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Vaccination : 7 grandes questions que l’on est en droit de se poser

Vaccination : 7 grandes questions que l’on est en droit de se poser

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Les annonces de ces derniers jours sur les résultats des premiers vaccins suscitent beaucoup d’espoir. Ils sont comme une lueur au bout du tunnel de cette pandémie. Les scientifiques ont réalisé la prouesse de créer un vaccin en quelques mois seulement. C’est une performance qu’il convient de saluer à se juste mesure. Mais plusieurs questions sont sur toutes les lèvres. Elles ne touchent pas seulement à l’efficacité des candidats vaccins mais aussi à la mise en œuvre de la vaccination elle-même. Sept grandes questions que l’on est en droit de se poser.

Comment interpréter le taux d’efficacité des vaccins annoncés ?

Depuis les premières annonces sur les potentiels vaccins, c’est la valse des chiffres : 95%, 94.5 %, 70%…

Mais que signifient-ils ? Le taux d’efficacité d’un vaccin mesure sa capacité à prévenir une maladie dans le cadre d’un essai clinique. Ceci signifie que plus un vaccin est proche de 100%, plus il permet de garder les personnes vaccinées en bonne santé. Donc, pour le moment, les vaccins annoncés seraient bien efficaces pour prévenir la maladie.

Certes il reste une foule de questions sur le fonctionnement exact de ces nouveaux vaccins et leurs effets sur la population. Tant qu’une grande partie de la population ne sera pas vaccinée, nous n’aurons pas de réponses définitives à ces questions.

Parmi ces questions, celle concernant l’immunité stérilisante totale procurée par le vaccin reste posée. En effet nous ne savons pas précisément si les personnes vaccinées conserveront le virus dans leur organisme et pourront le propager à d’autres individus. Ces personnes vaccinées seraient porteuses du virus, mais en bonne santé et complètement asymptomatiques ; elles seraient donc toujours contagieuses. Le médecin-chef du laboratoire Moderna a ainsi averti que les premiers résultats de son vaccin indiquent bien qu’il protège contre la maladie mais ne démontrent nullement qu’il empêche la transmission du virus. « Lorsque nous commencerons à déployer ce vaccin, nous n’aurons pas suffisamment de données concrètes pour prouver qu’il réduit la transmission » a-t-il précisé.

Il manque enfin une information capitale qui devrait tempérer tout optimisme, quel que soit le vaccin, que ce soit celui de Pfizer, Moderna, AstraZeneca, le russe, le chinois ou d’autres à venir. En effet les vaccins ne sont efficaces que s’ils sont utilisés. Le Dr Anthony Fauci, directeur de l’Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses, a récemment déclaré au New York Times que pour obtenir une immunité collective contre le coronavirus, protégeant ainsi les populations contre une importante épidémie, les vaccins comme ceux de Pfizer ou de Moderna devraient atteindre plus de 70 % de la population. Il n’est donc pas nécessaire de vacciner tout le monde ; un taux de vaccination de 70/75% serait suffisant pour bloquer la propagation de la maladie. Mais encore faut-il atteindre ce taux de couverture vaccinale. Dans certains pays, et singulièrement la France, ce n’est pas gagné.

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Les autorisations d’utilisation seront données en urgence. Est-ce compatible avec la science ?

Plusieurs vaccins ont terminé ou sont en train de terminer la dernière phase de leurs essais cliniques. La prochaine étape sera l’obtention d’une autorisation par les autorités de santé pour une utilisation d’urgence. Or, pour beaucoup de scientifiques, cela pourrait poser un problème, car les laboratoires seront dans l’incapacité de produire suffisamment de données pour garantir la sécurité et l’innocuité de leur vaccin.

Le dilemme scientifique est ainsi posé : les autorisations devront être données car, la pandémie continue et il y a urgence, mais les données scientifiques notamment celles concernant l’innocuité du vaccin ne seront pas disponibles en quantité et en qualité suffisantes. Cette situation est une première dans le développement d’un vaccin.

Doit-on pour autant s’en inquiéter ? Normalement, il faut dix ans pour développer un vaccin. Ces dix années ne sont pas toutes consacrées aux recherches scientifiques ou aux essais cliniques. Non, beaucoup de temps est perdu dans les arcanes administratives, la recherche de fonds, de subventions, etc. Autant de tâches qui jalonnent le travail des chercheurs. Mais aujourd’hui, l’horloge du monde tourne au rythme d’une pandémie qui tue chaque seconde. Dans ce contexte très particulier, l’argent a coulé à flots. Les États se sont précipités pour précommander des vaccins et apporter, en forme de coups de poker,  des sommes considérables aux labos. De ce fait, les chercheurs se sont concentrés sur leur tâche principale. Ils sont allés très vite, ont mené leurs essais de front, dans des délais inédits, faisant preuve d’une capacité surprenante à innover ; parce que le monde en avait besoin.

Mark Toshner est directeur de la recherche biomédicale translationnelle à l’Université de Cambridge ; spécialiste des essais cliniques, il affirme dans un article récent : « Et nous en avons vraiment besoin – la nécessité étant la mère de l’invention. La sécurité n’a pas été compromise. Tous les essais sont passés par les « phases » ou processus corrects de tout médicament ou vaccin normal. Des centaines de milliers de personnes se sont portées volontaires et ont reçu un vaccin expérimental. Le monde a suivi de si près que lorsqu’une seule personne tombait malade, nous en débattions tous. » Il poursuit : « À ce jour, il n’y a pas eu un seul décès associé aux vaccins COVID et seulement une poignée d’événements potentiellement graves. C’est vraiment étonnant. C’est un triomphe de la science médicale. ».

Ce scientifique conclue par une conviction : « Je suis convaincu que lorsque les autorités réglementaires examineront les données de sécurité et d’efficacité, suivies de près par tous les scientifiques intéressés dans le monde, que les vaccins ne seront utilisés que si leurs avantages l’emportent clairement sur les risques – et vous devriez également être confiant. » 

Quelles stratégies de vaccination les États vont-ils adopter ?

Les laboratoires engagés dans la course au vaccin contre le Covid-19, laissent tous penser qu’il sera possible de mettre en place des campagnes de vaccination dans les semaines qui arrivent. Présentés par Emmanuel Macron, ce 24 novembre, comme une « formidable lueur d’espoir pour faire face au virus durant les prochaines semaines et les prochains mois », certains vaccins devraient être disponibles en France « dès la fin décembre – début janvier, et une seconde génération arrivera au printemps ». 

Mais le chef de l’État l’a bien précisé : la vaccination ne sera pas obligatoire. Une annonce qui va dans le sens de la Haute autorité de santé : elle « considère que, dans le contexte actuel, la vaccination contre la Covid-19 ne devrait pas être obligatoire, ni pour la population générale, ni pour les professionnels de santé », expliquait-elle sur son site, le 9 novembre dernier. Dans le cadre d’un calendrier de livraison des doses de vaccin mal connu et – à ce stade – du manque de recul sur les futurs vaccins ainsi que sur leur capacité à limiter la contagion du virus, « cela ne serait pas justifié. »

Emmanuel Macron souhaite que cette campagne de vaccination se fasse « de manière claire, transparente, en partageant à chaque étape toutes les informations, ce que nous savons, comme ce que nous ne savons pas ». Des précautions justifiées par la réticence des Français à se faire vacciner : un peu moins de deux Français sur trois seulement se disent prêts à se faire vacciner (60%), selon un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour franceinfo et Le Figaro.

Dans le détail, le gouvernement temporise sur son plan de vaccination ; il reviendra aux autorités sanitaires avec l’État et les collectivités locales de définir « les modalités pratiques du déploiement des vaccins avec les hôpitaux, les maisons de retraite et l’ensemble des médecins de ville », a déclaré le chef de l’État. Pour « garantir la sécurité sanitaire, un ‘comité scientifique’ sera chargé du suivi de la vaccination », a-t-il ajouté. Et un « collectif de citoyens » sera aussi mis en place pour associer plus largement la population, a promis Emmanuel Macron. Serons-nous prêts à temps ? Serons-nous en retard sur d’autres pays dans la mise en œuvre de la vaccination ? Le gouvernement aura-t-il eu raison de temporiser ? Seul l’avenir nous le dira.

Nos voisins européens aussi se préparent pour les vaccins, avec des objectifs et des organisations différentes selon les pays. 

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L’Allemagne veut pouvoir vacciner dès décembre. Le pays s’active depuis plusieurs semaines pour être opérationnel dès qu’il y aura un vaccin. Des millions de seringues sont déjà stockées et au moins 100 millions doses commandées. La logistique allemande est parée pour vacciner le maximum de gens avant la fin de l’année. Particularité allemande, ce sont les länders (c’est-à-dire les 16 régions) qui sont responsables de la mise en œuvre du plan de vaccination.

Le Conseil d’éthique allemand, l’Académie des sciences Leopoldina et la Commission permanente de vaccination ont défini trois groupes prioritaires pour la vaccination : les personnes à risque, les soignants et personnels de maisons de retraite, et « les individus qu’il convient de protéger parce qu’ils occupent des fonctions particulièrement importantes pour le reste de la collectivité et qu’ils sont difficilement remplaçables comme les membres de la police et des services de sécurité, les pompiers et les enseignants ». Ces experts ont aussi exprimé, comme en France, leur opposition à l’idée de rendre le vaccin obligatoire.

Le Royaume-Uni se dit prêt. C’est l’un des pays qui a déployé le plus de moyens financiers pour obtenir des vaccins. Au total, quelque 350 millions de doses (dont une partie importante est constituée par le futur vaccin d’Oxford AstraZeneca) ont été commandées pour une population britannique de 67 millions de personnes.

Le gouvernement britannique veut pouvoir vacciner sa population dès que possible et y travaille depuis plusieurs semaines déjà. Le ministre de la santé, Matt Hancock, a esquissé un plan pour vacciner des millions de Britanniques – les plus âgés et les plus fragiles – dès décembre si le vaccin Pfizer-BioNTech est prêt et a reçu le feu vert de l’agence nationale du médicament. Il a d’ailleurs demandé à ce que « le NHS (National Health Service, l’hôpital public) soit prêt « n’importe quand à partir du 1er décembre ». 

Un article de The Guardian avance que le gouvernement britannique « pourrait donner son accord réglementaire au vaccin Covid-19 de Pfizer-BioNTech dès cette semaine, avant même que les États-Unis ne l’autorisent ».

Comme en France, la vaccination ne sera pas obligatoire, a annoncé à l’agence Reuters le Premier ministre britannique Boris Johnson. « Ce n’est pas la façon dont nous faisons les choses dans ce pays », a-t-il assuré, même s’il dit espérer que la grande majorité des personnes vulnérables soit vaccinée d’ici Pâques.

L’Espagne a annoncé que sa campagne de vaccination démarrerait dès janvier, en fonction de l’autorisation de mise sur le marché des vaccins. Le pays donnera la priorité aux personnes âgées en maison de retraite, très touchées par la pandémie, ainsi que le personnel de ces résidences. 

« Durant la première phase, nous nous concentrerons sur les personnes les plus vulnérables, un groupe d’environ 2,5 millions de personnes », a indiqué le ministre de la Santé, Salvador Illa, lors d’une conférence de presse.

Le vaccin espagnol sera gratuit et administré par l’intermédiaire du système national de santé ; il se fera sur la base du volontariat. Le ministre assure que son pays disposera de suffisamment de doses en 2021 pour vacciner l’ensemble de ses 47 millions d’habitants.

L’Espagne ambitionne d’avoir une majorité de sa population immunisée au plus tôt en mai et au pire courant juillet. « Notre système de santé est capable de vacciner en un temps réduit, il est franchement excellent et nous avons donc bon espoir d’atteindre ces objectifs ambitieux », a affirmé le Premier ministre Pedro Sanchez ce 20 novembre.

L’Italie entamera fin janvier une « campagne de vaccination sans précédent » en commençant par les catégories de la population les plus exposées au Covid-19, a annoncé samedi dernier le ministre italien de la Santé Roberto Speranza.

Mais une partie de la population italienne est opposée aux vaccins : selon un sondage de l’Institut Ipsos pour la chaîne de télévision La7 rendu public ce 24 novembre, 16% des Italiens interrogés affirment qu’ils refuseront le vaccin qui sera disponible en 2021 et 42% attendront pour en mesurer d’abord l’efficacité.

Ce 20 novembre, le Comité technico-scientifique, un organisme public chargé de conseiller le gouvernement dans sa politique de lutte contre la pandémie, a rappelé que « la présence de l’Agence italienne du médicament et des agences internationales de régulation nous donne des garanties sur la sécurité des vaccins ». Une mise au point nécessaire après qu’un virologue de renom, Andrea Crisanti, très présent dans les médias, a déclaré : « Normalement il faut de cinq à huit ans pour produire un vaccin. Celui de janvier, moi, je ne le ferai pas ».

Un ou plusieurs vaccins ?

Le débat sur la vaccination qui s’est installé depuis quelques jours souffre d’un facteur de complexité inédit : ce n’est pas un vaccin dont il s’agit mais de plusieurs vaccins qui sont d’ores et déjà sur la table. Trois d’entre eux ont bénéficié d’une notoriété extraordinaire du fait de l’effet d’annonce ménagé par leurs laboratoires : le vaccin de Pfizer, celui de Moderna et plus récemment le vaccin d’AstraZeneca.  A ce trio il faut ajouter le vaccin de l’institut de recherche russe Gamaleya, qui revendique pour son produit une efficacité de 92%.

Tous ces vaccins ont leurs caractéristiques propres car ils ont été développés selon des procédés différents. Pfizer et Moderna sont des vaccins « à ARN messager », qui utilisent des morceaux de matériel génétique modifié. Tandis que celui de Gamaleya est « à vecteur viral », utilisant un autre virus modifié pour l’adapter à la lutte contre le Covid-19.

Ces différences expliquent pourquoi les taux d’efficacité affichés répondent à des réalités beaucoup complexes que celles décrites dans les annonces. On ne connaît pas la durée respective de leurs effets, pas plus qu’on ne sait quel est leur niveau d’efficacité selon les différents types de publics auxquels ils sont administrés. Certains vaccins semblent adaptés à une « vaccination de masse » visant à réduire voire éradiquer la circulation du virus ; d’autres n’offrent pas de garantie suffisante pour assurer une immunité collective, mais sont en revanche efficace pour assurer une protection individuelle suffisante à des publics dits « à risque ».

De ce fait ajuster une stratégie vaccinale à ce stade de connaissance est particulièrement ardu. Il faudra se tenir prêts à une analyse approfondie des données scientifiques des essais cliniques pour définir la bonne stratégie de mise en œuvre et jouer sur la palette des vaccins disponibles.

La désinformation pourrait-elle entraver la vaccination ?

La confiance dans les institutions est déjà largement entamée tout comme l’urgence dans l’élaboration des vaccins suscite toujours des couacs scientifiques comme c’est le cas avec le vaccin AstraZeneca obligé de rétrograder à cause d’une erreur dans le protocole de test, font monter la défiance à l’égard de la vaccination. Mais c’est surtout  l’ampleur de la désinformation qui pourrait entraver le déploiement des futures vaccinations : une éventualité qui inquiète médecins et autorités.

Dès le mois de février, l’OMS s’alarmait face à cette « infodémie » dangereuse : parce que les populations peuvent s’intoxiquer avec des produits présentés comme des remèdes (alcool, eau de javel, médicaments…) mais aussi parce que les infox peuvent dissuader de suivre les recommandations sanitaires, comme porter un masque ou se faire vacciner.

Remèdes bidon, fausses affirmations sur les masques ou thèses complotistes autour d’une vaste machination mondiale pour asservir les populations, « la pandémie de COVID-19 a aussi mis en lumière le caractère mondial » de la désinformation. L’AFP a publié depuis janvier plus de 2000 articles de vérification autour de fausses allégations sur le Covid, qui entretiennent doute et confusion sur la pandémie, avec en point d’orgue fréquent, le futur vaccin. Depuis des mois en effet, des milliers d’internautes clament leur refus d’être vaccinés. Mi-novembre, la responsable de la vaccination à l’OMS Rachel O’Brien se disait « très préoccupée » par la désinformation et ses conséquences sur l’acceptation du vaccin.

Même s’il est difficile de mesurer précisément l’impact des fausses nouvelles sur le sentiment anti-vaccinal et sur la décision de se faire vacciner ou non, plusieurs études relèvent néanmoins une grande porosité entre les deux, même si d’autres facteurs entrent aussi en jeu. Les vagues de désinformation sont « associées à une baisse moyenne des taux de vaccination », avance même le chercheur Steven Wilson, qui a examiné en détail l’impact des réseaux sociaux sur « l’hésitation vaccinale » dans une étude publiée en octobre dans le British Medical Journal – Global Health. Les inquiétudes sont d’autant plus grandes que l’adhésion à un futur vaccin sera particulièrement cruciale dans un contexte de pandémie qui paralyse une bonne partie du monde et face à laquelle un vaccin largement diffusé ressemble à un billet de sortie indispensable, notent experts et scientifiques.

Déjà surreprésentés sur internet, les groupes anti-vaccins, très organisés, se sont encore renforcés avec la pandémie, profitant d’une « chambre d’écho » d’une ampleur inédite, parfois relayée par des célébrités via des réseaux sociaux « qui permettent à des groupes marginaux de diffuser leur message » à une audience très large, comme le note Steven Wilson. On retrouve d’ailleurs plusieurs fausses affirmations sur les vaccins dans les deux documentaires complotistes à succès Plandemic (États-Unis) puis Hold-Up (France). Quant à l’idée selon laquelle le vaccin contre la COVID servira à implanter des puces électroniques… elle a représenté l’un des buzz les plus massifs de 2020.

Cette déferlante intervient sur un terrain propice dans de nombreux pays, où les opinions publiques sont déjà réticentes, comme en Suède ou en France. Selon un sondage Ipsos, seuls 54% des Français déclaraient en octobre qu’ils se feraient vacciner contre le Covid-19 : 10 points de moins que les Américains, 22 de moins que les Canadiens, et en retards de 33 points sur les Indiens.

Au-delà de la question des vaccins, se pose celle de la confiance dans les institutions, expliquent les experts du sujet. « Le même point commun des thèses complotistes, c’est que nos  »élites », nous mentent », explique à l’AFP Sylvain Delouvée. L’idée que le Covid-19 est « une machination » ou « fait partie d’un plan des  »élites » pour contrôler la population mondiale » est l’une des plus virales sur les réseaux sociaux, note aussi Rory Smith.

Résultat, toute prise de parole perçue comme officielle est décrédibilisée d’avance. Car la désinformation « s’appuie sur une montée des défiances vis-à-vis de toute forme d’autorité instituée, gouvernementale ou scientifique », observe encore M. Delouvée, une tendance qui s’est notamment illustrée en France dans le mouvement polymorphe des Gilets Jaunes. « Quand on regarde la corrélation entre le refus de la vaccination et le manque de confiance dans le gouvernement et dans le système en général, on voit que les deux choses sont parallèles », notait aussi récemment la virologue Marie-Paule Kieny, présidente du comité scientifique sur le vaccin en France.

Le vaccin sera-t-il obligatoire pour se déplacer ?

Alors que la plupart des États rechignent, compte-tenu du contexte de défiance vaccinale, à envisager une vaccination obligatoire de leur population, dans les faits, celle-ci pourrait le devenir. Le signal vient des compagnies aériennes et en premier lieu de la compagnie australienne Qantas dont le président a annoncé qu’il faudrait être vacciné pour voyager dans ses avions.

Repris ensuite par le monde entier, l’annonce a inquiété. « Quand la vaccination se cache dans le non-accès aux loisirs », peut-on lire sur les réseaux sociaux, « demain on privera de voyage, de théâtre, de cinéma, ceux qui ne veulent pas se faire vacciner ».

Des craintes infondées, la position australienne restant pour l’instant marginale. Mais elle pourrait être suivie par d’autres pays s’ils jugeaient les entrées sans vaccination sur le territoire comme un danger pour la santé publique. Juridiquement, la souveraineté des États en matière de santé est prééminente. D’autant que l’idée n’est pas nouvelle puisque de nombreux pays obligent déjà les voyageurs à se faire vacciner contre des maladies endémiques (comme la fièvre jaune, par exemple) avant de les laisser poser un pied sur leur sol.

Pour le moment, les compagnies du monde entier évitent de trop s’avancer sur la vaccination et son caractère obligatoire. Il faudra encore des mois avant que les campagnes de vaccination ne se généralisent, notamment en Europe ou aux Etats-Unis. Leur priorité est donc de tester les passagers, à l’aide de tests antigéniques rapides bien que moins fiables que les tests PCR. C’est encore la position des trois alliances mondiales de compagnies aériennes (Oneworld, Star Alliance et SkyTeam) qui représentent 60% des passagers. Toutefois, elles ne manquent pas évoquer la mise en place d’un « passeport santé » qui centraliserait numériquement les données des passagers sur le Covid-19. Un tel passeport pourrait récapituler les tests réalisés et, évidemment, indiquer si le voyageur est vacciné.

Un tel passeport est déjà actuellement testé depuis quelques jours à l’aéroport de Heathrow à Londres. Le « CommonPass », développé par l’ONG suisse The Commons Project, soutenu par le Forum économique mondial de Davos (celui-là même qui est pointé par le documentaire Hold-UP comme grand ordonnateur de la pandémie actuelle), permettait ainsi de se passer des certificats de tests (puis de vaccination) en papier qui sont facilement falsifiables. « Avec CommonPass, ces informations resteront sous contrôle de la personne concernée. La plate-forme vérifiera qu’un passager a été testé [ou vacciné], mais les informations ne seront ni stockées ni transmises à des tiers » assure au Telegraph le patron de The Commons Project Paul Meyer. Des passeports numériques qui auront probablement vocation à se maintenir après la crise du Covid-19 pour prévenir d’autres épidémies potentielles. L’application pourrait aussi, à terme, remplacer le passeport papier.

Le vaccin sera-t-il disponible pour tout le monde ?

Les dirigeants du G20 ont promis ce 22 novembre de « ne reculer devant aucun effort » pour garantir un accès équitable aux vaccins contre le Covid-19. Alors que la pandémie a tué près d’1,4 million de personnes dans le monde, les présidents ou chefs de gouvernement promettent de « combler les besoins de financement encore existants » pour assurer que les vaccins ne bénéficient pas qu’aux pays les plus riches, au moment où eux-mêmes mettent déjà sur les rails des campagnes de vaccination à grande échelle.

Le Center for Global Development a calculé que les pays riches avaient déjà réservé 1,1 milliard de doses du futur vaccin de Pfizer/BionTceh, l’un des plus avancés, sur un total annoncé de 1,3 milliard de doses produites l’an prochain. Les Nations unies, redoutant l’apparition d’un « nationalisme vaccinal », appellent à trouver en urgence 4,2 milliards de dollars pour garantir, sous la conduite de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un accès équitable au vaccin. Un montant sur lequel le G20 ne s’est pas expressément engagé.

La chancelière allemande Angela Merkel s’est dite « inquiète que rien n’ait été encore fait » concrètement pour assurer la vaccination dans les pays pauvres. Le président français Emmanuel Macron a, quant à lui, appelé ses homologues à « aller plus loin plus vite », en faisant don de doses, en nouant des partenariats industriels ou encore en partageant la propriété intellectuelle.

Des promesses qui ne semblent pas avoir convaincu l’ONG Oxfam qui a critiqué, auprès de l’AFP, un « décalage total entre les appels (des Européens notamment) à faire du vaccin un bien public mondial et la course au vaccin qu’ils entretiennent ».

Avec AFP

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