Quelles innovations technologiques sont mises en place à ce jour pour contrer le changement climatique ?
Malgré les progrès limités accomplis à Copenhague, l’investissement dans l’innovation technologique en vue d’atténuer le changement climatique devrait s’accroître car de nombreux pays mettent en œuvre des politiques nationales contraignantes. L’union européenne a notamment mis en place une politique climatique communautaire orientée vers la durée comprenant de nombreux aménagements et objectifs pour consommer plus efficacement une énergie moins polluante, disposer de transports plus propres et plus équilibrés, responsabiliser les entreprises sans compromettre leur compétitivité, mettre l’aménagement du territoire et l’agriculture au service de l’environnement et créer un cadre favorisant la recherche et l’innovation. Les incitations économiques, les lois et les réglementations sont loin d’être des mesures révolutionnaires. Ce sont néanmoins des ajustement nécessaires pour préserver les avantages d’un environnement de qualité et peu menaçant pour la santé humaine. Ce sont là de bonnes intentions…
Il y a aussi les nombreuses institutions, ONG, Think Tanks et organismes divers à travers le monde qui ont réfléchi et pondu des milliers de constats, recommandations, alertes,… C’est Emile Malet qui, sur le blog de sa revue Passages, exprime très justement le décalage entre intentions et actions : « Le paradoxe réside ici dans l’écart entre ce que nous savons et ce que nous faisons, c’est à dire entre la conscience du problème, de sa gravité et de son urgence et l’absence ou la faiblesse des actions en conséquence. Il n’est sans doute pas besoin de démontrer que les efforts qui ont été faits jusqu’ici, que ce soit à travers l’action des Etats et collectivités publiques ainsi que ceux des entreprises et des individus ne nous ont pas déviés d’un pouce de la voie macabre dans laquelle l’humanité s’est engagée ».
S’agit-il alors moins de volonté politique pour agir que de moyens technologiques et financiers ? Où en sommes-nous sur le plan technologique ? Quelles innovations tangibles et concrètes à ce jour ?
La Géo-ingénierie : une option tabou
Cela semble être un canular : des dizaines de milliers de miroirs en orbite autour de la planète bleue. Tournés vers le soleil, ils diminueraient l’éclairement de la Terre et réduiraient les températures pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais ce projet est loin d’être une boutade, puisqu’il est soutenu par la NASA, et la CIA a décidé de se pencher sur les conséquences d’une maîtrise climatique. Ces miroirs ne sont qu’un exemple de géo-ingénierie. On peut également citer des projets d’arbres synthétiques capteurs de CO2, d’envoi de quantité de gaz ou d’eau salée dans les nuages, etc.
L’ingénierie climatique comprend toute une série d’interventions, qui peuvent être divisées en deux catégories principales : l’élimination du CO2 de l’atmosphère (Carbon Dioxide Removal, CDR) et le contrôle du rayonnement solaire qui arrive sur Terre (Solar Radiation Management, SRM). (Source : EDF Pulse)
La première approche comprend la manipulation des écosystèmes afin d’augmenter la quantité de dioxyde de carbone absorbée par la biomasse terrestre (plantes et sol) ou marine. Répandre des sulfates de fer à la surface des océans, par exemple, favorise la croissance des algues, qui fixent le CO2 à travers la photosynthèse. Des solutions plus innovantes prévoient l’utilisation d’«aspirateurs» pour filtrer le dioxyde de carbone présent dans l’air.
Quant aux techniques SRM, il ne s’agit pas uniquement d’installations dans l’espace. On peut aussi augmenter la réflectivité de la surface terrestre, des nuages ou de l’atmosphère. «En changeant la couleur de l’asphalte des routes, de noir à blanc, on peut arriver à un refroidissement local, par exemple dans une ville. Cela permettrait d’éviter des centaines de morts pendant les vagues de chaleur. Mais savoir si cela est possible à grande échelle est une autre question», note Matthias Honegger, du bureau de consultants Perspectives, spécialisé dans les questions climatiques.
Une des techniques SRM les plus étudiées et les plus prometteuses consisterait à pulvériser des aérosols dans la stratosphère, au moyen d’avions, de missiles ou de ballons. «On obtiendrait ainsi l’effet d’une éruption volcanique, explique Reto Knutti, professeur à l’Institut de recherches sur l’atmosphère et le climat de l’EPFZ. Et il est bien connu qu’après une éruption, comme celle du Pinatubo par exemple, la température diminue». Les poussières libérées par le volcan philippin en 1991 ont en effet fait baisser la température terrestre de presque un demi degré pendant deux ans.
Autant de pratiques qui présentent des avantages et des inconvénients.
En effet, les solutions de géo-ingénierie semblent efficaces, rapides et fiables pour réduire la chaleur de l’effet de serre. Le coût des dommages collatéraux de la géo-ingénierie serait moindre que ceux engendrés par le réchauffement climatique. Des recherches d’une telle ampleur auraient un effet multiplicateur sur les avancées scientifiques.
Mais on se heurte à l’impossibilité d’anticiper certains effets secondaires sur les équilibres écologiques. Donner la maîtrise du temps, c’est aussi faire de la météo une potentielle arme : Weather of Mass Destruction (Météo de Destruction Massive). Si tout les pays s’y mettent sans parfaite harmonisation, cela entraînera une réponse globale anarchique. Sans compter les coûts…
Nicolas Gruber, professeur de physique de l’environnement à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich juge « L’idée des miroirs dans l’espace réalisable bien que très coûteuse. »
« L’ingénierie climatique n’a encore jamais été discutée dans les négociations internationales sur le climat. Pour l’instant, elle reste un tabou politique, mais il pourrait être brisé », affirme de son côté Matthias Honegger du bureau de consultants Perspectives, spécialisé dans les questions climatiques.
Une bonne partie du monde scientifique reste sceptique, ou pour le moins, appelle à la prudence. A la conférence de Berlin, Mark Lawrence, directeur scientifique de l’Institut pour les études avancées sur la durabilité de Potsdam (Allemagne) a rappelé qu’ »aucune des techniques de l’ingénierie climatique ne peut être mise en œuvre rapidement et sans problèmes ». (Source : Luigi Jorio, swissinfo.ch)
Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas certains d’avoir un jour le choix… Alors, miroir, mon beau miroir, êtes vous pour ou contre une muraille contre le soleil ?
Séquestration du gaz carbonique
Il s’agirait de séquestrer dans le sous-sol terrestre et dans le fond des océans le CO2 produit par la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel). Il suffirait de détourner, à la sortie des cheminées des usines, notamment les centrales thermiques, les GES vers des puits terrestres et océaniques. Au lieu de se retrouver dans l’atmosphère, les émissions de gaz rejetées par la combustion des énergies fossiles pourraient être acheminées vers des puits profonds et stables par des conduits ressemblant à des gazoducs actuellement utilisés pour le transport du gaz naturel. On enterrerait ainsi le problème…
Cette solution paraît réalisable, mais on n’en connaît pas encore les coûts. Les auteurs pensent qu’elle ne devrait pas occasionner de changements techniques majeurs ; elle exigerait seulement une adaptation des techniques existantes à des fins de captation et de séquestration du gaz carbonique et autres GES.
Récupérer la chaleur des réseaux d’assainissement urbain pour chauffer les bâtiments
Dans l’eau et les déchets, de nombreux programmes sont désormais dédiés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, à l’optimisation énergétique et au développement du potentiel d’énergies renouvelables. A titre d’exemple, le biogaz est produit naturellement par la digestion anaérobie des boues dans les stations d’épuration et par la fraction fermentescible des ordures ménagères, notamment dans les centres de stockage. Sa captation puis son exploitation participent à la réduction de l’empreinte environnementale des activités. Son exploitation permet la production d’énergie. Les services R&D de nombreux groupes travaillent notamment sur les processus de captation et de purification du biogaz, ainsi que son utilisation en cogénération (chaleur et électricité).
Pour exemple, la solution Degrés Bleus, développée par Lyonnaise des Eaux, qui permet aux collectivités de récupérer l’énergie contenue dans les eaux usées. En hiver, les eaux usées sont nettement plus chaudes que l’air extérieur. La chaleur provenant des eaux usées peut en être récupérée. En été, l’inverse se produit et les bâtiments peuvent être rafraîchis. Depuis 2010, 90% du chauffage des bassins du centre aquatique de la ville de Levallois-Perret (92) bénéficient de cette technologie qui permet une réduction des émissions de CO2 jusqu’à 70%.
Les collectes écologiques de déchets
La benne à ordures ménagères (BOM) 100% électrique commercialisée par SITA intègre des technologies innovantes (batteries au lithium-ion de grande capacité énergétique, récupération de l’énergie cinétique du véhicule lors du freinage) qui lui confèrent des performances équivalentes à une BOM Diesel traditionnelle. Cette benne nouvelle génération assure une collecte moins polluante, plus silencieuse et plus sûre : un réel bénéfice pour une ville durable. Courbevoie, en périphérie parisienne, été la première ville à se doter de ce véhicule en 2011, pour la plus grande tranquillité de ses riverains. Qu’attendent les autres agglomérations ?
Mobilité : le moteur électrique
Une des innovations les plus attendues est le remplacement du moteur à essence par un moteur mû par une source d’énergie non polluante. Le moteur électrique est sur les rangs, mais ses promesses sont limitées puisque les accumulateurs d’où le moteur tire son énergie doivent être alimentés par de l’énergie qui peut provenir des énergies fossiles. On ne fait alors que déplacer le problème à une source antérieure. La diffusion du moteur électrique dans les véhicules automobiles permettrait de réduire la pollution urbaine, mais pas forcément la pollution atmosphérique dans son ensemble. On fonde de grands espoirs sur le moteur à hydrogène, produit d’une réaction chimique entre oxygène et hydrogène, dont les rejets donnent de la vapeur d’eau. Les constructeurs automobile sont dans la course pour mettre sur le marché cette technologie, attisés en partie par des lois antipollution de plus en plus strictes, comme en Californie qui a opté pour une pollution automobile proche de zéro dans un avenir très rapproché.
Mais comment sera produit le combustible hydrogène? Nécessitera-t-il une grande quantité d’énergie d’origine fossile ? Les jeux technologiques ne sont pas encore complètement faits ; il faut éviter de déplacer, dans le cycle de production complet, les problèmes d’une étape en aval à une autre en amont.
Conclusion
Une question, toutefois, demeure : quelles seront l’ampleur et la rapidité d’implantation des solutions institutionnelles et technologiques ?
Le rapport sur le climat remis samedi 8 septembre 2014 à Ségolène Royal et basé sur les conclusions du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) rappelle une nouvelle fois qu’il y a un consensus scientifique large sur le changement climatique et qu’il est urgent d’agir. La Conférence de Paris 2015 sera un moment crucial pour définir un consensus mondial sur le climat.
Et n’oublions pas que les pays en développement doivent participer à la révolution de la technologie énergétique en tant qu’innovateurs, plutôt qu’en simples usagers de technologies…
– Lire le rapport GreenFacts « Quelles techniques pourraient réduire les émissions de gaz à effet de serre ? »
– Lire le rapport « Comment réduire (vraiment) les gaz à effet de serre »
– Guide « Evaluation des besoins technologiques pour le changement climatique »