Le secteur de la construction est responsable, à lui seul, de 50 % de l’exploitation mondiale des ressources non renouvelables. Le sable est donc au cœur des enjeux économiques actuels.
Mickael Welland, géologue, souligne même que « le sable est le héros invisible de notre époque car il est omniprésent dans notre vie » ; ce dont peu de gens sont conscients. Paradoxalement, les sables du désert, comme à Dubaï, sont impropres à la construction, nécessitant l’importation de sables d’Australie dans les UAE, grands consommateurs.
Le sable, héros invisible
Quand s’agrègent à ce constat la flambée des prix des matériaux qui est en train de toucher la filière du bâtiment, et l’explosion de la demande mondiale pour la fabrication des fioles de vaccin, force est de constater qu’il devient urgent d’entrer dans un nouveau paradigme.
Le sable sera la prochaine bataille mondiale car la ressource se raréfie, les prix flambent, la demande est exacerbée, générant des tensions extrêmes, attisant tous les appétits y compris ceux de la mafia. En Asie, le besoin est tel qu’il fait l’objet d’un trafic ahurissant.
La demande est d’ailleurs tellement forte que l’extraction illicite et le trafic de sable sont un problème mondial. Pour la mafia, donc, c’est un produit présent partout et facile à exploiter, jusque sur les sites touristiques. Cette surexploitation induit des conditions de travail souvent dangereuses, voire nombre d’assassinats pour contrôler les mines, les dépôts de sable à draguer en rivière ou dans les écosystèmes marins et les autres sites potentiels.
Le pillage du sable touche tous les continents et tous les pays. Le sable volé représente 40 à 45 % des côtes, rivières et autres lieux. C’est un désastre écologique sans précédent entraînant instabilité des berges des fleuves, érosion des terres agricoles, altération de l’hydrographie des cours d’eau et impactant la faune et la flore.
La surexploitation de la ressource, les barrages et la mauvaise gestion du littoral feront un cocktail explosif pour les plages de la planète. Ajoutée aux prévisions d’augmentation du niveau de la mer, c’est une catastrophe écologique annoncée s’il n’y a pas de prise de conscience urgente et de solutions techniques immédiates. Ces enjeux sont brillamment exposés par Denis Delestrac dans son documentaire «Sand wars », réalisé en 2013, qui est récemment nominé pour le prix du meilleur film environnemental de la décennie soutenu par Green Film Network.
Les travaux menés dans le cadre de la gouvernance du sable sont formels : cette crise impose de modifier la façon dont nous construisons les villes, en modifiant les filières, en adoptant des matériaux de construction moins nuisibles.
L’expansion urbaine rapide est le principal moteur de l’appropriation croissante du sable, car le sable est un ingrédient clé du béton, de l’asphalte, du verre et de l’électronique. Le développement urbain pèse donc de plus en plus sur le sable, dont la pénurie provoque des conflits dans le monde entier. À cela s’ajoutent d’autres contraintes sur le sable qui résultent des transformations de la lisière terre-mer dues à l’essor des populations côtières, de la rareté des terres et des menaces croissantes liées aux changements climatiques et à l’érosion côtière. Selon le rapport trademachines, en n’agissant pas, d’ici 2100, il n’y aura d’ailleurs plus de plages dans le monde. Nombre d’experts sont persuadés que « le seul moyen de l’éviter passe par une meilleure gouvernance de l’extraction et de l’utilisation du sable ».
Une ressource non renouvelable
Demande titanesque
La tragédie des bancs de sable
Une prise de conscience mondiale, certes, mais, aussi, nationale, à chaque strate, doit prévaloir. En étant sensibilisés aux enjeux, les utilisateurs et décideurs, pas uniquement politiques mais, d’abord, citoyens consommateurs, doivent pouvoir influer sur cette catastrophe annoncée. Imposer des matériaux recyclés sur les chantiers, limiter l’utilisation de ressources non renouvelables, privilégier les « circuits courts », doit devenir un réflexe acquis dans le monde de la construction de demain, qui verra les villes dans le monde passer de 4,5 à 5,2 milliards d’habitants.
De nouvelles solutions audacieuses et innovantes
Comment franchir aujourd’hui une nouvelle étape pour que le futur de l’industrie de la construction soit plus vertueux et tourné vers le développement durable et l’écoresponsabilité ? L’exemple de l’entreprise familiale MS apporte une réflexion de fond autour de l’exploitation de déblais issus de chantiers du BTP, dans une optique de transformation en sable à forte valeur ajoutée afin de minimiser les prélèvements en milieu naturel. Réemployer les déblais sur l’enceinte d’un chantier, exploiter les « stériles », recycler les déchets du BTP, … autant de savoir-faire nécessitant une haute technologie industrielle. Laver et calibrer les sables en supprimant les impuretés pour atteindre une granulométrie régulière et adaptée, était un postulat concrétisé, entre autres, dans le cadre du Viaduc de Millau pour lequel MS a déposé un brevet pour la correction granulométrique en ligne. Mais le faire en y adjoignant les notions de recyclage de matériaux aléatoires, de diminution de la ressource en eau et de circuit court en installant des usines temporaires de proximité (30 à 40 kms) pour minimiser les déplacements, nécessitait une nouvelle logistique. La production d’un sable de grande qualité contribuant à des constructions plus vertueuses, pourrait ainsi être réalisée tout en préservant les ressources (plages, rivières, …). Une manière d’associer le meilleur de la technologie au service de l’économie circulaire. Avec loyauté, dans une relation vraie et inspirée, avec pour mission de contribuer à des constructions durables toujours créatrices de valeur.
Du déchet vers sa revalorisation, pour une économie circulaire
Actuellement, les stériles de carrières et les déblais issus des chantiers du BTP, de construction ou de démolition, sont pour la plupart considérés comme des déchets. Au sein de l’Union Européenne, les déchets générés par ce secteur d’activité représentent la plus grande filière de résidus. Or, ces déblais sont partiellement constitués par du sable, présent dans les bétons.
Si l’Unicem parle d’un taux de recyclage de 80% pour les matériaux inertes, il s’agit, dans la majorité des cas, de remblais et, donc, de faible valeur ajoutée. Le projet national Recybéton est clair : « Au lieu d’utiliser les granulats de bétons recyclés principalement sur des opérations à faible valeur ajoutée (remblais, plates-formes routières…), nous pouvons désormais les valoriser par le haut dans le cadre élargi d’une économie plus circulaire. »
« Nous sommes aujourd’hui en mesure de donner toutes les clés pour mettre en œuvre le recyclage du béton avec la possibilité concrète de réduire, à terme, de 20 à 30 %, notre consommation de granulats naturels. » On peut donc agir en faisant plus et mieux avec moins, ou quand innovation rime avec frugalité et durabilité.
A titre d’exemple, de nombreuses tonnes de sable extraites lors des travaux de construction du Grand Paris Express (initiés en 2016 et comportant 200 km de lignes, 68 nouvelles gares de métro, 7 centres techniques…) peuvent servir sur ce gigantesque chantier à la production de sables recyclés susceptibles d’être exploités dans de nouvelles constructions. Il en sera de même pour le futur métro de Toulouse ou, encore, le canal Seine Nord dont les travaux vont bientôt démarrer…
De même, les remblais issus de la déconstruction d’autoroutes, d’immeubles, de ports, ou de toute autre construction dans laquelle a été employé du béton sont susceptibles d’être valorisés, après transformation, dans un cycle vertueux.