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Manifestation COP21

COP21 : Une dernière ligne droite semée d’embûches

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Comme le souhaitait Laurent Fabius, le président de la COP21, un dernier texte intermédiaire a été remis mercredi. Ce document est la dernière étape avant l’accord définitif qui devrait être conclu vendredi 18h. Nous sommes donc dans un dernier sprint, avec des espoirs mais aussi des dangers venant de ceux qui ne souhaitent qu’une chose : torpiller l’accord.
 
Le texte remis à Laurent Fabius est le fruit du travail des ministres des 195 pays réunis au Bourget depuis lundi. Ils ont planché sur la mouture rédigée la semaine précédente par les négociateurs du climat. Le nouveau texte a été ramené de 43 pages à 29 pages. Les trois-quarts des points jusqu’ici encore soumis à discussion ont été réglés. On voit donc mieux le profil de l’accord à venir même si « il reste encore pas mal de travail » comme le dit Laurent Fabius. En effet, ce texte n’est pas définitif, ce n’est qu’une version qui intègre les propositions faites jusqu’à présent par les différents groupes de travail.
 

Un niveau d’ambition incertain

 
Des compromis ont émergé sur le renforcement de l’adaptation aux impacts du changement climatique, sur la question des pertes et des dommages ou encore sur la transparence du suivi des actions climatiques, selon Laurent Fabius. Du côté des divergences, les ministres et négociateurs doivent encore régler les épineuses questions de la différenciation des efforts entre pays riches et pays plus pauvres, du financement de la lutte contre le changement climatique et du « niveau d’ambition de l’accord ».
Le Monde remarque que sur ce dernier point crucial, dans l’article 2 qui doit définir la limite de réchauffement à ne pas dépasser, trois options restent notamment ouvertes : « maintenir le réchauffement climatique sous 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle ; bien au-dessous de 2 °C [et augmenter [rapidement] les efforts pour limiter la hausse de la température à 1,5 °C] ; sous 1,5 °C. »
 
Le texte laisse encore une certaine flexibilité aux Etats pour réduire leur pollution ou pour participer au financement de l’aide à l’adaptation pour le changement climatique : les 100 milliards de dollars nécessaires à partir de 2020 pour construire des digues ou des centrales solaires pour les pays en voie de développement.
Le texte est politiquement contraignant mais il ne comporte aucune sanction en cas de non-respect des engagements pris par les différents pays. Cela est dû au fait que les Nations Unies n’ont pas à leur disposition de dispositif de sanctions. Le président Hollande avait évoqué l’idée de créer à l’ONU un Conseil de sécurité pour le climat, mais cette formule vient peut-être un peu trop tôt. Toutefois chaque année, les pays devront donner un nouveau cap pour améliorer leurs engagements.
La démarche qui semble poindre dans le texte est que chacun des 195 pays ressortira de la COP21 avec une feuille de route pour 2030, assortie d’une contribution financière. Certains ont déjà fixé le cap, à l’instar des Etats-Unis. Le secrétaire d’Etat, John Kerry, a en effet annoncé que son pays doublerait son aide pour les mesures d’adaptation au changement climatique.
 

Le danger d’un accord au rabais

Pour de nombreuses ONG, on est encore loin du compte. Le Réseau Action Climat a publié mercredi soir un communiqué mettant en garde contre un accord « au rabais » :
 
Certes, la limite de réchauffement de 1,5°C reste une option dans le texte. Mais les moyens et la feuille de route pour respecter ce seuil manquent toujours à l’appel. Le mécanisme de révision des engagements est toujours aussi faible et tardif. Les engagements financiers qui permettraient de garantir des financements climat, prévisibles et croissants après 2020, sont toujours entre crochet. Et ce, malgré leur importance pour mettre de l’huile dans les rouages de l’ambition des Etats et pour protéger les plus vulnérables. Sur le cap de long terme, deux visions du monde continuent de s’opposer : une fourchette de réduction de gaz à effet de serre très ambitieuse et une vision en demi-teinte, soutenue par les plus grands émetteurs car elle freinerait la transition énergétique mondiale.
Il reste 24 heures pour réinjecter de l’ambition dans ce texte. Les opposants les plus évidents à un accord ambitieux (comme l’Arabie saoudite) sont l’arbre qui cache la forêt. Tous les compromis qui sont en train de se faire derrière des portes closes, sans sursaut ni éclat de voix, répondent encore à des intérêts nationaux de court terme. Aucun pays ne défend vraiment l’intérêt des populations, des plus vulnérables, des pays menacés. Tous les pays sont responsables de la conclusion de l’accord de Paris : les grands pollueurs doivent arrêter d’entraver la transition énergétique et de prendre en otage la négociation. Les pays qui subissent cette pollution doivent refuser des compromis au rabais et protéger les fonctions vitales qui permettront de progressivement rectifier le tir.
Privé de ses fonctions vitales, l’accord de Paris donnera raison à tous ceux qui se battent pour préserver leurs droits à polluer. Un tel accord serait inadmissible. »
 

Les prochaines 48 heures sont cruciales

 
Elles seront marquées par les coups de boutoirs de certains Etats producteurs de pétrole comme l’Arabie saoudite ou le Venezuela pour torpiller purement et simplement l’accord.  Le ministre saoudien du Pétrole Ali Al-Naimi n’a pas hésité ainsi à appeler de ses vœux, à la tribune du Bourget, « à ne discriminer aucune source d’énergie ».  En clair, ne parlons pas des énergies fossiles dans l’accord.
Le Venezuela, qui tire la moitié de son PIB de l’or noir, refuse le mot décarbonation de l’économie. Célia Gautier de l’ONG Action Climat affirme au Point que , « les pétroliers font tout ce qu’ils peuvent pour avoir un accord le moins ambitieux possible ». Elle poursuit : « Sur les sujets-clés comme les objectifs de long terme et la date de révision des engagements des pays, l’Arabie saoudite défend les options les plus faibles ».
 
La tension est à son comble et tous les coups sont permis. Les lobbies pétroliers tentent par tous les moyens d’entraver la lutte contre le réchauffement climatique. Le Corporate Europe Observatory (CEO) a publié le 7 décembre un rapport qui lève le voile sur ces « mercenaires » de la communication » embauchés à prix d’or pour influencer et inverser la tendance générale.  Ils sont mis à contribution par les gros pollueurs pour créer un « écran de fumée » sur leur responsabilité véritable dans la crise climatique, reverdir leur image, et promouvoir les « fausses solutions » qui leur permettront de continuer à engranger des profits sans remettre véritablement en cause leurs pratiques.
L’utilisation de fausses études scientifiques ne leur fait pas peur. C’est ce qu’a révélé aujourd’hui  dans Le Monde Greenpeace, montrant dans une enquête presque policière, comment des industriels des combustibles fossiles peuvent s’offrir, en toute discrétion, les services de plusieurs universitaires pour fragiliser les négociations climatiques. « Nous avons voulu savoir si, en amont de la conférence de Paris sur le climat, certains chercheurs du monde académique accepteraient d’être rémunérés pour rédiger et signer des rapports susceptibles de servir les intérêts d’industriels des fossiles, explique Ben Stewart, directeur des médias à Greenpeace Royaume-Uni. Et ce, en acceptant de cacher leur financement. »
 

Les téléphones entre chefs d’Etats vont chauffer

 
A un moment donné, les chefs d’Etat devront prendre le relais pour ramener les pays récalcitrants à la raison. La tâche n’est pas facile car il faudra les contraindre d’une façon ou d’une autre à privilégier l’intérêt général de la planète plutôt que leurs intérêts nationaux particuliers. Les téléphones vont chauffer ces prochaines heures entre les chefs d’Etats. Le président de la COP21, Laurent Fabius est au fourneau. Il fait preuve selon la quasi-totalité des participants de la conférence climat d’une extraordinaire maîtrise des dossiers. L’ancien vice-président américain Al Gore, héraut de la lutte contre le réchauffement climatique, déclare ainsi, dithyrambique :  « Toutes les délégations disent que la présidence française est spectaculaire et qu’aucun des sommets précédents n’a été aussi bien organisé« . John Kerry, qui était cette semaine de retour au Bourget, lui a emboîté le pas. « Ce n’est pas ma première COP, mais il y a quelque chose de différent cette fois : le niveau de préparation a été extraordinaire« . Il faut maintenant profiter de cette bonne image et mettre la pression pour que l’accord soit un succès.
 
Laurent Fabius n’a donc pas attendu pour convoquer les ministres à nouveau mercredi soir. Il leur donne 24 heures pour trouver un accord ambitieux. Jeudi le texte final de l’accord devra être écrit.  Nul doute que la nuit sera longue et la session agitée.
Une session soumise à la pression des manifestants qui font entendre leurs voix au Bourget (photo) Dans cette COP sous très haute sécurité, les défenseurs de l’environnement ont attendu que les négociateurs soient au pied du mur pour se manifester : « Les ONG ont évidemment raison de mettre la pression pour que ce texte soit le plus ambitieux possible », déclare Pascal Canfin.
 
Alors, les négociateurs parviendront-ils à se mettre d’accord sur un texte « ambitieux et contraignant » comme le voulait la présidence française ? Fin du suspense jeudi soir.
 
Charles-Elie Guzman, UP’ Magazine
 

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