Justice climatique – Pour une nouvelle lutte des classes, de Sébastien Mabile – Éditions Actes sud/Collection Manifeste – Domaine du possible, 22 janvier 2025 – 176 pages
Le GIEC travaille sans relâche depuis trente ans, les COP se succèdent, le seuil d’un réchauffement global de 1,5 °C à ne pas dépasser fait consensus… Et pourtant, nous fonçons toujours plus vers la catastrophe climatique. C’est avec les armes du droit et de la justice équitable pour tous que l’auteur s’empare de ce paradoxe dont la résolution est cruciale pour l’avenir de l’humanité.
Une réflexion cruciale sur l’équité face à la crise climatique
Sébastien Mabile, avocat spécialisé en droit de l’environnement, met en lumière les profondes inégalités sociales et économiques exacerbées par la crise climatique. Loin de se contenter d’un constat alarmant, l’auteur offre une analyse claire et percutante des rapports de force mondiaux et propose une vision ambitieuse d’une justice climatique capable de réconcilier les droits sociaux, économiques et environnementaux.
Le livre s’attaque à une question centrale : comment articuler la lutte contre le changement climatique avec la nécessaire réduction des inégalités ? Mabile démontre que les premières victimes de la crise écologique – souvent les populations les plus pauvres – sont aussi celles qui contribuent le moins à l’émission de gaz à effet de serre. Ce déséquilibre est au cœur de ce qu’il appelle une « nouvelle lutte des classes » : un affrontement entre ceux qui subissent les effets de la crise et ceux qui en tirent profit, souvent au détriment des générations présentes et futures.
Un concept novateur : la justice climatique comme outil de transformation sociale
Sébastien Mabile aborde la justice climatique comme une question de justice sociale à l’échelle mondiale. Il montre que la crise climatique ne se limite pas à une problématique environnementale, mais qu’elle révèle et amplifie des fractures sociales préexistantes. En retraçant l’histoire des luttes sociales, il établit un parallèle convaincant entre les combats pour les droits des travailleurs ou l’égalité raciale, et celui pour un climat vivable. Cette « nouvelle lutte des classes » dépasse les frontières nationales, touchant les pays du Sud global et les populations les plus vulnérables dans les pays développés.
L’auteur pointe également du doigt les responsabilités des multinationales et des gouvernements, souvent réticents à transformer leurs modèles économiques au profit d’une transition écologique juste. À travers des exemples précis, il illustre comment certaines entreprises et élites économiques exploitent les ressources naturelles et externalisent les coûts environnementaux sur les populations les plus fragiles.
Une approche juridique et politique éclairante
En tant qu’avocat, Sébastien Mabile s’appuie sur sa connaissance approfondie du droit pour plaider en faveur d’un cadre légal renforcé. Il insiste sur la nécessité de reconnaître des responsabilités différenciées en matière de lutte contre le changement climatique, un principe qui figure déjà dans des textes comme l’Accord de Paris. Cependant, il déplore que ces engagements restent souvent lettre morte face aux pressions économiques.
Le livre explore des pistes concrètes, telles que l’instauration d’un tribunal international du climat, des mécanismes de compensation pour les pays en développement, et des taxes environnementales ciblant les grandes fortunes et les industries polluantes. Ces propositions témoignent d’une volonté de lier la régulation économique à la protection des droits fondamentaux des populations les plus exposées aux aléas climatiques.
Un essai enraciné dans l’actualité
Le livre est profondément ancré dans les réalités contemporaines. Mabile y évoque des luttes emblématiques, comme celles des communautés indigènes pour la préservation de leurs territoires, ou encore des mouvements citoyens qui réclament des actions climatiques immédiates, à l’instar de Greta Thunberg et d’organisations comme Extinction Rébellion.
L’auteur met également en lumière des affaires judiciaires majeures, telles que les procès intentés contre des États pour inaction climatique (comme celui mené par l’ONG Urgenda aux Pays-Bas). Ces cas illustrent à quel point le droit peut devenir un levier puissant pour accélérer la transition écologique et garantir une redistribution équitable des efforts.
Un appel à l’action collective et politique
L’ouvrage ne se contente pas de diagnostiquer les inégalités climatiques : il invite les citoyens, les entreprises et les décideurs politiques à agir collectivement. Mabile milite pour une transformation radicale des systèmes économiques et politiques afin de placer la justice sociale au cœur de la transition écologique.
En plaçant la notion de solidarité intergénérationnelle au centre de son argumentation, il interpelle les lecteurs sur leur responsabilité, non seulement envers les populations les plus touchées aujourd’hui, mais aussi envers les générations futures. La lutte pour le climat n’est pas seulement une question de survie, mais aussi une question d’équité.
Quand on s’interroge sur les liens entre justice sociale et crise écologique, cet essai est incontournable. À la fois analytique et militant, l’ouvrage éclaire les débats sur l’avenir de notre planète et propose des pistes concrètes pour bâtir une transition écologique équitable. En mêlant expertise juridique, analyse sociale et vision politique, l’auteur rappelle que la crise climatique n’est pas seulement un défi technique, mais aussi un combat pour la justice et la dignité humaine, dans un monde en quête d’équilibre entre progrès et respect des limites planétaires.