Le projet « Nutrition Renforcée et Intégrée pour la Santé » ou NUTRIS, initié par les équipes d’Action Contre la Faim au Tchad, à Djibouti et à Madagascar a officiellement débuté, avec le soutien financier de l’Agence Française de Développement. En renforçant les systèmes de santé, en améliorant l’accès aux soins et l’environnement sanitaire des familles qu’il va toucher, il devrait permettre de lutter durablement contre les ravages de la sous-nutrition sur les enfants de ces trois pays. Projet intégré, collaboratif et innovant, NUTRIS constitue un pont entre les programmes de terrain et les efforts de plaidoyer et représente une nouvelle façon d’envisager la lutte contre la sous-nutrition.
La sous-nutrition touche plus de 2 milliards d’individus dans le monde. Soit plus du double des 795 millions de personnes sous-alimentées. Hausse de la mortalité maternelle et infantile, handicaps physiques, affaiblissement du système immunitaire et des facultés intellectuelles : les effets de cette « faim invisible » sont dévastateurs. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la sous-nutrition tue ainsi près de 3 millions d’enfants de moins de 5 ans sur les 6,3 millions qui meurent chaque année.
Un fléau qui survient lorsque l’apport de vitamines et minéraux (zinc, iode, fer, vitamines A et B) ne suffit pas à assurer une bonne santé et un bon développement.
Comment lutter efficacement et durablement contre ce fléau qu’est la sous-nutrition ? Cette question, les équipes d’ACF tentent d’y répondre quotidiennement depuis 37 ans en proposant des programmes de prévention et de traitement toujours plus innovants. Les causes de cette maladie sont diverses mais désormais bien connues. On sait notamment que les populations victimes de sous-nutrition vivent dans des conditions sanitaires (santé, eau et assainissement) très précaires, une des causes de leur état. Le projet NUTRIS semble innovant car il s’attaque en parallèle à de nombreux aspects du problème. C’est un projet d’un montant global de 1 247 673 euros, et prévu pour une durée de trois ans, financé à hauteur de 60% par l’Agence Française de Développement, et avec la participation financière d’ACF pour 20%.
En plus de soutenir les familles les plus vulnérables dans la réalisation d’infrastructures sanitaires, il vise à initier et accompagner des changements de comportements profonds dans toute la communauté. Il permettra également d’augmenter le nombre de consultations et le suivi médical des populations à risque de développer la sous-nutrition. Sabine Rouhier, référente Plaidoyer à Action contre la Faim rappelle à ce propos que « dans les zones où nous mettons aujourd’hui en place le projet NUTRIS, les maladies liées à l’eau sont fréquentes et rendent difficile la bonne assimilation des aliments. Pour lutter efficacement contre la sous-nutrition, il faut permettre aux familles d’avoir facilement accès aux soins et soutenir la mobilisation et la sensibilisation de tous par des investissements plus importants dans l’eau, l’assainissement et l’hygiène. »
Financé par l’Agence française de développement (AFD) et mis en place avec l’aide de partenaires locaux et en collaboration avec les autorités des pays concernés, le projet NUTRIS va se dérouler dans des zones rurales et urbaines : au Tchad dans les communes de Mao et Mondo, à Djibouti dans les communes de Balbala et Obock et à Madagascar, dans les districts sanitaires de Tuléar et de Betioky. Il se déroulera en plusieurs phases.
1 . Diagnostic et recommandations
« Ce premier volet va permettre de réunir tous les acteurs autour de la table pour obtenir une meilleur analyse des besoins et contraintes et d’identifier les freins qui limitent aujourd’hui l’accès aux soins ou leur qualité dans ces trois pays.» explique Anne-Dominique Israel, Référente Nutrition et Santé pour Action contre la Faim.
En effet, des groupes de travail réunissant représentants de la société civile, autorités sanitaires et coutumières, experts d’ACF et associations partenaires (ASRADD au Tchad, Paix et Lait à Djibouti et ASOS à Madagascar) vont réaliser des diagnostics des systèmes de santé. L’aspect participatif du projet permettra de porter la voix de chacun. « Des recommandations prioritaires seront proposées pour chaque pays et pourront inclure des activités de formation, le renforcement des ressources humaines, des réhabilitations de structures, etc… en fonction du diagnostic posé» explique Patrick Dimanin coordinateur du Projet pour Action contre la Faim « ils serviront de références aux futurs projets d’ACF, aux autorités sanitaires et à la société civile ». L’objectif de ces améliorations est de permettre aux enfants de moins de 5 ans et aux femmes enceintes et allaitantes, les principales victimes de la sous-nutrition, de se rendre dans les centres de santé et d’avoir un meilleur accès à l’ensemble des services de santé de base (vaccination, consultations pré et post natales, soins pédiatriques divers…) de manière durable. »
2. Améliorer l’environnement sanitaire par une stratégie d’intervention innovante :
Parallèlement une enquête auprès des familles permettra d’identifier les outils ou services qui pourraient leur être utiles en matière d’amélioration d’accès à un assainissement de qualité et/ou à l’eau potable et entraîner des changements de comportements durables : besoin d’avoir des toilettes familiales ou de réhabiliter des pompes manuelles, avoir accès à des services de vidange hygiénique, connaitre les techniques de traitement de l’eau à domicile … NUTRIS étant un projet global, il permettra également de soutenir la production du secteur privé et la diffusion à grande échelle des produits ainsi identifiés et même d’aider les ménages les plus vulnérables à les acquérir.
3. Capitalisation et partage de l’expérience vers d’autres régions ou pays :
« Enfin, l’objectif étant également de porter la voix de la société civile et des plus défavorisés auprès des législateurs et des financeurs, un important travail de capitalisation et d’interpellation va être engagé tout au long du projet. » explique Sabine Rouhier. Ainsi les solutions identifiées et expérimentées au long du projet seront largement partagées et communiquées, en particulier avec les institutions et autorités locales ainsi que les plateformes de coordination nationales et régionales (SUN, AGIR, Cluster UN et autres consortium). Une trentaine d’ateliers au niveau local et international seront organisés et rassembleront environ 1 500 personnes dans le but d’accroître le rayonnement du projet et d’en diffuser les résultats et recommandations.
Les gouvernements, la communauté internationale et la société civile doivent travailler ensemble en donnant autant d’importance à la prévention qu’au traitement de cette maladie et en agissant sur l’ensemble des secteurs directs et indirects que sont la sécurité alimentaire et l’agriculture, l’accès à l’eau et l’assainissement, l’accès à la santé et à la protection sociale, l’éducation et la prévention contre les effets du changement climatique.
Sur le long terme, la priorité doit être de garantir l’autonomie alimentaire des communautés, en leur donnant les outils nécessaires pour être indépendantes et subvenir à leurs propres besoins, que ce soit par l’agriculture, l’élevage ou toute autre activité génératrice de revenus. Sur le plan agricole, les gouvernements doivent assurer aux familles un accès à la terre pour cultiver, comme aux connaissances permettant de développer une agriculture durable et nourricière. Enfin, il faut assurer la sécurité alimentaire et les moyens d’existence aux populations à la campagne comme à la ville, faim et sous-nutrition n’étant pas seulement des problématiques rurales.
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