Le grand épuisement, de Nelly Pons – Éditions Actes Sud, 5 février 2025 – 192 pages
Un jour, la narratrice de ce récit n’a plus pu se tenir debout – épuisement physique, psychique et émotionnel total. Dans cette traversée immobile, elle trouve un puissant moteur de remise en question de nos évidences collectives, qui mènent à l’épuisement des êtres, des ressources, des écosystèmes. Sans pathos, son récit interroge notre capacité à tenir debout dans un monde qui vacille et à résister.
Chaque jour, tu te sentais comme un funambule sur un fil qui, à tout instant, peut tomber. Tu n’imaginais pas, alors, ce que tomber signifiait.
À présent que tu sais, tu vas prendre un risque : raconter. Car il est une chose que tu aimerais dire au monde. ”
Une plongée dans la fragilité des écosystèmes et de l’humain
Nelly Pons propose une réflexion bouleversante sur l’épuisement généralisé qui affecte non seulement la planète, mais aussi les êtres humains. Alternant entre récit personnel, exploration écologique et méditation philosophique, l’auteure nous emmène dans une quête essentielle : comprendre les racines de l’effondrement écologique tout en dévoilant les liens profonds entre les souffrances de la Terre et celles des individus.
Dans un style poétique et une narration mêlant intimité et observation globale, Nelly Pons dresse un constat sans concession des impacts du capitalisme extractiviste, de la destruction des écosystèmes, et des pressions sociales et psychologiques pesant sur l’humain moderne. Le titre, évocateur, reflète une double fatigue : celle des ressources naturelles, vidées de leur vitalité, et celle des êtres humains, confrontés à l’accélération d’un monde devenu insoutenable.
Un cri d’alerte et une quête de résilience
Le point de départ du livre est le vécu de l’auteure elle-même, qui a expérimenté un épuisement profond, tant physique que psychologique. À travers ses réflexions, elle parvient à établir un parallèle saisissant entre son état intérieur et celui de la Terre. Nelly Pons montre que l’exploitation effrénée des ressources naturelles, la surconsommation et la destruction de la biodiversité ne sont que le reflet d’un système qui épuise également les corps, les esprits et les communautés humaines.
Le récit est tissé de témoignages poignants, d’exemples concrets et d’analyses documentées qui révèlent les interconnexions entre l’écologie, la santé mentale, et les dynamiques économiques et sociales. Elle y décortique les mécanismes de la surproductivité, de l’épuisement des sols à celui des travailleurs, en passant par la disparition des forêts et la montée des burn-out.
Un style poétique pour une réalité brutale
L’écriture de Nelly Pons frappe par sa beauté et son intensité. La poésie de ses descriptions rend palpable la dégradation des écosystèmes et les ravages du dérèglement climatique. Mais sous cette prose délicate se cache une analyse impitoyable des causes structurelles de ce « grand épuisement ». Elle n’hésite pas à dénoncer les responsabilités systémiques : le capitalisme, l’agriculture intensive, les inégalités sociales, mais aussi l’incapacité des gouvernements à engager de véritables transitions écologiques.
Une invitation à la résilience
Malgré le constat sombre qu’elle dresse, Nelly Pons ne sombre pas dans le fatalisme. Elle propose des pistes de réflexion et des solutions, qui reposent sur un retour à des modes de vie plus sobres et une reconnexion avec la nature. À travers des exemples de permaculture, de sobriété énergétique ou d’engagement collectif, elle montre qu’il est possible de ralentir et de réinventer nos manières d’habiter le monde.
Le livre s’inscrit également dans une réflexion plus profonde sur notre rapport au temps et au vivant. Pour l’auteure, sortir de l’épuisement passe par un changement de paradigme : accepter les limites, retrouver un rythme harmonieux et faire de la protection de la biodiversité une priorité absolue.
Un ouvrage essentiel pour notre époque
L’ouvrage est bien plus qu’un essai écologique : c’est un manifeste, une quête intérieure, et un appel à réinventer notre rapport à la Terre et à nous-mêmes. Nelly Pons nous rappelle que le combat pour la planète est aussi un combat pour le soin de nos corps et de nos esprits.
En conjuguant engagement personnel et analyse globale, elle touche autant les lecteurs déjà sensibilisés à la crise écologique que ceux en quête de compréhension et de pistes d’action. Quiconque cherche à mieux comprendre les défis de notre temps trouvera sans doute dans cette lecture un sursaut pour participer, à son échelle, à l’élaboration d’un avenir plus juste et durable.
Née sur un domaine agricole, Nelly Pons a toujours été sensible à son environnement. Diplômée d’un double cursus scientifique et culturel, son parcours est fait de chemins multiples alliant création (danse, écriture, son…) et engagement (journalisme, événementiel, agroécologie…).
Elle a notamment signé les titres Océan plastique (2020), Débuter son potager en permaculture et Choisir de ralentir (2017, illustrations de Pome Bernos), ainsi que collaboré aux ouvrages Animal de Cyril Dion (2021) et Vers la sobriété heureuse de Pierre Rabhi (2010).
Ses écrits s’inscrivent dans le prolongement de son engagement pour le vivant et proposent une transformation de notre rapport au monde.