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Les abeilles, des ouvrières jetables ?

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On a beaucoup parlé des abeilles ces dernières années : des colonies entières meurent en effet inexorablement et mystérieusement. Jusqu’ici, on s’interrogeait sur les causes de cette disparition massive. Des recherches, des études, des expériences ont été effectuées partout dans le monde. En vain.  Remplacerons-nous bientôt les abeilles par des abeilles génétiquement modifiées ou des abeilles-robots ?  

Des études récentes ont démontré qu’un acarien appelé varroa destructor était en partie responsable de cette hécatombe. Mais les abeilles sont aussi menacées à l’échelle planétaire par la pollution, les maladies, la réduction de leur milieu naturel et les pesticides. Des dangers mortels auxquels est venu s’ajouter cet acarien parasite qui provoque une véritable catastrophe dans les ruches. On estime aujourd’hui que la moitié des colonies d’abeilles a disparu ces dernières années en Europe et en Amérique. Quelles sont aujourd’hui les innovations pour endiguer ce phénomène dramatique pour la planète et pour l’homme ?

« Si l’abeille venait à disparaître, l’Homme n’aurait plus que quelques années à vivre » Albert Einstein.

Un insecte utile

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L’abeille fait du miel et assure la pollinisation de nombreuses plantes importantes dans l’agriculture. Les abeilles sont donc essentielles pour l’agriculture qui nourrit l’homme. Un tiers des espèces végétales est en effet pollinisé par cet insecte très utile. On estime que sa disparition coûterait au secteur agricole 160 milliards d’euros à l’échelle mondiale.

Les composants génétiques de l’abeille

Sur le plan de la recherche, après la mouche à vinaigre, le moustique anophèle vecteur du paludisme et le ver à soie, l’abeille est le quatrième insecte à avoir vu son génome entier décrypté. Cet effort international permet de disposer du code génétique du premier animal – hormis l’être humain – ayant développé une organisation sociale très structurée. Evgeny Zdobnov, professeur adjoint au Département de médecine génétique et développement, a contribué à ce travail.

L’Apis mellifera en particulier fait partie d’une ancienne lignée d’abeilles qui aurait vécu en Eurasie tropicale et aurait atteint l’Europe il y a 10 000 ans. Ensuite, étant donné sa capacité à fabriquer du miel, l’homme l’a emporté partout avec lui dans sa colonisation de la planète.

rucheC’est l’importance de l’abeille pour l’agriculture et l’économie, en raison de son pouvoir de pollinisation et de production de miel, qui a motivé le décryptage de son génome. D’autres arguments étaient son organisation sociale très structurée, essentielle à l’ordre social humain, et les problèmes de santé publique posés par l’abeille tueuse (Apis mellifera scutellata) venue d’Afrique et qui colonise le continent américain depuis son introduction au Brésil en 1956.

Avec ses seize chromosomes – contre quatre seulement chez la mouche –, l’abeille a donné du fil à retordre aux généticiens. En raison de nombreuses répétitions dans le code, de grandes plages du génome n’ont pas pu être proprement décryptées. Par conséquent, les 10 000 gènes actuellement référencés (l’être humain en possède 20 000 environ et la mouche 14 000) pourraient être plus nombreux.

Les gènes de cet insecte producteur de miel présentent davantage de similarités avec ceux de l’être humain et des vertébrés en général qu’avec ceux d’autres insectes. Que l’on trouve des gènes similaires, voire identiques, entre différents organismes vivants n’est pas une surprise en soi. Tous les animaux, par exemple, possèdent un pot commun de gènes dits orthologues, qui n’ont que peu changé au cours de l’évolution. Près de 60% des gènes humains possèdent ainsi des «équivalents» chez les insectes. «Il n’y a rien de surprenant à trouver des ressemblances génétiques entre l’abeille et l’être humain, même si nos routes évolutives se sont séparées il y a 600 millions d’années environ, explique Evgeny Zdobnov. Mais ce qui est frappant, c’est que certains des gènes de l’abeille ressemblent plus à leurs équivalents humains qu’à ceux de la mouche ou du moustique. »

L’agriculture intensive tue l’abeille

agricultureintensiveLes abeilles sont fragilisées par l’action de la chimie sur l’environnement. Il ne suffit pas d’incriminer les virus dans l’hécatombe actuelle. Les virus ont toujours existé, l’abeille aussi, bien avant l’apparition de l’homme ! 

Les pratiques agronomiques devenues dépendantes de la chimie renforcent à la fois la virulence de certains micro-organismes en provoquant des mutations et fragilisent les espèces, dont l’abeille. L’utilisation massive et systématique des pesticides réduit considérablement la biodiversité et les chaînes alimentaires.

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Le pesticide est par définition un tueur (-cide) : tueur d’insectes (insecticides), de végétaux (herbicides), de champignons microscopiques (fongicides), etc…, pouvant affecter l’abeille directement ou en perturbant gravement son écosystème.

De plus, si on laisse proliférer les OGM (87% des  Français s’opposent à leur dissémination dans l’environnement, tant que n’est pas rigoureusement démontré leur innocuité sur la santé humaine et animale, sur la chaîne alimentaire et sur l’environnement), le péril pesticides sera amplifié car ce sont des plantes à pesticides : elles peuvent secréter un insecticide ou/et concentrer sans en mourir un herbicide tel que le Round-up qui peut éradiquer tout végétal normal. Il s’agit d’un degré majeur de plus dans l’escalade pesticides, accélérant le processus de disparition de l’abeille, de manière directe ou indirecte.

champamandiersLes milliers d’hectares d’amandiers de Californie ne sont en réalité que des plantations artificielles. Chaque année, à l’époque de la floraison, la transhumance des abeilles commence : des milliers de ruches, de colonies, sont importées par camions entiers, telles des ouvrières agricoles. Peut alors commencer le travail de pollinisation à outrance. Car sans les abeilles, les exploitants verraient leurs récoltes totalement en deça des chiffres normaux de production. Les profits qu’ils peuvent faire se font sur le dos des abeilles. Et qu’importe si elles meurent de fatigue par milliers chaque saison, d’autres camions arrivent avec leur cargaison toute fraîche. (Source : reportage ARTE – 28 aôut 2012)

Pour aller plus loin /Dernières actualités sur les abeilles :

L’arrêté d’interdiction du Cruiser OSR paru au Journal Officiel – 26/07/2012

Stéphane Le Foll : un moratoire sur l’épandage aérien de pesticides sur du maïs… – 25/07/2012

La polémique sur les épandages aériens de pesticides est relancée – 20/07/2012

« Sale temps pour les abeilles ! », le retour – 20/07/2012

VNF rejoint le programme « Abeille sentinelle de l’environnement » de l’Unaf – 09/07/2012

L’abeille préfère la ville à la campagne

ruchevilleL’abeille des villes produit beaucoup plus de miel, et de meilleure qualité, que l’abeille des champs. Ce sont les entomologistes de l’université de Cardiff (pays de Galles) qui l’ont constaté, après deux années de comparaison. Il faut dire que notre butineuse est avantagée par la concentration et la variété des fleurs qu’elle trouve dans les jardins publics et privés. L’abeille des champs a des hectares à sa disposition, mais une fois l’unique floraison achevée, c’en est fini pour elle.

Voir les articles :  

– « Les abeilles emménagent en ville » : http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-locale/Beauvais-Clermont/Les-abeilles-emmenagent-en-ville

– « La ville d’Halluin fait son miel » : http://www.nordeclair.fr/Locales/Halluin/2012/08/08/la-ville-d-halluin-fait-son-miel.shtml

– « Les abeilles feront leur miel en ville » : http://www.paperblog.fr/3162522/les-abeilles-feront-leur-miel-en-ville

« Des abeilles et des hommes » : un film de Markus Imhoof qui sortira en mars 2013 :

Ce film rentre dans le vif du sujet : les abeilles malades de l’homme. Car ce sont les pratiques récentes des hommes qui menacent la survie de l’abeille. Voir cet article sur le film : http://encrer-le-monde.over-blog.com/article-des-abeilles-et-des-hommes-un-film-de-markus-imhoof-109408524.htm

L’abeille génétiquement modifiée pour garantir l’avenir de l’espèce

ronhoskinsUn apiculteur anglais de Swindon a récemment fait une découverte importante : Ron Hoskins a en effet mis en évidence une souche d’abeilles qui seraient résistantes à la varroase. Cette maladie est due au fameux parasite acarien originaire d’Extrême Orient. Dans les années 60 il s’est répandu au Japon et en Russie, puis en Europe et sur le continent américain. Cette espèce de punaise se nourrit du sang des abeilles et crée des blessures sur leurs corps qui favorisent les infections. Ils peuvent également transmettre des virus et des bactéries aux abeilles.

Ron Hoskins, apiculteur de 79 ans, a récemment découvert une espèce d’abeilles dont les individus se débarrassent les uns les autres des acariens qui les infestent. Hoskins a passé les 18 dernières années à identifier une lignée d’abeilles résistante à ce parasite qui a coûté la vie à des milliards d’abeilles dans le monde. Depuis, Hoskins a fécondé artificiellement des reines dans ses ruches dans l’espoir que cette caractéristique génétique se transmette aux générations suivantes.

Hoskins n’est pas le seul spécialiste qui essaye de découvrir une abeille résistante au varroa destructor. Aux États-Unis, des scientifiques ont également élevé des abeilles « hygiéniques » qui se nettoient les unes les autres.

francisraknietksDe son côté, Francis Ratnieks, le seul professeur d’apiculture en Angleterre fait le même type de recherches au sein de l’Université du Sussex. Les abeilles sur lesquelles il travaille nettoient les alvéoles de la ruche et les débarrassent des larves mortes où les acariens femelles aiment pondre leurs oeufs.

D’autres chercheurs britanniques ont mis au point une manipulation génétique qui permet de lutter contre le varroa destructor. Comme le parasite est devenu résistant au fil des années aux produits chimiques conçus pour le détruire, les spécialistes ont choisi d’utiliser la méthode RNAi qui permet d’inactiver un gêne ou son expression. Cette méthode consiste à introduire un petit morceau de code génétique dans un gêne de l’organisme, afin de supprimer ce gêne. Une façon originale de cibler les gênes qui sont vitaux pour les parasites et de provoquer ainsi leur mort.

Martin Smith, président de l’association des apiculteurs britanniques, qui financera la suite de ces recherches, explique qu’il est encore trop tôt pour affirmer avec certitude que les abeilles d’Hoskins sont la solution définitive à la mortalité des abeilles, mais qu’il s’agit d’une découverte fondamentale dans la lutte pour la destruction de l’acarien parasite.

Mais les « super abeilles» ont aussi leurs désavantages. D’après une étude américaine, elles seraient plus agressives et produiraient moins de miel. Et puis nous avons tous entendu parler des abeilles tueuses ; mais savons-nous tous qu’elle proviennent d’un accident de laboratoire de manipulation génétique ?

L’abeille électronique

L‘Institut national de recherche agronomique (Inra) d’Avignon a équipé des abeilles de puces électroniques RFID pour étudier leur comportement. Cette expérience a précisé l’impact des pesticides sur les butineuses, en confirmant le caractère multi-factoriel du déclin des abeilles. L’INRA a publié le 20 juillet dernier les résultats du projet BeeSpace chapeauté par l’université de l’Illinois qui montrent que la transformation de l’abeille nourrice en abeille butineuse est contrôlée par une même combinaison de gènes de leurs cellules cérébrales.

L’équipe de chercheurs a effectué ses travaux sur l’abeille domestique Apis mellifera et a pu obtenir de tels résultats grâce à des analyses moléculaires et au développement de nouveaux outils bio-informatiques qui permettent de mesurer l’intensité d’expression de gènes spécifiques.

Ces observations permettent de penser qu’un changement de comportement significatif est déclenché par la conjugaison complexe entre détermination génétique et facteurs environnementaux (déterminants sociaux, climatiques…) qui entraîne tous deux une modification de l’expression d’un même pool de gènes par des mécanismes moléculaires communs. (Source : http://www.actu-environnement.com).

Autre projet : le « Robotees ». C’est un projet d’ Harvard de création d’une colonie d »abeilles artificielles afin d’expérimenter et promouvoir plusieurs disciplines de la robotique. Plus précisemment, il est réalisé par la SEAS, le Northeastern University’s Department of Biology, et Centeye, une firme d’électronique de Whashington. D’autres instituts dont Wyss vont y collaborer également. Cette expérience permettra de mettre au point des algorithmes pour le contrôle de machines indépendantes fonctionnant en coordination. La connaissance acquise devrait faire avancer des sciences diverses, telles que l’entomologie, la biologie, la robotique.

Harvard deviendrait-elle la nouvelle ruche des abeilles du futur ? Les cerveaux d’Harvard basent leurs recherches sur le prototype de mouche robot de 60 milligrammes et de 3cm d’envergure qu’ils ont déjà depuis 2007 (et qui finalement ne sait pas encore voler). Mais la tâche la plus ardue sera de concevoir des capteurs intelligents imitant les yeux et les antennes, bref de re-créer certains aspects et comportements des colonies d’abeilles : l’intelligence collective.

 L’abeille-robot

Harvard s’est également lancée dans la fabrication de robots-abeilles avec un budget de 2 millions de dollars (1,5 million d’euros) par an, pendant cinq ans. Le but étant de polliniser les champs mais aussi de les surveiller. (L’autre utilité se situe dans le secteur militaire : reconnaissance, surveillance, repérage des personnes égarées).

Le « Mobee », véritable drone microscopique créé par la SEAS est un véritable insecte robot avec des caméras à la place des yeux, une pince et de quoi stocker des semences. Il se comporte de façon autonome et est capable de diriger une colonie complète d’abeilles.

 

Fortes de leurs 2,4 millimètres de long, ce sont des machines complexes fabriquées à partir de fibre de carbone, de Kapton (film plastique), de titane, de laiton, mais aussi de céramique, et de feuilles adhésives stratifiées dans un ensemble complexe découpé au laser.

Alors, quel avenir pour les abeilles ?

Si la diversité biologique est menacée, la diversité robotique est en pleine croissance. Nous ne ferons pas ici appel à l’éthique de la complexité, ce qui nous obligerait à examiner l’impact des robots dans leur ensemble. Mais en ce qui concerne les abeilles, seul l’impact écologique nous intéresse ici.

Pour reprendre les termes de Lylian LE GOFF, Médecin environnementaliste, Membre de FNE – Responsable de la mission biotechnologies : dossier OGM – Membre du Comité de veille écologique de la FNH** – Co-rédacteur du Pacte Ecologique :

fleurchamps« Pour remédier à l’hécatombe frappant l’abeille et, au-delà, aux dérives de l’agriculture intensive, il faut à tout prix remettre en cause notre système agronomique. Le respect des équilibres naturels, de la biologie des sols et des espèces, la lutte intégrée mise au point depuis des années par l’INRA, réduisent considérablement la dépendance aux intrants chimiques -l’agriculture biologique en témoigne !  Il est grand temps d’arrêter d’agresser la biodiversité, de tuer les abeilles et de scier la branche sur laquelle nous sommes encore assis. Le développement soutenable est la grande affaire du XXI ème siècle : que l’agriculture devienne « durable », notamment en étant solidaire de l’abeille ».

On ose à peine croire les chercheurs de Harvard quand ils soutiennent que leurs abeilles robots pourraient un jour avoir pour mission de remplacer les insectes amoureux des fleurs pour assurer la pollinisation des arbres fruitiers. Quiconque a déjà vu des abeilles à l’œuvre dans un pommier ou un cerisier en fleurs préférera mourir lui-même plutôt que de voir ces créatures ailées remplacées par un processeur associé à quelques capteurs d’odeurs ! Même ceux qui, comme les chercheurs de Harvard, considèrent les abeilles elles-mêmes comme des machines, y perdront au change, car ils ne parviendront pas à fabriquer des copies aussi belles que les originaux.

Quel est le vrai pourcentage de ressources consacré à la protection des abeilles par rapport à celui consacré à des solutions artificielles aux problèmes qui résulteront de leur disparition ? À la limite, on pourra peut-être confier à des entreprises du secteur informatique le soin d’assurer la pollinisation des vergers à haut rendement, mais qu’adviendra-t-il de toutes les plantes sauvages dont les fleurs ont besoin d’être pollinisées? Les abeilles sont un cas limite : ou bien il faut mobiliser des milliards et des milliards pour assainir les paysages qui ne leur conviennent plus, ou bien il faut se résigner à vivre sur une planète où il ne restera même plus assez de pétrole pour fabriquer des arbres de plastique ni même assez de terre rare pour fabriquer des robots miniatures.

On doit dire et penser la même chose de tous les services écosystémiques rendus par la nature. Il se trouve que la plupart de ces services, des fruits sauvages au trèfle des prairies, ont pour origine une fleur qui a besoin d’être pollinisée. S’engager en ce moment sur la voie des substituts artificiels est un choix. Est-il inquiétant ? Est-ce la bonne solution ?

{jacomment on}

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