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Education : la grande injustice des disparités de répartition des dépenses publiques

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Les défis dans le secteur de l’éducation ne seront pas relevés uniquement par une augmentation du financement ou des dépenses. La question importante est : comment les ressources éducatives sont-elles réparties à travers les segments de la société ? Le financement de l’éducation publique, service destiné à être un égalisateur, répond-il à la théorie les besoins des enfants les plus pauvres et les plus vulnérables ?
Alors que la réunion annuelle du Forum économique mondial commence demain, mardi 21 janvier 2020, et que les ministres de l’Education se réunissent aujourd’hui au Forum mondial de l’éducation, l’UNICEF exhorte les décideurs à s’attaquer aux « honteuses » disparités constatées dans les dépenses publiques d’éducation.

Les lycéens sont, eux aussi, dans la rue. Ils ne se battent pas seulement contre la réforme des retraites, mais aussi pour l’égalité et l’équité de l’éducation pour tous. Bien que les enfants soient plus nombreux que jamais à être scolarisés, beaucoup trop d’entre eux n’apprennent pas. Un facteur clé qui affecte la qualité de l’éducation est la disponibilité du financement public. Le sous-investissement dans l’éducation peut entraîner plusieurs conditions qui ont un impact négatif sur la manière dont les enfants apprennent et sur ce qu’ils apprennent.

Une note de sensibilisation de l’UNICEF présente des données et des analyses sur le financement de l’éducation dans 42 pays et met en évidence les grandes disparités dans la répartition du financement public de l’éducation. Il souligne que le manque de ressources disponibles pour les enfants les plus pauvres exacerbe une crise d’apprentissage paralysante, car les écoles ne parviennent pas à offrir une éducation de qualité à leurs élèves. Elle appelle donc les gouvernements et les principales parties prenantes à s’attaquer d’urgence au problème de l’équité dans le financement de l’éducation et présente des mesures spécifiques requises pour assurer une éducation de qualité équitable pour chaque enfant.

En France, les fonds alloués à l’éducation des enfants des 20 % de ménages les plus riches représentent environ 1,3 fois le montant des fonds alloués à l’éducation des enfants des 20 % de ménages les plus pauvres, selon ce nouveau document UNICEF.
Dans un article du Monde en juin dernier, les géographes Rémi Rouault et Patrice Caro déclaraient que « Le service public de l’éducation est en train de se transformer en service à la personne » : une confirmation de la fragmentation et des inégalités territoriales du système éducatif français en matière de répartition des moyens humains et financiers.

Lancé aujourd’hui, alors que les ministres de l’éducation se réunissent au Forum mondial de l’éducation à Londres et que les dirigeants se préparent pour la réunion annuelle du Forum économique mondial à Davos, le document intitulé « Addressing the learning crisis : an urgent need to better finance education for the poorest children » met en lumière les disparités majeures dans la répartition des dépenses publiques d’éducation dans la majorité des pays.

« Tant que les dépenses publiques d’éducation seront disproportionnellement orientées vers les enfants des ménages les plus riches, les plus pauvres n’auront que peu d’espoir d’échapper à la pauvreté, d’acquérir les compétences dont ils ont besoin pour être compétitifs et réussir dans le monde d’aujourd’hui, et de contribuer à l’économie de leur pays », affirme Sébastien Lyon, directeur général d’UNICEF France.

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Une crise d’apprentissage paralysante

Cette analyse qui utilise les données de 42 pays, dont la France, souligne que dix pays d’Afrique sont responsables des plus grandes disparités dans les dépenses d’éducation, avec quatre fois plus de fonds alloués aux enfants les plus riches qu’aux plus pauvres.
En Guinée et en République centrafricaine – pays où les taux d’enfants non scolarisés sont parmi les plus élevés du monde – les enfants les plus riches bénéficient respectivement de neuf et six fois plus de fonds publics pour l’éducation que les enfants les plus pauvres. Par exemple, au Kenya, dans le comté de Mombasa, 70 % des élèves doivent parcourir 7 à 10 kilomètres pour se rendre à l’école. La plupart proviennent de familles pauvres et sont souvent fatigués et affamés lorsqu’ils arrivent à l’école.
La Barbade, le Danemark, l’Irlande, la Norvège et la Suède sont les seuls pays inclus dans l’analyse qui répartissent équitablement le financement de l’éducation entre les quintiles les plus riches et les plus pauvres.

Le document note que le manque de ressources disponibles pour les enfants les plus pauvres exacerbe une crise d’apprentissage paralysante, car les écoles ne parviennent pas à offrir une éducation de qualité à leurs élèves. Selon la Banque mondiale, plus de la moitié des enfants vivant dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ne peuvent pas lire ou comprendre une histoire simple à la fin de l’école primaire.
Le financement limité et inégalement réparti se traduit par des classes à effectifs importants, des enseignants mal formés, un manque de matériel éducatif et une infrastructure scolaire médiocre. Cela a aussi un impact négatif sur la fréquentation, la scolarisation et l’apprentissage.

Le document note également que près d’une adolescente sur trois dans les ménages les plus pauvres du monde n’a jamais été à l’école. La pauvreté, la discrimination fondée sur le sexe, le handicap, l’origine ethnique ou la langue d’enseignement, l’éloignement physique des écoles et la médiocrité des infrastructures sont autant d’obstacles qui continuent d’empêcher les enfants les plus pauvres d’accéder à une éducation de qualité. L’exclusion à chaque étape de l’éducation perpétue la pauvreté et est un facteur clé de la crise mondiale de l’apprentissage.

Les enfants les plus défavorisés, qui sont confrontés aux obstacles les plus importants de possibilités d’apprentissage, seront ceux qui sont confrontés à la nature amplificatrice des lacunes dans l’éducation. Par exemple, les transitions entre l’école et le travail sont considérablement plus longs pour ceux qui ont de faibles niveaux d’éducation et de compétences. Ils sont également plus susceptibles de subir des emplois peu rémunérés et peu qualifiés. Pour eux, la promesse d’une éducation complète restera lettre morte à moins que nous ne commencions à nous diriger vers une voie plus équitable.

Ainsi, le document énonce des lignes directrices claires :

  • Dans le cadre de l’allocation des ressources nationales, les fonds doivent être distribués de manière à ce que les enfants des 20 % de ménages les plus pauvres bénéficient d’au moins 20 % du financement de l’éducation.
  • Donner la priorité au financement public des niveaux d’éducation inférieurs – où les enfants des ménages les plus pauvres sont le plus représentés – et augmenter progressivement les allocations aux niveaux supérieurs lorsque la couverture est proche de l’universel aux niveaux inférieurs.
  • Fournir au moins une année d’enseignement pré primaire universelle pour chaque enfant. L’éducation pré primaire est le fondement sur lequel repose chaque étape de la scolarisation. Les enfants qui achèvent l’enseignement pré primaire apprennent mieux, ont plus de chances de rester à l’école et de contribuer davantage à leur économie et à leur société lorsqu’ils atteignent l’âge adulte. L’affectation d’au moins 10 % des budgets nationaux de l’éducation contribuera à la réalisation de l’accès universel.

Le XIIe forum mondial Paulo Freire

Ce forum se tiendra à Paris les 17 et 18 septembre 2020, suivi du forum social de l’éducation les 19 et 20 septembre, avec pour thème « Éducation, genre et migration : opportunités et menaces dans un contexte de montée des discours de haine en ligne ». Un autre problème est posé.

Si la fin du XIXe et le XXe siècles se sont caractérisés par un capitalisme industriel et un nationalisme à l’origine de longs conflits meurtriers à l’échelle mondiale, le XXIe siècle se trouve, quant à lui, défié par les plus grands mouvements migratoires transnationaux (1). Dans ce contexte mondial marqué par l’augmentation des migrations internationales liées au terrorisme, à divers conflits, aux catastrophes environnementales etc., les sociétés démocratiques sont interpellées sur leur capacité à garantir un droit universel à l’éducation (proclamé par l’article 26.1 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme), des conditions de scolarisation adéquates et de réussite à toutes et tous les enfants. En effet, selon l’UNESCO, 15% des enfants dans le monde n’étaient toujours pas scolarisés au primaire en 2000, même si ce chiffre s’est établi à 9% en 2014 (2). Il convient dans la même perspective de rappeler que les filles, les personnes handicapées et les enfants en zone de conflit seraient les plus affectées par la déscolarisation (3).

Relevons par ailleurs d’importantes mutations sociétales dans certaines régions du globe, à l’instar de l’espace méditerranéen, l’Amérique Centrale (plus encore que du Sud), la frontière Sud des États-Unis avec le Mexique entre autres, qui sont passées de terres d’accueil de migrants ou d’exilés à des régions productrices de main d’œuvre migrante à bas prix, parfois l’inverse, et ce, en l’espace de quelques années tout juste (4).

Un projet d’inclusion à l’épreuve des inégalités en éducation

D’une manière générale, l’enjeu de l’inclusion scolaire pour tous, réaffirmé par les instances internationales au siècle dernier, s’est globalement traduit par des politiques éducatives visant à plus d’inclusion et d’inclusivité. Mais la nouvelle donne géopolitique et les nouveaux déplacements massifs compromettent bien des luttes pour l’accès de tous à une scolarisation, pourtant souvent obligatoire.
Malgré la démocratisation scolaire et l’élargissement de l’accès aux études secondaires et universitaires pour les classes populaires (dans les sociétés occidentales notamment), ces politiques d’inclusion se sont en effet accompagnées d’une reconfiguration des inégalités scolaires (5), à resituer dans un contexte de massification scolaire, d’accroissement/diversification des flux migratoires et d’essaimage à l’échelle mondiale du mode de gouvernance néolibéral de l’école (6). Dans ce mouvement, l’exclusion des plus vulnérables peut parfois se conjuguer avec le difficile accès de certains migrants aux nouvelles technologies leur permettant par exemple d’apprendre une nouvelle langue, de se géolocaliser via un smartphone, ou encore d’accéder à différents autres services utiles à leurs insertion et intégration sociales.

Au total, si le XXe siècle a posé l’éducation comme un droit universel et une liberté, le XXIe siècle continue d’interroger ce droit dans les espaces interstitiels (espaces d’exception, zones de conflits, camps de réfugiés…) où il se verrait menacé tout en réaffirmant plus que jamais l’éducation comme une nécessité (7).
L’intégration économique de la personne, indépendamment de son sexe, genre et de son origine géographique, sociale ou religieuse sous-tend désormais des initiatives nationales et internationales sans que, pour autant, l’on cesse de déplorer l’exclusion des plus vulnérables.

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Notes :

  • Le point de données sur les adolescentes des ménages les plus pauvres se réfère aux filles de 10 à 19 ans du quintile le plus pauvre qui n’ont jamais été à l’école.
  • Le point de données sur les dix pays d’Afrique qui présentent les plus grandes disparités dans les dépenses publiques d’éducation se rapporte à la Guinée, à la République centrafricaine, au Sénégal, au Cameroun, au Bénin, au Niger, au Rwanda, au Ghana, au Togo et à la Tunisie.

(1) Source : Wihtol de Wenden, 2018
(2) Source : Institut de statistique de l’UNESCO
(3) Source : Institut de statistique de l’UNESCO ; eAtlas de l’UNESCO sur les enfants et les jeunes non scolarisés ; UNICEF, 2016
(4) Source : Wihtol de Wenden 2013, 2017, 2018
(5) Source : Duru-Bellat & Kieffer, 2008 ; Merle, 2002 ; CNESCO, 2016 ; Felouzis & Fouquet-Chauprade, 2015
(6) Laval et al., 2011
(7) Chelpi-den Hamer et al., 2010

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