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thérapie passive par anticorps

Le sang des patients guéris du coronavirus pourrait protéger l’humanité contre la pandémie

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Des scientifiques d’un des centres d’épidémiologie les plus en pointe au monde, l’université américaine Johns Hopkins, viennent de publier un article qui ouvre des perspectives inespérées dans ces temps moroses d’épidémie. Ils expliquent comment les anticorps viraux, contenus dans le sérum sanguin de patients guéris du coronavirus, pourraient ensuite être injectés à d’autres personnes, leur offrant ainsi une protection à court terme. Ce remède médical – appelé thérapie passive par anticorps – remonte à la fin du XIXe siècle et a été largement utilisé au cours du XXe siècle pour aider à endiguer les épidémies de rougeole, de poliomyélite, d’oreillons et de grippe. Il pourrait être un outil crucial et pratique aujourd’hui dans la lutte contre le COVID-19, d’autant que ces thérapies à base d’anticorps pourraient être mises à disposition en urgence.

Les anticorps sont des protéines que le système immunitaire fabrique pour désactiver des vecteurs pathogènes : bactérie, toxine ou virus. L’idée d’injecter ces anticorps présents dans le sang de personnes infectées mais guéries à d’autres individus malades ou fragilisés, pour les aider à se protéger de la maladie, n’est pas nouvelle. Le tout premier prix Nobel de médecine fut attribué en 1901 à un médecin allemand, Emil von Behring, qui avait mis au point la « sérothérapie », un traitement consistant à utiliser le plasma de patients guéris. La technique fut largement utilisée au début du XXe siècle pour endiguer les épidémies de rougeole, de poliomyélite, d’oreillons et de grippe. L’arrivée des antibiotiques dans les années 1940 relégua cette technique aux oubliettes de l’histoire de la médecine.

Une thérapie qui pourrait être déployée très rapidement

Mais tout comme il nous a aidé auparavant, ce type de traitement pourrait revenir sur le devant de la scène et devenir un outil crucial et pratique aujourd’hui dans la lutte contre le COVID-19. C’est ce qu’affirme ce 13 mars une équipe de l’université Johns Hopkins dans une nouvelle étude. L’un des auteurs, l’immunologiste Arturo Casadevall précise : « Le déploiement de cette option ne nécessite aucune recherche ni développement. Elle pourrait être déployée en quelques semaines puisqu’elle s’appuie sur les pratiques habituelles des banques de sang ».

Pour que le traitement soit efficace, les patients atteints du coronavirus devront donner leur sang après leur rétablissement du COVID-19 et pendant leur convalescence. Pendant cette phase, le sérum sanguin contient de grandes quantités d’anticorps naturels produits pour combattre le coronavirus.

Une fois que l’organisme les produit en réponse à des agents pathogènes, ces anticorps peuvent rester en circulation dans le sang pendant des mois, voire des années, après une infection. Mais ces anticorps ne sont pas seulement utiles à la personne guérie. Si nous les extrayons et les transformons, les anticorps peuvent être injectés à d’autres personnes pour apporter un bénéfice à court terme ; cela pourrait être utilisé pour les patients à risque grave, les membres non infectés de la famille d’un patient infecté, ou pour renforcer l’immunité du personnel médical en cas de plus grande exposition à l’agent pathogène.

« L’administration passive d’anticorps est le seul moyen de fournir une immunité immédiate aux personnes sensibles », expliquent les chercheurs dans leur article. « Selon la quantité et la composition des anticorps, la protection conférée par l’immunoglobuline transférée peut durer de quelques semaines à plusieurs mois ».

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En utilisant des techniques modernes de banque de sang – qui permettent de dépister d’autres types d’agents infectieux qui pourraient être contenus dans le sang – la thérapie est sans doute à faible risque pour les personnes en bonne santé, affirment les chercheurs, surtout en comparaison avec les menaces inhérentes à l’épidémie de COVID-19, pour laquelle il n’existe actuellement aucun vaccin ou médicament.

Il y aura un nombre important de patients guéris du coronavirus qui pourront fournir leur sang

Dans ce contexte, l’équipe propose que l’utilisation de sérums de convalescence soit considérée comme une réponse d’urgence pour aider à protéger contre le COVID-19, tout comme elle a été testée contre d’autres maladies à coronavirus de ce siècle, notamment le SRAS1 et le MERS. Bien sûr, le COVID-19, étant une pandémie, est à une échelle beaucoup plus grande que ces épidémies de moindre envergure – mais cette triste réalité aidera en fait à la fabrication de sérums de convalescence : il y aura un nombre beaucoup plus important de patients guéris du coronavirus qui pourront fournir leur sang.

Au moment où nous écrivons ces lignes, plus de 78 000 personnes se sont déjà remises du COVID-19, selon les dernières statistiques de l’Université John Hopkins sur l’épidémie (qui sont mises à jour quasiment en temps réel) ; leur sang pourrait facilement aider à fabriquer des anticorps vitaux pour d’autres personnes, alors que d’autres types de traitements antiviraux et un vaccin très attendu devraient prendre beaucoup plus de temps à être développé.

« En plus des protocoles d’endiguement et de distanciation sociale, cela pourrait être notre seule option à court terme pour traiter et prévenir le COVID-19 ; nous pourrions commencer à le mettre en place dans les prochaines semaines », déclare M. Casadevall.

Mike Ryan, le chef du programme d’urgence de l’OMS, affirme que le plasma de convalescence est un « domaine de recherche très important à mener comme traitement potentiel pour les patients atteints de Covid-19. Il doit être administré au bon moment car il éponge le virus dans le système et donne au système immunitaire du patient un coup de pouce vital au moment où il en a le plus besoin. »

Cette technique a été utilisée par les médecins chinois dans leur lutte contre le coronavirus. En février, des médecins de Shanghai ont mis en place une clinique spéciale pour administrer du plasma de convalescence afin de sélectionner les patients nouvellement infectés par le coronavirus. « En Chine, nous n’avons eu que des rapports non officiels faisant état de résultats encourageants. Rien n’a encore été publié », a déclaré Greg Poland, médecin et expert en maladies infectieuses à la Clinique Mayo de Rochester, dans le Minnesota. « Mais cette approche vaut certainement la peine d’être essayée ».

D’ailleurs, ce 12 mars, le quotidien chinois Global Times annonçait qu’un avion avait décollé de Shanghai à destination de Rome avec, à son bord, du personnel soignant et « 31 tonnes de matériel médical, incluant du plasma de patients guéris du coronavirus, afin d’aider l’Italie à combattre la pandémie de COVID-19 ».

La course au médicament

Plusieurs laboratoires travaillent sur des traitements inspirés par cette technique. C’est le cas de la société japonaise Takeda qui fabrique déjà un médicament appelé immunoglobine intraveineuse, ou IVIG, qui permet de traiter des patients souffrant de troubles immunitaires. Il s’agit d’anticorps de tous types, purifiés à partir du plasma sanguin de personnes en bonne santé. Donner des anticorps sous cette forme purifiée est plus facile, car cela nécessite un volume de traitements beaucoup plus faible ; c’est plus sûr, car il n’y a aucune chance de transmettre d’autres virus ; et c’est plus efficace.

Avec son nouveau traitement, TAK-888, Takeda espère créer une IVIG à partir du sang de personnes qui ont été infectées par le coronavirus et qui se sont rétablies. Cela pourrait créer un traitement ou un prophylactique relativement rapidement. Il ne sera peut-être pas nécessaire de passer par des études de phase 1 pour démontrer la sécurité de base, ou par des études de phase 3 plus importantes pour démontrer l’efficacité. Cela signifie que le traitement pourrait être disponible plus rapidement.

Un autre laboratoire, Regeneron, travaille avec Sanofi sur un mélange d’anticorps fabriqués pour attaquer le coronavirus. Vir Biotechnology, une autre entreprise de biotechnologie américaine, a annoncé avoir signé une collaboration avec le Chinois Wuxi Biologics pour développer une approche similaire.

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La technique du plasma de convalescence suscite des espoirs mais comment se positionne-t-elle par rapport à un vaccin ? Le principe d’un vaccin est de présenter des microbes affaiblis ou morts – voire même des fragments de microbe – au système immunitaire afin que celui-ci apprenne à fabriquer ses propres anticorps.  Les vaccins fonctionnent en apprenant à l’organisme à fabriquer ses propres anticorps contre un agent infectieux sans qu’une personne ne soit jamais infectée. C’est pourquoi ils comptent parmi les armes les plus puissantes en matière de santé publique.

Mais Geoffrey Porges, un analyste de la banque d’investissement SVB Leerink, qui a travaillé dans la division des vaccins de Merck dans les années 1990, a déclaré qu’il pensait que la création d’un vaccin pourrait être plus difficile que ce à quoi les entreprises s’attendent, car la compréhension des mécanismes de ce coronavirus n’est tout simplement pas encore complètement maîtrisée. « Il faut en quelque sorte avoir une compréhension fondamentale de l’immunologie et du virus avant de pouvoir développer un vaccin« , a-t-il affirmé.

De nombreuses entreprises, dont la société de biotechnologie Moderna et les grandes sociétés pharmaceutiques Johnson & Johnson et Sanofi, travaillent d’arrache-pied pour développer rapidement un vaccin. Mais leurs recherches n’aboutiront pas avant plusieurs mois ou années. C’est pourquoi le plasma de convalescence pourrait constituer notre défense de première ligne pour les personnes atteintes de Covid-19, en particulier celles qui sont plus âgées et présentent un risque beaucoup plus élevé de complications.

Dans tous les cas, toutes les pistes de traitement contre le coronavirus, que ce soit celle des médicaments antiviraux comme le remdesivir, les vaccins ou les injections de plasma sont actuellement utiles et doivent être menées à fond tant l’urgence de gagner la guerre contre le coronavirus grandit chaque jour.

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