonisation de Mars engendrerait.
 
Dans un article publié l’année dernière par la revue scientifique Space Policy, des universitaires spécialistes renommés en sciences cognitives, nous ramenaient brutalement sur Terre. Konrad Szocik, l’un des co-auteurs, prévenait : « Nous ne pouvons pas simuler les mêmes conditions physiques et environnementales de Mars, et en particulier la microgravitation martienne ou l’exposition aux radiations ».  Il poursuit : « Par conséquent, nous ne pouvons pas prédire les effets physiques et biologiques sur des êtres humains qui vivraient sur Mars ».
Pour ces chercheurs, il n’y a pas de doute ; les êtres humains ne pourront pas survivre longtemps sur la planète rouge. Dans un entretien accordé à Gizmodo, le scientifique affirmait : « Mon idée est que le corps et l’esprit humain sont faits pour vivre dans un environnement terrestre. En conséquence, certains défis physiologiques et psychologiques, aussi bien pendant le voyage, que sur la planète rouge elle-même, seront, en l’état, insurmontables et empêcheront toute survie humaine. »
 
Il est vrai que les séjours prolongés dans l’espace sont rudes pour l’organisme. L’astronaute Scott Kelly et le cosmonaute Mikhail Kornienko en ont fait l’expérience. Après plus d’un an passé à bord de l’ISS, leur corps souffre de douleurs et troubles physiologiques directement causés par leur séjour dans l’espace. Ces problèmes sont mineurs par rapport à ce qui pourrait se passer pour les longs trajets sans retour vers Mars. Konrad Szocik explique que « ces premiers astronautes sont conscients que, après un voyage durant près d’un an, ils devront vivre sur Mars plusieurs années ou probablement toute leur vie en raison du fait que leur retour sera technologiquement impossible ». De plus les problèmes psychologiques qu’ils devront surmonter ne peuvent être simulés correctement dans les missions actuelles de l’ISS. En effet, le moral des astronautes de long terme est soutenu par les visites – au moins tous les trois mois – de nouveaux venus. Depuis la Terre, les missions sont soutenues psychologiquement et les communications avec les proches, les médecins, la famille sont constantes. Sur Mars, cela sera rendu excessivement difficile du fait de la distance.
 

A moins que…

À moins qu’on ne modifie les humains pour les adapter à l’environnement martien ; ou qu’ils se modifient progressivement par mutation évolutive.
 

Beaucoup parmi les zélotes du voyage vers Mars pensent que la solution devra être radicale : il faudra mettre en œuvre des solutions permanentes avec des modifications génétiques et chirurgicales.  En clair, pour aller sur Mars, il faudra d’abord transformer l’humain. Le transhumanisme n’est pas loin et doit, selon les organisateurs des futurs voyages martiens, être accepté pour améliorer les voyageurs martiens et les préparer aux environnements qu’ils devront affronter. Modifications génétiques, sélection des plus aptes psychologiquement, utilisation des biotechnologies, des sciences cognitives, des nanotechnologies seront les recours possibles pour équiper les hommes pour leur nouvelle vie dans l’espace. 
 
Des scientifiques ont déjà repéré le gène LRP5/mutation G171V qui augmente la densité osseuse. Ils s’intéressent au MSTN/IVS1+5G, une mutation génétique qui, par la suppression de la myostatine, augmente la masse musculaire et la force physique. D’autres travaillent sur des modifications génétiques de l’oreille interne afin de rendre les spationautes plus tolérants aux effets de l’absence de gravité. Des solutions totalement innovantes pourraient être mises en œuvre en utilisant les systèmes d’édition génétique comme CRISPR.
 
Les nanotechnologies sont aussi une source d’inspiration pour ceux qui veulent transformer l’humain en vue des voyages spatiaux. Certains nanomatériaux sont capables de délivrer des médicaments pour traiter des maladies osseuses ou pour régénérer les os. Bien utile dans l’espace. D’autres nanomatériaux pourraient être utilisés pour protéger la peau humaine contre les radiations dangereuses. Ces matériaux seraient soit ajoutés en surface comme une sorte de nanocombinaison, soit intégrés dans notre peau et en faire partie prenante. Autre solution apportée par des nanomachines : les respirocytes. Elles pourraient apporter de l’oxygène aux tissus de l’organisme d’une façon beaucoup plus efficace que nos bons vieux globules rouges. Et pourquoi pas remplacer nos poumons ?
 
Ray Kursweil, un des papes du transhumanisme, actuellement cadre dirigeant chez Google, y est allé aussi de ses spéculations : les nanotechnologies pourraient éliminer notre besoin de manger. En effet, selon lui, des machines moléculaires minuscules pourraient être utilisées pour délivrer à volonté les éléments nutritifs à nos cellules. Pour que cela fonctionne, les futurs astronautes seraient équipés d’une « ceinture de nutriments » chargée de milliards de nanorobots équipés de leur cargaison de nourriture.
 

La force de l’évolution

Ainsi, nombreux sont ceux qui croient dur comme fer que les technologies pourraient venir à bout des écueils majeurs d’un séjour sur Mars. Mais d’autres spécialistes parient sur les forces de la nature. L’évolution en est une qui pourrait agir beaucoup plus rapidement qu’on ne l’imagine pour transformer les humains extraterrestres. C’est ce que pense une sommité internationale en matière d’évolution, le professeur Solomon, biologiste de l’évolution à l’Université Rice.
 
Selon lui, malgré toute la débauche de moyens techniques mis en œuvre pour adapter l’homme au nouvel environnement martien, il faudra quand même se poser la question de la façon dont ces colons martiens évolueront naturellement. Comment, à court et moyen terme, des mutations commenceront à se répandre dans leur patrimoine génétique.
 
En janvier 2018, le professeur Solomon avait donné une conférence à Houston qui fit sensation. Il y décrivait les changements évolutifs que les premiers colons martiens pourraient probablement connaître. Après environ deux générations, il pense que leurs os se renforceront, qu’ils auront besoin de systèmes correctifs pour la myopie, que leur système immunitaire sera nul, que la grossesse et l’accouchement seront beaucoup plus périlleux et que l’exposition aux rayonnements – plus de 5 000 fois la quantité à laquelle nous sommes exposés sur Terre pendant une vie normale – pourrait entraîner une multiplication de cancers.
Dans une interview publiée ce 18 mai dans la Revue Inverse, le scientifique précise que, le processus évolutif jouant, des mutations vont apparaître pour favoriser ceux qui résistent le mieux. « L’évolution est plus rapide ou plus lente selon l’avantage qu’il y a à avoir une certaine mutation », affirme le professeur Solomon. Les humains vivant sur Mars développeront des mutations qui augmentent leur chance de survie. Dans cet environnement, « ces gènes mutants se transmettront à un rythme beaucoup plus élevé qu’ils ne l’auraient fait autrement ».
 
Sur Terre, chaque nouveau bébé naît avec entre 20 et 120 nouvelles mutations génétiques ; un nombre qui, selon Solomon, atteindra des milliers sur Mars. En mutant, les humains sur Mars obtiendraient des avantages cruciaux qui leur sauveraient la vie pour faire face à la planète rouge : un teint de peau différent pour se protéger des radiations, un besoin de moins d’oxygène pour s’adapter à la mince atmosphère, des os plus denses pour compenser la perte de calcium pendant la grossesse.
Les colons martiens seraient ainsi devenus, en l’espace de quelques générations, si différents que le contact avec les Terriens pourrait même être mortel pour les Martiens – et vice versa.
 

Ironie de l’histoire

Ironie de l’histoire, si nous allons sur Mars pour échapper à une Terre devenue inhabitable, le seul moyen d’assurer la survie à long terme de l’espèce humaine pourrait aboutir à développer une espèce radicalement différente. Se projetant encore plus loin, le professeur Solomon affirme : « Si nous finissons par coloniser des mondes multiples disséminés dans la galaxie, au fil du temps, nous pourrions assister à l’évolution d’une pléthore de nouvelles espèces humaines ».
 
Ces rêves ou cauchemars de nouvelles espèces humaines intergalactiques fuyant une Terre que les humains d’origine auraient rendue inhabitable suscitent une toute petite question : si nous sommes capables de modifier des hommes pour les envoyer ailleurs, ne pourrait-on pas modifier un tout petit peu l’intelligence des humains actuels pour qu’ils prennent conscience de la catastrophe annoncée et prennent enfin des mesures appropriées ? Juste quelques neurones de plus qui éviteraient de longs et coûteux voyages intersidéraux.
 
 
Image d’en-tête tirée du film Seul sur Mars de Ridley Scott avec Matt Damon, 2015.
 

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