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champignon CRISPR Yang

Un champignon modifié par CRISPR ouvre la voie à la dérégulation de l’édition des plantes

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La nouvelle est arrivée comme une lettre à la poste. Yinong Yang, chercheur en pathologies des plantes à l’Université de Pennsylvanie a reçu ce 13 avril un courrier lui confirmant que son champignon génétiquement modifié pourrait être mis sur le marché sans aucune obligation réglementaire. Cela semble fort banal, s’il ne s’agissait du premier feu vert donné à un organisme vivant modifié par la fameuse méthode CRISPR/Cas9. Derrière ce champignon de Yang, une kyrielle de légumes, arbres ou animaux vont pouvoir prétendre au même avantage : s’affranchir de toutes les contraintes réglementaires qui pèsent sur les organismes génétiquement modifiés (OGM).
 
Une aubaine pour tous les semenciers qui espèrent ainsi éviter les coûts exorbitants des dossiers d’enregistrement des OGM, qui peuvent s’élever à plus de 30 millions de dollars, selon Allen Van Deynze, du Centre de biotechnologies des plantes de l’Université de Californie à Davis. C’est cette raison d’ailleurs qui fait que Monsanto et les autres géants de la semence ne proposent plus de graines de légumes transgéniques. « Les marchés sont trop restreints, reconnaît Bill Johnson, sélectionneur chez Seminis, filiale de Monsanto. 

Magic mushroom ? 

Revenons à nos champignons. Chacun aime acheter ces légumes quand ils sont bien blancs. C’est justement pour conserver plus longtemps cette apparence, en évitant le brunissement que Yinong Yang a effectué quelques menues « corrections » sur le génome de ce thallophyte banal (Agaricus bisporus). Il a simplement enlevé un des six gènes qui produise  une enzyme, la polyphenol oxidase responsable du brunissement, obtenant une réduction de l’activité enzymatique de 30%. L’Agence chargée d’assurer la santé des plantes et des animaux (APHIS) « ne considère pas que les champignons blancs édités avec la méthode CRISPR/Cas9 décrite en octobre 2015 par le chercheur, aient besoin d’être réglementés » a indique le département américain de l’agriculture au chercheur Yinong Yang. Une des raisons de cette position est que le champignon ne contient pas d’ADN étranger issu de virus ou de bactéries. 

LIRE AUSSI DANS UP’ : CRISPR : Révolution dans l’histoire humaine ou méga bombe à retardement ? 

Il faut bien souligner ici l’avantage de l’édition de gènes par CRISPR/Cas9 : plus besoin de recourir à des vecteurs (virus ou bactéries) pour introduire de l’ADN dans les cellules. C’est pourquoi, les nouvelles techniques de sélection supplantent rapidement les vieux outils de génie génétique. 
 
 
Le champignon de Yang rejoint ainsi une trentaine d’autres organismes génétiquement modifiés  qui échappent au système de surveillance américain, souligne Emily Waltz, dans un article paru le 14 avril dans la revue Nature. Depuis cinq ans, ont en effet déjà été mis, hors réglementation OGM aux Etats-Unis,  une série d’organismes – pour la plupart des plantes – fabriqués avec d’autres techniques d’édition comme les nucléases à doigt de zinc (ZFN) ou les TALEN (nucléases activatrices de transcription). 
 

Comment classer les outils d’édition ? 

Cette décision survient alors que les Etats Unis sont en train de revoir leurs règles de régulation des OGM par un processus appelé « Coordinated Framework for Regulation of Biotechnology ». Un Comité a été constitué par les Académies des Sciences, des technologies et de la médecine pour présenter les produits biotechs à venir. Sa première réunion s’est tenue ce 18 avril. La question des critères reconnus collectivement pour classer un organisme comme OGM sera décisive : la nature de la modification (ajout ou suppression d’ADN, modulation d’expression), l’origine des séquences greffées (intra espèce ou pas), l’évaluation des effets dits collatéraux (off target), capacité de traçabilité pour la sécurité…
Il sera bien sûr question de savoir si la référence aux modes d’obtention est conservée ou bien si les pressions pour ne considérer que le produit final comme au Canada sont justifiées et peuvent gagner la partie. 
Dans ce jeu des parties prenantes, le Centre pour la sécurité alimentaire (Center for Food Safety) joue un rôle clé ralliant les activistes des Amis de la Terre, EcoNexus ou ceux du Centre pour la génétique et la société qui ont organisé le 14 avril une session d’information intitulée « GMO 2.0 : redésigner la vie, des plantes à l’homme ». Ces groupes revendiquent de considérer des critères d’usage et de développement de ces technologies. Ils demandent par exemple d’évaluer les systèmes complets de protection des plantes c’est-à-dire la plante anti-herbicide et son herbicide ou de prendre en charge les contaminations possibles vers les champs en agriculture biologique. 

Un fossé entre consensus scientifique et opinion publique 

L’an dernier un sondage réalisé par le Pew Research Center (think tank basé à Washington qui fournit des statistiques) a révélé que la moitié des Américains considèrent les OGM comme « non sûrs ». Par contre la population scientifique semble beaucoup plus rassurée que le grand public puisque le même sondage a montré que 88% des scientifiques voient les OGM sans crainte pour la santé. « Cet écart impressionnant entre le consensus scientifique et l’opinion publique – mélangé avec une grande méfiance vis-à-vis de Monsanto – empêche toute discussion sereine sur les avantages et les risques des modifications de génome, estime la journaliste du Washington Post, Rachel Feltman. Les organismes régulateurs devront aborder les risques cachés des OGM qui restent problématiques, en définissant des lignes directrices scientifiquement valables pour l’étude et la régulation de cultures CRISPR modifié ».
 
En France, l’Institut de biotechnologies vertes (IBV) a proposé de trier les techniques d’édition de gènes en reconnaissant le statut d’OGM aux plantes qui reçoivent un transgène par les méthodes ZFN ou TALEN ou qui sont le fruit d’une nouvelle combinaison génétique. Ce tableau de classification permet de positionner chaque technique par rapport à la directive européenne 2001/18/CE  (pour l’environnement) et le règlement européen 1829/2003/CE dédié à l’alimentation humaine et animale). Complexe, cette proposition semble susceptible d’induire quantité de litiges. Le chantier est ouvert en Europe avec un travail d’éclaireur qui a été fait par les Pays-Bas. 
La France a pris l’option de se référer à l’avis du Haut Conseil des biotechnologies – publié début mars – qui a été controversé et a occasionné le départ des associations du Comité économique, éthique et social. 
 
On n’a pas encore vu réapparaitre l’interrogation sur l’utilité des propriétés ajoutées aux plantes, qui occupait le devant des discussions sur les OGM des années 90. Il est toujours utile de s’interroger sur ceux qui bénéficient des « améliorations ». Le champignon CRISPR anti brunissement est-il si bon pour les consommateurs ? Car si l’apparence donnera à penser que le champignon est frais, les tissus n’en seront pas moins vieillissants. La qualité alimentaire passe-t-elle encore à l’as ?
 
 

The debate over genetically modified foods is about to get a lot more

 
 

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