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Le coton du Gers : l’idée folle de trois apprentis sorciers

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Ils font pousser du coton 100 % français au cœur du Gers

Quand on vous demande à quoi vous fait penser le Gers – surtout en cette période de l’année – vous pensez à quoi ? Hé bien, détrompez-vous, le Gers, désormais ce sera aussi … le coton. Yohan de Wit, Médéric et Samuel Cardeillac ont planté quatre hectares de coton dans le Gers pour produire des polos 100% made in France. Tout a commencé avec six graines achetées sur internet et plantées au fond du jardin.
 
Mais l’histoire du coton a commencé il y a bien longtemps … lorsque les troupes d’Alexandre Le Grand franchissant l’Indus en 326 avant Jésus-Christ, rencontrent des populations qui portent des vêtements plus fins et plus légers qu’aucun autre. Les soldats s’émerveillent, s’informent et ramassent les graines qu’ils plantent dès leur retour en Grèce. Mais les résultats déçoivent et ce sont les Arabes qui importent les tissus d’Inde en commençant à cultiver le coton en Egypte, en Algérie, jusqu’à Grenade, Séville, au sud de l’Espagne. Pendant ce temps, les Etats-Unis cultivent aussi ces arbustes. Au XVIIIe siècle, l’Europe se prend de passion pour les cotonnades. Les importations d’Inde ne suffisent plus ; se créent alors les machines à filer et à tisser, notamment en Angleterre qui se fournit en Caroline, au Texas, en Californie, … Et puis presque tous les pays s’en mêlent dont la France qui lance la production dans son empire colonial africain. Bref, dès la fin du XIXe siècle, la planète s’est couverte de cotonniers et d’usines, ceux-là ravitaillant celles-ci. (1)

Le Gers, terre d’évolution

Le Gers c’est près de 7 800 exploitations sur 446.400 hectares de Superficie Agricole Utile (SAU), dont 1 360 exploitations en agriculture biologique sur 74.761 hectares (20 % des exploitations du département). Donc le premier département agricole en France pour le tournesol, le maïs … Et pourtant, depuis ces six dernières années, plus de 710 agriculteurs ont abandonné le métier.
Alors, quand trois agriculteurs du cru choisissent de diversifier les cultures, on les prend au départ « pour des apprentis sorciers ». Mais pour répondre aux vœux des représentants de la Chambre d’Agriculture du département, « Côté économie, l’avenir n’est pas dans les anciennes structures mais sur des actions de progrès afin que l’exploitant dégage un revenu décent ».

Diversification des cultures et … du climat

Samuel, Médéric et Yohan se lancent en 2016 le défi de produire du coton en France. Leur objectif, fabriquer des polos en coton 100% Made in France. De cette folle idée naît Jean Fil.
Les premières graines ont poussé et Yohan, Médéric et Samuel entament leur deuxième campagne de récolte de coton : « L’année dernière, nous en avons semé 25 000 plants sur 4 hectares et nous avions récolté 100 kg de fibre de coton. Cette année, nous en avons récolté 300 kilos. »
 
 
« Il était donc possible de faire du coton en France », déclare Samuel Cardeillac. Le coton est l’une des fibres les plus utilisées au monde et elle représente près de la moitié des fibres textiles mondiales. Pourtant, tous les pays ne peuvent pas en cultiver car il faut des conditions de températures et de climat bien définies : l’arbuste vit habituellement dans les régions tropicales et subtropicales, là où le soleil est chaud et la pluie abondante. Il a besoin d’une période végétative assez longue et de quatre mois d’eau. À la fin de sa croissance, le cotonnier a besoin d’un climat sec afin de développer son fruit en forme de capsules recouvertes de cette fibre si précieuse. Et si le temps est trop humide la fibre aura tendance à pourrir et ne sera pas utilisable.
 
Le cotonnier peut cependant supporter des climats tempérés mais surtout pas de gel qui le ferait mourir : Le coton s’arrête de pousser en dessous de zéro degré, il meurt et il arrête sa croissance au-dessus de 37 degrés. Le changement climatique aurait donc des qualités permettant de nouvelles cultures en France, là où ce n’était pas possible avant …
 
Alors quoi faire à partir du coton cultivé ? Les trois agriculteurs se sont renseignés sur toute la filière, du fil au produit fini, et ont choisi de créer leur propre marque de polo 100 % français, Jean Fil.
Très attachés à une fabrication de très bonne qualité, de manière à éviter toute dégradation de la fibre, ils ont confié au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) le soin d’analyser leur production.
Cette toute première collection a entièrement été réalisée en France, grâce à des partenariats noués avec plusieurs industriels français, comme avec Guy Herard, ou Aube tricotage, pour le tricotage ou avec France Teinture pour les teintures. Ils sont actuellement confectionnés chez les établissements Chanteclair, une bonneterie qui va les découper et les coudre. Ensuite, ils vont aller chez Sobrofi-Sérimar pour le brodage, un petit plant de coton à trois branches, clin d’œil aux trois associés créateurs. Premier prix de vente : 120 € qui s’ajustera en fonction de la qualité de production du coton et des réactions des premiers consommateurs.
 
 
Avec la récolte de 2017, les trois hommes ont pu créer 100 polos. « Nous avons beaucoup perdu à la filature car l’entreprise n’était pas habituée à de si petites quantités », souligne Samuel. Les premiers modèles sont arrivés en septembre mais entre la famille et les amis, ils sont déjà en rupture de stock ! Il faudra donc attendre la récolte de cette année, faite à la main par les agriculteurs et des bénévoles du village, pour espérer avoir son polo Made in France. « A Montréal-du-Gers, les gens sont très enthousiastes à propos de notre projet », précise Yohan de Wit à La Dépêche.
 
Environ 50 000 euros ont été investis dans le projet par les trois fondateurs de Jean Fil. Après avoir englouti toutes leurs économies dans l’achat des machines et l’immobilisation des parcelles, une banque a accepté de suivre la réalisation de ce véritable pari.
 
Il a fallu surtout trouver une bonne semence, ainsi qu’une terre adaptée à ce type de graines. Après une première année de tests et la perte d’un hectare de coton, les résultats sont concluants : les plants de coton s’épanouissent sous le soleil du Gers où la semence a lieu au printemps et la récolte vers le mois d’octobre. Grâce à une pluviométrie correcte et aux sols argilo-calcaires dont bénéficie le département, le tout effectué selon une agriculture raisonnée, la réussite est au rendez-vous.
Prochains objectifs ? Obtenir le label HVE (haute valeur environnementale). « De toute façon on préfèrera avoir peut-être un rendement plus faible que de devoir arroser. Et si au final notre récolte est moins bonne, on récupèrera sur les marges à long terme ! » se rassure Yohan de Wit.
La prochaine collection devrait proposer une nouvelle gamme pour femme dans leur boutique en ligne, sur leur propre site internet, en attendant l’ouverture de boutique éphémères à Bordeaux et Bayonne.
 
Et comme l’écrit merveileusement Erik Orsenna dans son « Voyage aux pays du coton », « … Je me souviens du début, tout début de l’histoire : « un homme qui passe remarque un arbuste dont les branches se terminent par des flocons blancs. On peut imaginer qu’il approche la main. L’espèce humaine vient de faire connaissance avec la douceur du coton. » Deux mille ans plus tard, la première leçon d’un tour du monde est celle-ci : sur terre, la douceur est une denrée rare, et chèrement payée. » (Edition Fayard, 2006)
 
 
(1) Voyage aux pays du coton d’Erik Orsenna – Edition Fayard, 2006

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