Bonne nouvelle : Edouard Philippe paye sa tournée ! Il vient d’annoncer ce vendredi 20 septembre, à l’occasion du congrès de l’Association des maires ruraux, la volonté du gouvernement d’encourager le maintien et l’ouverture des cafés dans les villages, dans le cadre de « l’agenda rural » gouvernemental. Objectif : revitaliser les territoires ! Car, n’en déplaise à l’innovation, le café a été de tous temps le premier réseau social des territoires. Alors où sont passés les 600 000 bistrots qui existaient en France en 1960 ? Ils ne sont plus que 40 000 aujourd’hui. Et, sur les 32 212 communes françaises, 26 000 n’ont plus de cafés alors que ces établissements sont au cœur de l’écosystème et de la vie des villages.
En avril 2018, l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH), à l’occasion des Assises de la ruralité de Rodez, présentaient un manifeste « Cafés, Hôtels, Restaurants : le cœur battant de nos villages » avec sept priorités pour réveiller les territoires ruraux. Manifeste qui a été adressé au Gouvernement, aux parlementaires, Président de départements et Présidents de Régions, et aux élus locaux. Appel entendu ?
Il semblerait puisque le Premier ministre propose notamment de faciliter l’implantation et le maintien du petit commerce et des « lieux de convivialité » dans les campagnes. A commencer par les petits bistrots, pour lesquels il souhaite autoriser de nouvelles licences IV, nécessaires à l’ouverture de débits de boissons alcoolisées, mais aussi assouplir les réglementations attachées à ces derniers, et soutenir une exonération fiscale qui leur bénéficierait ainsi qu’à d’autres types de commerces ruraux.
Il a aussi pensé à alléger certaines réglementations, notamment celles sur les contrôles de sécurité, leur accessibilité ou leur emplacement. Le gouvernement propose également que pour les communes rurales de moins de 3 500 habitants et comptant moins de dix commerces, celles-ci pourront les faire bénéficier d’une exonération de fiscalité locale, compensée par l’Etat à hauteur de 33 % du manque à gagner pour la commune.
Pourquoi les bistrots disparaissent
Aujourd’hui, 26 000 communes en France n’ont plus de cafés alors que les établissements CHR (cafés, hôtels, restaurants) sont au cœur de l’écosystème des villages : ils sont créateurs d’emplois et de lien social, ils animent la vie du village, ils favorisent le déploiement d’une offre culturelle, ils participent à l’attractivité touristique des campagnes, …
Leur rôle, essentiel dans le développement économique et social des territoires, est aussi largement reconnu par les Français, malgré les changements de mode de vie. Selon un sondage IFOP pour l’UMIH, réalisé en mars 2018 auprès de 1012 personnes représentatives de la population française, la contribution des cafés, hôtels, restaurants aux communes rurales est reconnue de manière quasi-unanime par les Français : 90 % pensent que dans une commune rurale, la présence d’un café, ou d’un restaurant contribue à la vie économique et au lien social.
Pour autant, ces commerces ne semblent pas toujours faciles à trouver : 68% des Français affirment avoir déjà eu des difficultés à trouver un hôtel, 54% un restaurant et 43% un café. Et les Français plébiscitent la présence de services leur facilitant les échanges (accès wifi, démarche culturelle, distributeur d’argent, relais poste), ou la possibilité de trouver des produits locaux. La vente de produits du tabac ou des jeux à gratter apparaît comme un service secondaire à proposer.
Evidemment, certains y verront là l’abandon par l’Etat des services publics, aggravant davantage la crise de la ruralité …
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La disparition des cafés dans nos petits villages vient de l’exode … urbain. Tout le monde part travailler et vivre en ville ou en zone péri-urbaine. Résultat : plus de 15 000 communes de moins de 3 500 habitants ne disposent plus d’aucun commerce de proximité, entraînant la désertification des petites campagnes rurales. A cela s’ajoute la baisse générale de consommation d’alcool, les bistrots devant trouver de nouveaux points d’attraction pour retenir les clients en dehors de chez eux : en 1960, plus de la moitié de l’alcool était vendue dans les débits de boisson, aujourd’hui, ils en vendent moins de 10%.
Autre facteur aggravant dans la disparition des cafés : la transformation des infrastructures de transport routier qui joue également son rôle de détournement des villages. Ah, c’est vrai que les villages sont plus calmes puisqu’ils ne sont plus traversés par les voitures ou les camions, mais cela a entraîné la fermeture de nombreuses petites entreprises de restauration dont les clients ont purement et simplement disparu ou ne sont plus suffisamment nombreux pour survivre.
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« Le café, l’hôtel, le restaurant, sont le cœur battant d’un village. Ils sont souvent le dernier commerce, riche en identité, le seul lieu de rencontre et d’animation. Leur présence est un rempart contre la désertification, contre le départ des jeunes et des actifs. Je suis convaincu qu’il y a un avenir pour nos établissements en zone rurale qu’il existe un avenir en dehors des grandes métropoles.
Roland Heguy, Président Confédéral de l’UMIH
Le bistrot nouveau est arrivé …
Mais il se pourrait bien que le bistrot de village soit bien plus qu’un simple « débit de boisson » ! Il existe déjà de nombreux cafés faisant office de dépôt de pain, d’épicerie, de lieux de concerts, ou même de simples lieux de détente. Des occasions supplémentaires pour créer des rencontres, des échanges sans prendre sa voiture, dépenser de l’essence pour l’hypermarché le plus proche …
Le site de données Statista assure que les raisons principales pour lesquelles les gens viennent prendre un café dans les bars, hôtels et restaurants en 2018 sont la convivialité (59 %) et la détente (61 %).
C’est le cas d’un petit café plein de charme tenu par l’ami Jean au sein d’un lieu insolite, un couvent alternatif au cœur de la commune bretonne de Calmez, dans les Côtes d’Armor, créé et dirigé par l’artiste-peintre Sylvain Bouder. Jean est lyonnais et a ouvert son bistrot en 2016. Il est content car le café tourne plutôt bien grâce aux gîtes du Couvent qui drainent pas mal de trafic, des gens du monde entier qui viennent là pour une nuit ou quelques semaines de détente.
Grâce aussi à son offre d’épicerie de dépannage, de produits locaux, de ses variétés de pain mais surtout son accueil et l’ambiance du lieu. Il y a du passage donc, mais aussi les habitués du coin qui viennent prendre leur petit café du matin ou de l’après-déjeuner.
Le café est ouvert tous les jours de 7h30 à 12h30 et de 15h30 à 19h30. (Le Café Le Coup d’Vent au Couvent – 02 96 44 71 67 -)
L’initiative du gouvernement semble prendre en compte ce phénomène d’abandon de nos bistrots de campagne, en raison d’un habitat inadapté aux modes de vie contemporains, et questionne ainsi la préservation d’un important héritage culturel. Il faut donc proposer une stratégie de reconquête, destinée à accompagner l’évolution de nos cafés de village dans le temps. Il n’existe nulle solution miraculeuse, mais une série de décisions efficaces à mettre en place partout sur le territoire.
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- Pour aller plus loin : « La revanche des villages » d’Eric Charmes – Ed. du Seuil
Photos : © UP’ Magazine