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Déploiement de la télémédecine : aujourd’hui, quels sont les freins en France ?

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Les limites de la télémédecine semblent rester les mêmes depuis sept ans, malgré le décret n°2010-1229 du 19 octobre 2010 définissant ses actes ainsi que ses conditions de mise en œuvre et de prise en charge financière. Pourtant aujourd’hui, il n’existe plus aucun frein technologique, puisque des plateformes fonctionnelles et sécurisées ont vu le jour, mais des freins institutionnels et économiques. Si la France ne résout pas rapidement ces problèmes, le risque de voir des solutions étrangères prendre le pas et distancer les solutions françaises devient de plus en plus réel. Il est important d’apporter des solutions aux nombreuses limites que rencontrent les acteurs de la télémédecine en France. Quelles sont-elles et quelles solutions existent pour y répondre ?
 
Juanita vit à Formentera, une île de l’archipel des Baléares. Bien que Formentera attire tous les étés cinq fois sa population en touristes, l’accès aux soins spécialisés urgents y est un problème, car les résidents à l’année sont trop peu nombreux pour justifier que l’on dote l’hôpital local en personnel et en équipements hautement spécialisés nécessaires. Aussi, lorsque son mari a eu un accident vasculaire cérébral (AVC), Juanita a craint le pire.
Lorsqu’un AVC advient, chaque minute compte, et la survie du patient dépend de l’accès à des soins neurologiques le plus tôt possible après la manifestation des premiers symptômes. Comme de nombreux autres malades, le mari de Juanita a été traité avec succès dans le cadre du programme de traitement des AVC à distance mis en place aux Baléares en 2006. Grâce à l’utilisation de techniques de vidéo-imagerie avancées, du haut débit et de dossiers médicaux électroniques, les neurologues de la capitale, Palma, peuvent aujourd’hui sauver des vies à distance, avec une qualité de soins comparable à celle dont bénéficient leurs patients de Palma.
 
Pharmacien suédois, Jens a longtemps dû s’évertuer à déchiffrer l’écriture manuscrite des ordonnances, ces hiéroglyphes coutumiers de la profession médicale. Jens a désormais directement accès à un système d’ordonnances électroniques. Depuis qu’Apoteket, société publique distributrice de produits pharmaceutiques, a décidé, en 2001, d’étendre la prescription électronique à l’ensemble du pays, le traitement des ordonnances est devenu plus sûr, plus rapide et plus facile en Suède. Ce système a pratiquement éliminé les erreurs associées à la lecture des ordonnances manuscrites. Il offre d’autres garanties de sécurité, car il permet d’éviter la sur-prescription de médicaments, de signaler automatiquement les interactions médicamenteuses potentielles et de délivrer des médicaments génériques lorsque c’est possible. Globalement, la satisfaction des consommateurs a augmenté, et les médecins et les pharmaciens gagnent jusqu’à 30 minutes par jour grâce à ce système, permettant au personnel d’assurer de nouveaux services qui contribuent à diversifier les recettes des pharmacies.
 
Ces situations sont relatées par l’organe d’information de l’OCDE, l’Observateur OCDE, pour illustrer la manière dont une plus large utilisation des technologies de l’information et des communications peut améliorer la qualité des soins et en réduire les coûts.
 
Mais la mise en place de technologies de l’information dans le domaine de la santé n’est que la première étape d’un processus long et difficile. De fait, il est vrai que si les gains potentiels d’un plus large recours à ces technologies sont évidents depuis plusieurs années, la plupart des pays se heurtent encore à d’importants problèmes de mise en œuvre, et leur utilisation est beaucoup moins développée dans le secteur de la santé que dans de nombreux autres domaines.

 
Pour rappel, la télémédecine englobe cinq types d’actes médicaux :
– La téléconsultation pour permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. La présence d’un professionnel de santé peut assister le patient au cours de cette consultation.
– La télé expertise pour permettre à un professionnel médical de solliciter l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux experts à partir d’éléments du dossier médical du patient.
– La télésurveillance médicale : permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical du patient pour prendre des décisions sur sa prise en charge.
– La téléassistance médicale pour permettre à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel au cours de la réalisation d’un acte.
– La réponse médicale apportée dans le cadre de la régulation médicale (SAMU). 
 

Frein  n°1 : sortir des phases d’expérimentation pour passer (enfin) à la création d’usage

C’est un fait : le marché ne décolle pas en France, alors que le besoin est identifié et existe.
Depuis 2010, peu de projets « télémédecine » ont pu émerger : la plupart des initiatives se résument en projets pilotes. En effet, en 2013, 331 dispositifs de télémédecine ont été recensés (1), la plupart sous l’égide des agences régionales de santé (ARS).
À ce jour, peu de projets ont réussi l’épreuve de l’expérimentation. Si l’on veut pouvoir parler à un médecin en ligne et obtenir- le cas échéant une prescription médicale – il existe moins d’une petite poignée d’acteurs disposant des autorisations nécessaires pour cette activité à grande échelle.

Frein n°2 : libéraliser l’accès à la téléconsultation 

Si les expérimentations n’ont pas encore donné naissance à des champions de la télémédecine en France, c’est notamment en raison de fortes disparités sur la manière dont sont autorisés les différents projets. Les projets pilotes ne sont pas coordonnés et développés au niveau national : chaque Agence Régionale de Santé décide de l’orientation des projets sur son territoire. Par exemple, l’Île de France a accompagné la plupart des projets viables, quand d’autres ARS n’ont pas encore démarré leurs expérimentations… Ces dernières sont frileuses et voient d’un mauvais œil l’arrivée de sociétés privées sur le secteur. Elles ont bloqué l’accès à une autorisation d’exercer l’activité de télémédecine plutôt que d’accompagner son développement en l’encadrant et en profitant des études médico-économiques qui auraient pu être effectuées par ces sociétés éditrices de solutions technologiques.
Afin de donner une chance à tous les acteurs français, il est de la responsabilité du gouvernement de définir un cahier des charges communs à tous, quelle que soit leur implantation géographique. Comment ? En mettant fin à l’obligation de passer un contrat avec une Agence Régionale de Santé. Ces dernières pourront en revanche s’impliquer sur le suivi des projets et s’assurer que soient respectés les droits du patient, que soient protégées les données sensibles et que les professionnels exercent dans les meilleures conditions possibles à distance.

Frein n°3 : le problème du payeur, un modèle économique à trouver

Aujourd’hui, nous faisons face à trois problématiques :
•             les français sont habitués à ce que leurs frais de santé soient remboursés,
•             les ARS ne contractualisent que s’il n’y a aucun reste à charge pour les patients,
•             et enfin, les mutuelles ne sont pas favorables à rembourser des actes intégralement et ne voient pas quels avantages ils auraient à financer l’essor de la télémédecine en France.
Celles-ci constituent une barrière presque insurmontable pour l’émergence des projets de télémédecine. En effet, il faudrait pouvoir payer une infrastructure coûteuse (développement des plateformes sur des environnements sécurisés et hébergement agréés pour les données de santé) et des professionnels de santé qui répondent aux appels.  Que faire ? Attendre les résultats des votes du projet de loi de financement de la sécurité sociale et également l’issue des négociations entre les différents acteurs pour une prise en charge généralisée des téléconsultations.
Tous les acteurs de l’e-santé espèrent donc que ces négociations soient rapides et débouchent vers un remboursement des actes en ligne courant 2018 !
L’obligation qui est faite aux projets émergents de ne pas laisser de reste à charge pour le patient rend la compréhension de leur offre difficile.  À moins d’avoir passé des conventions de prise en charge avec des tiers payeurs (mutuelles, employeurs) pour pouvoir envoyer une ordonnance, ils ne peuvent proposer que des services de téléconseil. Les acteurs de la télémédecine reçoivent des demandes de patients qui ne comprennent pas les raisons de ces blocages et voudraient pouvoir parler à un médecin dans un délai très court et recevoir une ordonnance quand c’est nécessaire. Une demande simple à laquelle il est apporté une réponse incomplète et souvent incomprise.

Frein n°4 : des professionnels qui ne sont pas prêts ?

La transformation digitale de la médecine se développe rapidement à l’étranger mais peine à s’étendre en France.
Les professionnels de santé voient depuis longtemps émerger ces pratiques digitales mais ils n’arrivent pas à se projeter dans une pratique de la médecine à distance. S’ils doutent parfois de leur capacité à exercer leur art sans examen clinique, ils voient bien l’intérêt de la téléconsultation dans certains cas précis. En mettant à leur disposition des outils et des formations adaptées, et en prenant en charge le financement de ces actes, les médecins pourraient adhérer de plus en plus rapidement à la télémédecine.
Afin que la télémédecine puisse faire l’objet d’un déploiement réel en France, il faudrait traduire en actes les projets en cours qui répondent aux problématiques d’accès aux soins de premier recours en facilitant la téléconsultation.  Il en ressort donc deux urgences : mettre en place un cadre réglementaire unique, applicable à tous, et rembourser les téléconsultations en dehors des cadres expérimentaux actuels.
 
Mathilde Le Rouzic, co-fondatrice de Hellocare
 
 

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