Ce 3 juin se tient à Orsay le premier UP’Dialog. On y parlera d’ingéniosité, d’inventivité pour des solutions judicieuses et soutenables, bref on découvrira des expériences d’innovation frugale. Pour cette première édition, c’est la bioinspiration qui focalisera l’attention avec des pionniers de la photosynthèse artificielle, de la 3D basée sur le biomorphisme et de la vision. Panorama du contexte.
L’engouement pour les solutions offertes par la nature bat son plein. Depuis la parution en 1997 du livre de Janine Benyuls « Biomimicry : Innovation Inspired by Nature », les dynamiques d’innovation copiant les processus naturels sont devenus incontournables.
Le Proto 204 (lieu de connexion et d’interface du plateau de Saclay) va s’animer sur ce thème, ce mercredi 3 juin à Orsay. Se croiseront les témoignages de Thierry Ladreyt, fondateur de Z3DLab, spécialisée dans les impressions 3D, de Guillaume Druart, ingénieur chercheur en instrumentation optique à l’ONERA, et d’Ally Aukauloo, de l’Institut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay (ICMMO) qui parlera d’imiter la chrorophylle. Chacun présentera les formes, interactions, calculs, stratégies, organisations des plantes, animaux ou microorganismes dont il s’inspire.
Et il s’agira de discuter pour savoir si ces démarches de biodesign, de biomorphisme, de bioorganisation, peuvent véritablement contribuer à des économies d’échelle, de matière, d’énergie ? Face à eux, la biologiste Monique Bolotin-Fukuhara, ancienne directrice du Laboratoire IGMORS de Paris Saclay, questionnera la portée de ces projets qui concernent la fabrique d’instruments chirurgicaux chez Z3DLab, la vision des drones pour l’ONERA ou la photosynthèse artificielle pour le Laboratoire ICMMO de Paris Saclay.
Effervescence
On dénombre une centaine de projets de recherche en France touchant au biomimétisme. Une cinquantaine d’entreprises revendiquent l’inspiration du vivant. La chimie, l’ingénierie des matériaux, l’agronomie , la mécanique, l’énergie sont concernés. Les grands groupes comme Renault, Suez environnement, Total ou même EDF avec ses arbres à vent, surfent sur cette vague d’inspiration. Parmi les PME, on peut signaler Indiggo, EEL Energy, AIM ou Polypop industries qui dépollue les sols et valorise les déchets organiques grâce à des champignons. « Nos projets sont guidés par une volonté forte d’accompagner notre société humaine vers un fonctionnement plus frugal et ingénieux compatible avec le reste du vivant, insiste Gil Burban son fondateur, et lauréat du prix ecoinnovation 2014. Nous ne brevetons pas le vivant, mais travaillons avec lui. Nous soutenons les démarches qui s’inscrivent dans cette perspective de résilience ». La start-up NewWind R&D a pour sa part inventé un système éolien innovant inspiré d’une démarche biomimétique (en forme d’arbre).
En 2007, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) formulait le constat suivant : « Les processus industriels sont coûteux en énergies, en matières premières et peu sélectifs. L’évolution a produit des solutions naturelles beaucoup plus sophistiquées ». Sous l’impulsion du Commissariat général au développement durable et du Muséum national d’histoire naturelle, s’est tenu en décembre 2012 un colloque fondateur« recherches bio-inspirées : une opportunité pour la transition écologique ? ». « La biodiversité est une extraordinaire boîte à outils que nous n’avons même pas fini d’inventorier » concluait le professeur Gilles Boeuf, initiateur de l’événement. En mars 2014, Ségolène Royal a fait référence au biomimétisme dans sa présentation du projet de loi relatif à la biodiversité. Elle a présenté ce potentiel comme un levier pour le renouveau de la politique industrielle et agricole plus économe en ressources. Depuis, la section environnement du Conseil économique et environnemental (CESE) a impulsé une saisine pour identifier les acteurs, évaluer l’état de la recherche scientifique et industrielle, et envisager des approches transversales.
Les dynamiques européennes
Si la France participe au programme européen KARIM qui explore les solutions bio-inspirées pour une innovation responsable, elle n’a pas véritablement engagé encore une politique structurée dans ce domaine. Sous l’impulsion d’acteurs volontaristes et engagés notamment issus du réseau européen Biomimicry Europa et de l’Institut Inspire, se développe à Senlis, le CEEBIOS, Centre européen d’excellence en biomimétisme. Sa vocation : fédérer les acteurs nationaux et internationaux du domaine, les accompagner, les former et ainsi catalyser l’approche biomimétique pour répondre aux grands défis sociétaux : énergie, eau, éco matériaux, chimie verte, économie circulaire et agriculture.
Au plan international, le réseau Biokon, créé en 2001 à Berlin, regroupe une trentaine de laboratoires, d’instituts ou de centres de recherche et d’universités, sous la houlette du ministère allemand de l’Education et de la Recherche (BMBF). L’objectif a été de prouver la pertinence de la bio-inspiration pour le monde industriel. La Fondation fédérale allemande pour l’environnement, ainsi que le Land de Bade-Wurtemberg (qui parie notamment sur les « matériaux intelligents ») soutiennent Biokon. Le BMBF, qui avait doté Biokon de 2,4 millions d’euros, a alloué 6 millions d’euros en 2004. L’objectif est que le réseau puisse s’autofinancer. Le biomimétisme a besoin de passerelles entre le monde des chercheurs et celui des ingénieurs pour que de réels espaces collaboratifs suscitent des innovations de rupture.
Pour soutenir ce développement une norme ISO définissant précisément les démarches bioinspirées est en cours. De même un groupe de travail, « Nature-Based-solutions », a été mis en place au sein de la dynamique Horizon 2020. Ces approches amènent à revoir les modes d’innovation à la base, simplement parce que les stratégies du vivant sont durables : elles optimisent sans maximiser, elles se nourrissent d’informations, elles sont basées sur l’interdépendance et à résilience.
Le génie du vivant
« La nature sait faire des choses que nous ne savons pas faire, ou à tout le moins, les fabrique de manière plus durable, c’est à dire sans gaspillage, sans produits toxiques, et en utilisant le moins d’énergie possible, les processus ayant été optimisés au cours de l’évolution » décrit Thierry Coradin, directeur de recherche au laboratoire « chimie de la matière condensée » de Paris.
Les exemples de molécules extraites du vivant et utilisées comme anti-cancéreux, antibiotiques, antiviraux, anti-champignons abondent… Pour le milieu marin, les éponges produisent à elles seules plus de 30% de ces produits. On estime à quelque 22 000 le nombre de produits d’intérêt pharmacologique ou cosmétique déjà extirpés de l’océan. Pas moins de treize prix Nobel de médecine ont été obtenus à partir de modèles aquatiques. Ainsi, Metchnikoff découvre la phagocytose grâce à l’étoile de mer ; Charles Richet l’anaphylaxie grâce à la méduse ; Andrew Huxley et Alan Hodgkin, la transmission de l’influx nerveux grâce à l’axone de calmar… Otto von Warburg travaille sur l’oursin ; Eric Kandel découvre les bases moléculaires de la mémoire grâce à la limace de mer ; O. Shimomura, la protéine fluorescente verte de méduse ; enfin en 2009, Szostak, Blackburn et Greider obtiennent le prix Nobel de médecine pour leurs travaux sur le vieillissement et sur les enzymes télomérases.
Pour Gilles Bœuf, il s’agit de « nous réapproprier le monde du vivant ». Nous inspirer des formes, des relations, des mécanismes offerts par son « génie ». C’est une démarche qui suppose humilité, maintien de l’harmonie, partage et respect.
Le concept UP’ Dialog
Comment innover en concevant mieux avec moins de moyens ? Certaines études prouvent aujourd’hui que les montants investis dans la R & D ne sont pas forcément en corrélation avec la capacité à créer de la valeur. Les entreprises restent souvent sur un modèle d’innovation caractérisé par plusieurs défauts, comme la recherche de développements coûteux, le manque d’agilité et de flexibilité et l’absence d’ouverture participative.
Trouver un modèle alternatif, moins onéreux, plus flexible, plus ouvert et collaboratif, moins élitiste, est donc devenu une nécessité.
L’innovation frugale, qui consiste à innover et à créer plus de valeur avec moins, est au cœur des grandes thématiques de UP’ Magazine. C’est pourquoi UP’ a décidé de lancer « UP’ Dialog », des conférences permettant les échanges et le dialogue : notre media n’a pas la prétention de dispenser des cours magistraux et des savoirs déjà diffusés à haute dose par de multiples vecteurs et théorisés dans de nombreux ouvrages. Mais de proposer des changements de posture par l’analyse, la réflexion, afin de disposer de son rôle d’informateur comme vitaliseur d’actions et offrir une nouvelle vision pour le XXIème siècle.
La rareté est la mère des créations et l’adversité est le père de l’invention. Rien ne se perd et tout se transforme.
Qu’est-ce que ces conférences ont en plus ?
L’Innovation « Jugaad » en Hindi ou innovation frugale est un concept qui prône l’optimisation de produits au service des utilisateurs tout en utilisant le moins possible les ressources considérées comme rares, en perdition ou nocives pour l’environnement. C’est exactement ce que propose de faire UP’ : utiliser la matière grise d’intervenants de renom (rare !) et la diffuser lors de ces conférences pour optimiser leurs jugements, leurs prises de décision, leurs projets,… Etudiants, chercheurs, professeurs, chefs d’entreprise,… vous êtes les bienvenus pour recréer de l’ingéniosité ! Faire fructifier les idées avec des brainstormings qui ne laissent pas le temps de revenir vers les solutions classiques ! Et revenir à l’essentiel sans pour autant faire un pas en arrière en termes de progrès, c’est ce qui s’appelle innover de manière responsable.
Et pour réduire l’empreinte carbone et les coûts de production, UP’ vient vers vous, (ou chez vous en fonction des différents thèmes des conférences) : la première est organisée sur le plateau de Saclay, à Orsay, ce 3 juin 2015, pour être proche des innovations que les labos nous concoctent pour demain.
UP’ Dialog, ce sera une rencontre mensuelle à compter de septembre 2015, à date fixe, où deux intervenants de renom viendront exposer et débattre. Programme à venir.