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guerre de l'espace

La guerre aura lieu dans l’espace. Elle a peut-être déjà commencé

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Ce samedi 13 juillet, devant un parterre de militaires de haut rang réunis à l’Hôtel de Brienne, le président Emmanuel Macron a annoncé la création d’un nouveau corps d’armée dédié à l’espace. Un grand commandement de l’espace sera créé en septembre prochain au sein de l’armée de l’Air qui deviendra Armée de l’Air et de l’Espace.
Alors que l’on s’apprête à commémorer les premiers pas de l’homme sur la Lune, que les fusées se bousculent au portillon de l’espace, que notre société dépend plus que jamais des réseaux de satellites et que des ressources précieuses sont découvertes dans les astres, cette annonce présidentielle n’augure rien de bon. L’espace, jusqu’ici terrain neutre de l’humanité, s’apprête-t-il à devenir le nouveau champ de batailles ?
 
« Pour assurer le développement et le renforcement de nos capacités spatiales, un grand commandement de l’espace sera créé en septembre prochain » au sein de l’armée de l’Air qui « deviendra à terme l’armée de l’Air et de l’Espace », a déclaré le chef de l’État lors de la traditionnelle réception donnée par le ministère des Armées à la veille de la parade sur les Champs-Élysées.
Qualifiant l’espace de « véritable enjeu de sécurité nationale, par la conflictualité qu’il suscite », Emmanuel Macron avait assuré l’an dernier vouloir doter la France d' »une stratégie spatiale de défense« . Celle-ci est désormais prête, a-t-il affirmé samedi 13 juillet.
 
« La nouvelle doctrine spatiale et militaire qui m’a été proposée par la ministre (des armées Florence Parly, ndlr), que j’ai approuvée, permettra d’assurer notre défense de l’espace et par l’espace », a-t-il souligné. « Nous renforcerons notre connaissance de la situation spatiale, nous protègerons mieux nos satellites, y compris de manière active », a-t-il assuré en affirmant que « les nouveaux investissements indispensables seront décidés », tout en laissant le soin à Florence Parly d’annoncer prochainement plus en détail la traduction concrète des orientations stratégiques présidentielles.
 

L’espace, un théâtre hautement stratégique

Espionnage, brouillage, attaques cyber, armes antisatellites… L’espace, indispensable aux opérations militaires, est devenu un champ de confrontation entre nations, mettant la France au défi de muscler ses capacités dans ce théâtre hautement stratégique et de plus en plus militarisé. Les plus grandes puissances spatiales mondiales — Etats-Unis, Chine et Russie — sont engagées depuis plusieurs années dans une course pour la domination de l’espace.
 
Il y a presque tout juste un an, le président Trump déclarait, lors d’une réunion du Conseil national de l’espace : « Je demande au ministère de la Défense et au Pentagone d’entamer immédiatement le processus nécessaire à l’établissement d’une force spatiale en tant que sixième branche des forces armées ». Les Américains sont sensibles à la menace que font peser la Chine, la Russie et d’autres puissances avec leurs armes antisatellites. Les services secrets sont persuadés que Moscou et Pékin ont déjà mis au point des missiles spatiaux et des armes de destruction de satellites. La menace est de taille car nos sociétés hyper-technologiques dépendent pour une large part des satellites : de communication, d’observation, météorologiques, scientifiques, GPS, etc. Or un satellite qui navigue dans l’espace est, par nature, fragile et désarmé.

LIRE DANS UP’ : L’Amérique de Donald Trump veut se doter d’une armée de l’espace. Enjeux et dangers.

Le grand embouteillage

Les prédictions américaines étaient loin d’être fantaisistes. En effet, en mars 2019, le Premier ministre indien Narendra Modi fanfaronnait à la télévision en annonçant la réussite d’un tir de missile vers un satellite en orbite. L’Inde entrait ainsi, elle aussi, dans le club très fermé des nations capables de mener la guerre de l’espace. Le problème c’est que le missile indien a bien détruit le satellite cible mais en le volatilisant façon puzzle dans l’espace. Des centaines de débris, filant à la vitesse sidérale de 7.8 km à la seconde, menaçaient les astronautes de la station spatiale internationale. Quand on sait qu’un débris de 10 cm peut causer des dégâts critiques, on comprend la colère des grandes agences spatiales mondiales.

LIRE DANS UP’ : Oups ! L’Inde envoie un missile détruire un satellite et met en danger la station spatiale

D’autant que l’espace est en passe de devenir le lieu d’un grand embouteillage. Jamais l’on n’a autant lancé de fusées porteuses de satellites mis en orbite. Ce ne sont plus seulement les agences gouvernementales comme la NASA ou l’ESA qui envoient des fusées. Des acteurs privés se sont précipités sur ce marché juteux et notamment les milliardaires Elon Musk et Jeff Bezos. Ce qui a conduit Donald Trump à lâcher : « les milliardaires adorent les fusées ». Pour une fois, il n’exagère pas.
 

Force de l’espace

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la décision de la France de se doter, elle aussi, d’une armée de l’espace. La France réfléchit en effet à placer des armes dans l’espace, afin de pouvoir exercer son droit à la légitime défense en cas d’agression. « Placer une arme dans l’espace à des fins non agressives n’est pas en soi interdit, selon notre lecture du Traité de l’espace », expliquait à l’AFP le général Michel Friedling, qui dirige le commandement interarmées de l’espace (CIE), durant une audition au Sénat en février dernier, précisant que c’est plutôt « l’usage qu’on en fait (qui) peut être prohibé ».
En clair : la France, tout en refusant de se lancer dans une course aux armements spatiaux, pourrait, selon « le principe onusien du droit à la légitime défense », se doter de systèmes d’autodéfense, se donnant ainsi la capacité de réagir en cas d’agression de la part d’un autre objet en orbite.
 
Cette nouvelle capacité pourrait prendre plusieurs formes. Soit via des équipements embarqués sur de prochains satellites comme des armes à énergie dirigée (lasers), des faisceaux à micro-ondes, ou encore des armes à impulsion électromagnétique, soit via un drone spatial agile capable, de passer plusieurs mois à évoluer sur les orbites basses pour y mener des opérations sensibles.
 
La Loi de programmation militaire française 2019-2025 prévoit un budget de 3,6 milliards d’euros pour le spatial de défense. Il doit notamment permettre de financer le renouvellement des satellites français d’observation CSO et de communication (Syracuse), de lancer en orbite trois satellites d’écoute électromagnétique (CERES) et de moderniser le radar de surveillance spatiale GRAVES.
Au Salon aéronautique du Bourget, en juin dernier, Florence Parly avait annoncé que la France allait lancer des études portant sur les prochaines générations de satellites militaires d’observation optique et de renseignement électromagnétique. L’un des programmes, baptisé « Iris », aura vocation à succéder aux satellites d’observation optique CSO dédiés à la défense et à la sécurité, dont le premier a été mis en orbite en décembre dernier. L’autre programme, du nom de « Céleste », est destiné à succéder aux satellites CERES de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM).
 

Pearl Harbour spatial

 « Les grandes puissances spatiales améliorent leurs capacités et développent des systèmes visant la conduite d’actions dans l’espace », a martelé le général Friedling. En se dotant de capacités extra-atmosphériques, les armées des pays concernés espèrent non seulement agir dans l’espace, mais aussi réduire l’efficacité des armées ennemies sur terre, sur mer et dans les airs. Une perspective qui avait poussé l’administration Bush à évoquer dès 2001 « un risque de Pearl Harbor spatial ». En cas de conflit impliquant des nations spatiales, « il est plausible que n’importe quelle entrée en matière se fera là-haut », expliquait fin 2018 au Point le colonel Vinçotte, expert de l’espace au Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes.

LIRE DANS UP’ : La paix dans l’espace est-elle menacée ?

Pourtant l’espace, depuis 1967 déjà, est protégé par un traité international, initié en pleine guerre froide par John Kennedy. Ce texte établit le principe de non-appropriation et d’interdiction des armes de destruction massive en orbite. D’autres traités, cinq au total, ont depuis suivi. Mais aucun n’envisage l’utilisation de méthodes offensives visant à provoquer des destructions ou des interférences par le biais de satellites. Aucun texte n’a imaginé ce qu’il est possible de faire aujourd’hui dans le domaine de la guerre spatiale. Le professeur Dale Stephens, l’un des grands spécialistes de la question, évoque à cet égard « les missiles antisatellites, les armes à énergie dirigée (y compris les lasers), la guerre électronique (exploitation des émissions radioélectriques d’un adversaire), la cyberguerre et certaines technologies à usage dual, telles que les infrastructures en orbite destinées à la maintenance des satellites. »
 
Les dégâts causés par de telles interventions militaires pourraient être gravissimes pour l’économie et le fonctionnement des États visés. Un seul chiffre illustre cette dépendance aux technologies de l’espace : 6 à 7 % du PIB des pays occidentaux dépend aujourd’hui de la navigation GPS par satellite.
Alors, quand la Chine a démontré, en 2007, sa capacité à détruire l’un de ses vieux satellites à l’aide d’un missile intercepteur tiré depuis le sol, les militaires du monde entier ont frémi. Plus récemment, la Russie a lancé dans le plus grand secret son satellite Kosmos 2499. Celui-ci a la particularité de se déplacer sur son orbite pour se rapprocher d’un débris d’une fusée à la dérive. De là à alimenter le soupçon de l’expérimentation d’un « tueur de satellite », il n’y a qu’un pas.
 

Ruée vers l’espace

Théâtre d’opérations militaires, l’espace est aussi un théâtre d’ambitions industrielles. Notre système solaire est rempli de millions d’astéroïdes, des mondes rocheux dont la taille varie de quelques mètres à des centaines de kilomètres de diamètre. La majorité des astéroïdes se trouve dans ce que les astronomes appellent la Ceinture d’astéroïdes, située entre les planètes Mars et Jupiter. Ces objets sont, pour beaucoup, des restes de la formation précoce du système solaire. Les astéroïdes regorgent pour certains de métaux rares et précieux. On y trouve du fer en abondance mais aussi des minerais rares dont l’industrie des hautes technologies est particulièrement friande : du cobalt, du titane, de l’antimoine, du tungstène, du thorium, du silicium…

LIRE DANS UP’ : Le Sénat américain vote l’exploitation commerciale de l’espace. Bienvenue dans le Far-West spatial

Sur ces morceaux de roches errant dans l’espace on pourrait trouver tout ce qu’il faut pour construire des stations spatiales, pour transformer l’eau qui s’y trouve en oxygène et hydrogène liquides, carburants des vaisseaux spatiaux. Et puis fantasme absolu, on y trouve de l’or.
Ces astéroïdes recèlent des fortunes. Le fer contenu dans l’astéroïde 16 Psychè vaut à lui seul environ 10 quintillions de dollars. Ce chiffre ne vous dit rien ; c’est normal parce qu’il s’écrit avec un nombre impressionnant de zéros : 10,000,000,000,000,000,000 $. Comment les scientifiques – en l’occurrence, la NASA – sont-ils parvenus à cette évaluation ? Ils ont estimé à quelques kilos près que cet astéroïde contenait 17,000,000,000,000,000 de m3 de fer (17 millions de km3). À 80 € la tonne, faites le calcul.
 
Toujours selon la NASA, si nous parvenions à extraire tous les minéraux présents dans les astéroïdes entre Mars et Jupiter, cela permettrait de faire un chèque de 100 milliards de dollars à chaque être humain vivant sur Terre ! Malheureusement, ce calcul n’est que théorique car même si ces sommes astronomiques étaient avérées, il y a peu de chance que la manne soit redistribuée aussi généreusement… Mais on peut toujours rêver.
 
Toujours est-il que les convoitises sont attisées. Les agences gouvernementales de l’espace sont ainsi rejointes par une myriade de sociétés privées dont certaines, comme Space X du milliardaire Elon Musk, viennent de prouver leur capacité à envoyer des fusées géantes dans l’espace et de les faire revenir sur Terre. L’espace est devenu le nouvel Eldorado où l’enjeu de l’appropriation des ressources fait tourner les têtes.
 
Face à ces enjeux et ces dangers, l’idée d’une force militaire de l’espace se pare de la plus grande des évidences. Et l’hypothèse de guerres de l’espace n’est plus un sujet de science-fiction. Pourtant…
Le 23 juillet prochain, la jeune égérie des lycéens, prophète du climat, Greta Thunberg, viendra parler à l’Assemblée nationale française et rencontrera sans doute le président de la République. Ce dernier lui dira qu’en créant une force là-haut, dans l’espace, il veut protéger ses concitoyens et assurer aux générations futures un avenir sûr et serein. Elle lui répondra qu’il a sans doute raison, mais que la guerre la plus urgente se déroule ici-bas, les pieds sur la Terre, notre seule planète.
 
 

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