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Notre futur est au fond des océans

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Les terra incognita existent encore sur notre planète.
Le fonds des océans en est une, de taille.

Dans un numéro spécial de la revue Science publié le 22 mai, une équipe de chercheurs, internationale et multidisciplinaire, a cartographié l’extraordinaire biodiversité d’un large éventail d’organismes marins. Issues d’une partie des 35 000 échantillons collectés dans les océans de la planète durant l’expédition Tara Oceans, ces données constituent des ressources sans précédent pour la communauté scientifique, dont un catalogue de plusieurs millions de nouveaux gènes, qui vont transformer la façon dont on étudie les océans et dont on évalue le changement climatique.

Depuis plus de 10 ans la goélette Tara a parcouru 300 000 kilomètres sur tous les océans et réalisé 10 expéditions pour étudier et comprendre l’impact des changements climatiques et de la crise écologique sur l’Océan, avec des résultats concrets.

Tara, c’est d’abord une histoire de famille : celle d’une mère et d’un fils qui aiment la mer, la terre, les hommes et la nature. « Tara, c’est aussi, au départ une histoire émouvante, témoigne Agnès Troublé, fondatrice et égérie d’Agnès b. Celle de ce bateau appelé Antarctica, conçu par Jean-Louis Étienne avec les architectes navals Luc Bouvet et Olivier Petit, qui devient le Seamaster de Sir Peter Blake, qui trouvera la mort à bord. Ensuite, c’est sa femme Lady Blake qui se prend d’estime pour mon fils Étienne qui rêve d’expéditions polaires et scientifiques… » La suite, on la connaît. « En 2003, on a décidé d’acquérir ce bateau, Étienne et moi, afin d’agir en faveur de l’environnement. C’est ma contribution, à travers le fonds de dotation Agnès b. coproducteur des expéditions de Tara avec d’autres parrains indispensables. »
L’histoire de Tara depuis dix ans parle pour elle. Mais il y a urgence : en trente ans, on estime que 75 % du volume des glaces de mer en fin d’été ont disparu en Arctique. La banquise en fin d’été est passée de quelque 8 millions de km2 à près de 3 millions de km2 aujourd’hui. « Nous ne pouvons rester contemplatifs, renchérit Étienne Bourgois. C’est pourquoi Tara est un projet international, qui dépasse les frontières. Le but de nos expéditions implique aussi, et à grande échelle, un partage de nos résultats. »

Ambition réussie puisque les données collectées pendant ces courses autour du monde nous font découvrir un monde nouveau, étrange, plein de promesses. Un monde extraordinairement fragile qui est pourtant le futur de notre planète.

Si les grands écosystèmes vitaux pour notre planète évoquent plutôt les forêts tropicales, le plancton des océans est tout aussi crucial. Ces êtres microscopiques qui dérivent dans les océans produisent la moitié de notre oxygène, agissent comme un puits de carbone, influencent et sont influencés par le climat et sont à la base des chaînes alimentaires océaniques qui nourrissent les poissons et les mammifères marins.
Les chercheurs de l’expédition ont collecté des virus, microbes et eucaryotes microscopiques (des algues unicellulaires aux larves de poissons) dans toutes les grandes régions océaniques et ont rassemblé l’ensemble de leur matériel génétique dans une base de données exhaustive désormais disponible à l’ensemble de la communauté scientifique.
Grâce à des techniques avancées d’étude des gênes, les scientifiques ont découvert près de 40 millions de gênes de microbes, virus, bactéries et autres protistes qui forment le plancton. Tous ces organismes microscopiques ne se battent pas pour leur survie mais collaborent, cela pourrait changer l’idée que l’on se fait de l’évolution explique Eric Karsenti, le directeur scientifique de l’expédition. 

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Eric Karsenti, Directeur scientifique de l’expédition Tara Oceans

La moisson de l’expédition est d’une importance scientifique capitale. Par son ampleur d’abord. Eric Karsenti explique avoir caractérisé 150 000 types d’organismes eucaryotes, ce qui est dix fois plus que ce qui était connu jusqu’à présent. Ce travail a permis de caractériser la quasi-totalité des organismes eucaryotes vivant dans les eaux tempérées. Pour les virus, nous avons trouvé qu’il n’y avait pas une énorme diversité constate-t-il. Par contre celle-ci est plus importante localement que globalement : on a l’impression qu’il existe des zones dans l’océan, « sources de diversité » des virus, probablement reliées à une grande complexité d’hôtes, mais qu’ensuite ces virus sont dispersés dans les océans. Quant aux bactéries, sur les 40 millions de gènes identifiés, la majorité sont nouveaux.

Un autre chiffre qu’il convient de mentionner : 39 virus marins étaient connus avant cette expédition, 5 437 ont été découverts pendant Tara Oceans !
Tout ceci représente, le séquençage de près d’un milliard de codes-barres génétiques et surtout la plus grosse base de données écosystémique jamais réalisée.

Sur le site 20minutes, Chris Bowler, chercheur au CNRS expliquait qu’avec cette étude il allait être possible d’anticiper l’état des océans dans 100 ans, « quels seront les impacts des changements de température, de l’acidification des océans, de la fonte des glaces… ». Il ajoute que les chercheurs n’en sont qu’au début de leur travail qui pourrait prendre jusqu’à 10 ans. Quoi qu’il en soit il faut comprendre que cette étude est fondamentale. En effet, « Ces micro-organismes sont à la base de toute la chaîne alimentaire des océans, mais aussi de mécanismes qui influencent l’ensemble de la planète, comme le cycle du carbone. » Le résultat montrant que la température détermine quelles espèces sont présentes est particulièrement pertinent dans le contexte du changement climatique mais, dans une certaine mesure, ce n’est que le début » souligne Chris Bowler : « Les ressources que nous avons générées vont nous permettre de plonger encore plus profondément dans l’univers planctonique et de commencer à vraiment comprendre les rouages de ce monde invisible ».

 

 

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©The 22 May 2015 Cover of Science. Reprinted with permission from AAAS. All Rights Reserved

 Le site de l’expédition Tara Oceans

 

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