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Les petites villes et les gros villages sont l’avenir

Relocaliser pour renforcer l’autonomie alimentaire des villes et limiter le réchauffement climatique.

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La crise du coronavirus montre la fragilité des villes dans leur approvisionnement alimentaire. A cause de cela, certains produits de première nécessité manquent dans certains magasins d’Occident, un peu comme autrefois dans les magasins de l’Union soviétique ! Or développer des villes plus résilientes au plan alimentaire, économique et écologique, suppose de repenser l’urbanisme et de l’aménagement du territoire dans une perspective de relocalisation. C’est pourquoi les petites villes ou les gros villages sont l’avenir de l’urbanisation future.

Créer de petites villes renforce aussi la démocratie. Diminuer les distances d’approvisionnement des communes permet à la fois plus d’autonomie et de réduire les déplacements, donc de limiter le réchauffement climatique. Les surfaces cultivables diminuent avec l’urbanisation croissante. L’efficience consiste à cultiver la majorité des terres agricoles à la périphérie de la ville et à placer de petites zones boisées en ville. Ralentir les villes s’avère aussi une des dimensions des politiques de relocalisation.

L’urbanisme écologique doit donc choisir notamment entre : le retour à la terre vers de grands villages ou l’agrandissement des petites villes ; la densification urbaine ou la végétalisation ; le développement de l’agriculture ou de la foresterie ; l’implantation de la végétation dans les villes ou autour d’elles.

On observe des expérimentations pour rendre les villes plus autonomes au plan alimentaire

Ainsi, depuis plusieurs années il y a une pratique croissante du maraîchage dans les villes, notamment grâce au mouvement des « incroyables comestibles » ou de « guérilla végétale » … C’est d’une certaine façon un retour aux anciens jardins ouvriers. Cependant, auparavant il s’agissait surtout d’un complément alimentaire, alors qu’à présent cela vise prioritairement une plus grande autonomie alimentaire des villes dans une perspective plus écologique. Cet engouement s’explique, selon l’environnementaliste Roland Vidal, par trois sources d’inquiétude : 1) « la qualité sanitaire des denrées alimentaires » en réduisant les distances et en améliorant la connaissance des producteurs par plus de transparence et de lien social, 2) « la sécurité de l’approvisionnement », à l’heure où les ressources du pétrole diminuent progressivement et 3) « l’impact environnemental ».

Cependant, l’action actuelle de ces mouvements militants s’avère être seulement un minuscule supplément à la production agricole importée de la campagne vers les villes. Car dans les grandes villes, l’immense majorité de l’alimentation proviendra toujours des champs de céréales et de maraîchage sur de plus grandes surfaces loin des villes. Car les micros-espaces maraîchers dans la ville ne suffiront jamais à alimenter l’ensemble de la population d’une ville. D’autant plus que cette dernière trouve sa cohérence et son intérêt sociétal et écologique dans un minimum de densité des habitations. En effet, selon l’agronome Carl Gaigné, pour nourrir une ville comme Paris avec ces 2 millions d’habitants et ses 105,40 km², cela nécessite « trois millions d’hectares, soit six fois plus que la région Ile de France en comporte. Donc même si l’on rapprochait les lieux de production au plus près de la ville, il faudrait quand même parcourir environ 200 à 300 km pour nourrir toute la population de Paris. Or c’est grâce aux développements des transports et notamment les chemins de fer que « les parisiens très mal nourris au XIXe siècle ont beaucoup mieux mangé ». Par conséquent, plus les villes sont petites, plus elles diminuent leur empreinte carbone. En revanche, si elles deviennent des villages, alors elles perdent leur autonomie globale vis à vis des autres services. Sauf à revenir à un mode de vie paysan avec une perte de la diversité et de la qualité au plan de l’industrie et des services, l’école, la santé, l’industrie, la culture, les loisirs…

Les petites villes ou les gros villages sont l’avenir de l’urbanisation future

Au travers de l’empreinte carbone et écologique, la crise environnementale pousse à la prise de conscience d’une nouvelle organisation des déplacements et de l’habitat. Or les choix urbanistiques n’ont pas seulement une fonction pratique, ils contribuent à modifier le paysage urbain, mais aussi rural.

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Dans les communautés traditionnelles, les relations sociales étaient facilitées par la taille relative des villages. Cependant, cela pouvait devenir aussi relativement étouffant ou sclérosant. Aussi, les décroissants souhaitent que la solitude individualiste des mégalopoles soit remplacée par plus de relations sociales, grâce à la création de petites villes ou de grands villages.

Cependant, créer une multitude de maisons et de villages dans les campagnes, n’est pas viable à long terme, car cela suppose d’importants déplacements entre les villages et/ou la ville la plus proche. Seule une autonomie quasi complète, sur le plan économique, social ou relationnel permettrait d’éviter les déplacements en excès, ce qui semble assez difficilement envisageable à présent.

Pourtant on estime que « que 80% du travail d’autrui consommé par un individu est produit dans un rayon de 20 km autour de lui ». La vie se révèle donc en réalité largement locale, mais la mondialisation tend à nous en écarter de plus en plus, créant une perte d’autonomie et des dégâts écologiques. En effet, sur le plan de l’empreinte écologique et carbone, l’excès de déplacement a un coût important (pétrole, CO2, extraction des métaux pour la production du véhicule…). Il en est de même pour l’idée d’avoir chacun sa maison individuelle avec jardin. Pour ces différentes raisons aussi économiques, l’humanité va progressivement chercher à minimiser le coût écologique de son habitat et de ses déplacements, en favorisant le développement de gros villages ou de petites villes.

La taille idéale d’une ville était de 30 000 habitants selon Platon. À sa suite, le jeune Aristote, affirme dans L’Éthique à Nicomaque que « Si dix hommes, en effet, ne sauraient constituer une Cité, cent mille hommes ne sauraient non plus en former une », car ils ne peuvent plus converser entre eux  (IX, 9, 1170, b31). Le philosophe grec Takis Fotopoulos reprend cette conception et envisage aussi de se limiter à de petites villes. Il s’agirait pour lui de créer « une « fédération de dèmoï », c’est à dire de petites unités homogènes de 30 000 habitants environ. Ce chiffre permet, selon lui, de satisfaire localement la plupart des besoins essentiels. Contrairement aux idées reçues, la taille ne serait pas un « déterminant exclusif ni même décisif de la viabilité économique ». Il faudra probablement, précise-t-il, « morceler en plusieurs ‘’dèmoï’’ de nombreuses villes modernes étant donné leur gigantisme ». En deçà de cette limite, les habitants peuvent traverser leur ville à pied sans devoir prendre un bus ou une voiture ; ils se rendent en quelques minutes à l’école, au marché, à la bibliothèque ou au centre médical. Or, à l’inverse, « des millions de gens commencent à se déplacer. Attirés par les lumières de la ville, ils désertent les zones rurales et vont se déverser dans la grande ville où ils provoquent une croissance pathologique ».

La cité-jardin est une ville de taille analogue à celle de Platon et de Fotopoulos. C’est une idée de l’urbaniste britannique Ebenezer Howard, dans son livre « To-morrow : A peaceful path to real reform » de 1898. Cette utopie démocratique locale rejoint les idées de la plupart des penseurs d’une démocratie écologique, comme l’anarchiste Murray Bookchin. « Il n’est pas totalement absurde, écrit ce dernier, de penser qu’une société écologique puisse être constituée d’une municipalité de petites municipalités, chacune desquelles serait formée par une « commune de communes » plus petites (…) en parfaite harmonie avec leur écosystème. Cela rejoint la voie tracée par le mouvement des  » villes lentes  » (Slow City), à la suite de celui des Slow Food. Il s’agit d’un réseau mondial de villes moyennes qui limitent volontairement leur croissance démographique à 60 000 habitants.« 

En revanche, le célèbre économiste Schumacher, auteur du best-seller « Small is beautiful » fixe la limite bien au-dessus ! Il estimait que 500 000 habitants devraient être une limite supérieure, au-delà de laquelle une cité n’est plus vivable.

Depuis 2009, Siemens et The Economist ont créé un index des villes vertes européennes. Leurs critères ne sont pas vraiment ceux des écologistes radicaux, puisque les trois villes qu’ils ont élues les plus vertes sont des villes de moins d’1 million d’habitants, mais avec une démographie située entre 960 000 hab. pour Stockholm et 600 000 hab. pour Oslo et Copenhague. A titre de comparaison, Paris intra-muros compte 2 millions d’habitants. En revanche, cet index n’a pas élu de villes de plus d’1 million d’habitants, car elles permettent néanmoins, « d’effectuer des déplacements plus courts » et « plus doux », telle « la marche et le vélo ». Leur évaluation est fondée sur une trentaine d’indicateurs répartis en huit catégories : émission de CO2, énergie, bâtiment, transport, eau, gestion des déchets, qualité de l’air, gouvernance environnementale. Cet index ne prend pas en compte le critère de la qualité de vie culturelle, ni les opportunités professionnelles, puisqu’il est centré seulement sur l’environnement. « Il existe aussi une forte corrélation plus forte encore, avec le niveau de richesse (…), car elles peuvent plus puissamment investir dans des infrastructures écologiques efficientes » souligne Julien Damon. En revanche, si l’on sélectionne uniquement le critère de l’empreinte carbone ou écologique, ces trois grandes villes élues villes vertes, n’auraient pas un bon classement. En particulier à cause du nombre d’habitants. Car cela nécessite des transports de denrées agricoles de provenance très éloignés de la ville, d’environ 100 à 150 km au moins. De plus, la trop forte densité de population nécessite la construction d’infrastructures de transport des habitants, tels les métros profondément enfouis sous terre, qui engendrent une empreinte carbone et écologique très importante. Trop de densité de population, accroît les infrastructures à l’excès et donc l’empreinte écologique. En revanche, trop peu de densité, limite l’autonomie économique, donc pousse vers plus de déplacement à l’extérieur de la ville, par exemple pour aller travailler, ou pour les loisirs…

A la lumière de ces différents indicateurs, il nous semble que les propositions de limitation de la taille de villes, qui semblent les plus réalistes sur les plans écologique et socio-économique varient entre 30 000 habitants (l’équivalent de la taille de la ville de Dole dans le Jura) et 60 000 habitants, telles les villes de Chambéry, Niort ou Troyes en 2020.  Ce mode d’organisation relocalisé offre l’avantage de permettre une autonomie socio-économique, mais aussi politique (l’autogestion) et une qualité de vie, du fait de la proximité de la relation à la nature notamment.

Créer de petites villes renforce aussi la démocratie

Car dans les grandes villes, un petit nombre d’élus et d’experts dirigent un grand nombre de citoyens, à l’inverse des petites villes. Dans ces dernières, le nombre d’élus par rapport aux nombres de citoyens est moins grand, donc ils disposent proportionnellement d’une plus grande probabilité de pouvoir prendre part aux décisions qui les concernent. Le pire est atteint dans les petits villages ; cependant ces derniers perdent en autonomie économique, lorsqu’ils ne parviennent pas à la taille minimum de l’autosuffisance économique. Ils sont alors dépendants des infrastructures publiques, sociales et économiques des agglomérations plus grandes autour d’elles. C’est ce qui poussent certains villages à s’insérer dans des communautés de commune. Mais parfois, c’est aussi la loi qui les y oblige dans une perspective d’économie financière dans les gestions des petites communes.

Pour Paul Ariès, la plus grande autonomie des citadins passe aussi par leur capacité à s’autolimiter, à réduire « l’hubris », la démesure. « Les villes lentes, parce qu’elles n’ont de cesse d’articuler ces stratégies de relocalisation et de retemporalisation, tendent à redonner de la qualité de vie, c’est-à-dire à enfanter un humain plus humain puisque plus autonome, parce que seul capable de s’autolimiter (…).
L’éloge de la lenteur est aussi celui du temps nécessaire à la maturation, au doute, à la délibération, au choix. Les habitants des villes lentes mènent donc une réflexion sur la temporalité nécessaire au respect de la démocratie : il faut déjà en finir avec la foi illimitée dans le temps qui vient que véhicule, par exemple, le scientisme ambiant. La démocratie comme l’éducation a besoin de lenteur. « 

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L’initiative des villes en transition vise à développer l’autonomie locale par la relocalisation. Dans cette optique se développe notamment l’initiative des « villes en transition » visant à développer l’autonomie locale par la relocalisation. Elle est née en 2005 à Totnes, une ville de 9 000 habitants au sud-ouest de l’Angleterre et s’est diffusée rapidement dans le monde entier. En 2010 à Ferney-Votaire, dans l’Ain, près de Genève, a été créée une initiative locale des « villes en transition. » Les membres se sont organisés en plusieurs groupes autour de la problématique « déchets, recyclage, réparation », « potager synergique.» Ainsi, ils mettent en pratique leurs idées et organisent en plus des débats dans leur ville sur ces deux thèmes. L’association « le potager synergique » s’est donnée pour objectif de relocaliser l’alimentation et de reverdir les villes.

Les surfaces cultivables diminuent avec l’urbanisation croissante

Contre la disparition de plus en plus rapide des terres agricoles liées à l’urbanisation (habitations, zones commerciales, routes, parking…) une « campagne nationale pour la création, la préservation et l’extension des ceintures vivrières autour des agglomérations » a été lancée en 2011 par l’association « Relocalisons« . Car « 54 000 ha de terres agricoles disparaissent, chaque année, en France : l’équivalent d’un département est ainsi englouti sous le goudron et le béton, tous les 7 ans. Ces terres sont remplacées, à 50%, par des maisons individuelles et à près de 20%, par le développement du réseau routier, accompagnant cette expansion. À cela s’ajoute ici un aéroport, là une plateforme logistique pour la grande distribution, une zone commerciale, etc. Le nombre d’exploitations a ainsi été divisé par deux, en vingt ans, tandis que leur surface moyenne a presque doublé (42 à 77 ha) » .

Ce mode d’organisation relocalisée offre l’avantage de permettre une autonomie socio-économique, mais aussi politique (l’autogestion) et une qualité de vie, du fait de la proximité de la relation à la nature notamment.

Le retour à la terre est-il cohérent avec la relocalisation ?

Depuis 1968, on observe un retour à la terre des citadins. Après une pause dans les années 80, ce mouvement est reparti depuis les années 2000. Les personnes qui font ce choix n’y vont pas seulement pour y habiter, mais aussi pour travailler comme paysans (plutôt que comme agriculteurs exploitants). Ces derniers tentent parfois de développer des Amap ou de la vente de proximité, afin de développer des circuits courts, qui s’inscrivent dans un objectif de relocalisation. Mais comment articuler le retour à la terre (qui engendre un éloignement des villes) et les circuits courts dans les villes en particulier, qui suppose de développer l’agriculture sur des terres assez proche des villes ? Il a en effet un double mouvement antagoniste mais qui peut se résoudre, si ces nouveaux paysans ne partent pas cultiver trop loin des villes. Cependant, il leur manque souvent des terres disponibles.

Pour relocaliser la production alimentaire agricole, une des solutions consiste donc dans le retour à la terre, notamment pour développer l’agriculture locale, en accroissant aussi le nombre d’agriculteurs. Une autre solution possible pour relocaliser la production alimentaire agricole consiste dans le développement de petites villes autour de nouvelles terres à cultiver par de nouveaux paysans suffisamment nombreux. Cependant, la croissance du nombre d’habitants dans de grands villages contribue néanmoins à accroître les déplacements. Dans ce cas, la croissance des ruraux contribue à accroître la dispersion de l’habitat et donc la distance des déplacements. Ce qui se révèle néfaste à la relocalisation et donc à l’empreinte carbone et écologique.

Il faut donc prendre en compte la quantité d’habitants dans les gros villages, la surface des villages, mais surtout la densité d’habitants par km². Ce n’est donc pas le fait de vivre dans un gros village, plutôt que dans une grande ville, qui se révèle le critère clé de la relocalisation, mais le critère d’autonomie et de densité des habitants au km² de ces villages. Si ces derniers se révèlent trop petits en nombre d’habitants, ils ne s’avèrent pas autonomes économiquement. Par conséquent, les déplacements augmentent pour se rendre au travail et faire ses courses. Si le nombre d’habitants s’avère suffisant pour attendre l’autonomie, mais que l’étendue des villages s’avère importante en surface, alors qu’il n’y a pas suffisamment de densité au km², les déplacements dans le village s’accroissent aussi.

En fait, le retour à la terre est bénéfique sur le plan écologique si l’empreinte écologique des nouveaux villages ruraux n’est pas supérieure à celle des villes densifiées. Pour y parvenir cela suppose donc que les villages soient majoritairement autonomes économiquement, mais aussi culturellement (loisirs, associations, spectacles…), afin de ne plus être contraints d’utiliser systématiquement son véhicule. Cette orientation s’avère bénéfique au développement d’alternatives agricoles consistant à développer de petites propriétés agricoles à plus forte intensité de main d’œuvre produisant de manière moins polluante et plus biologique.

Il existe donc trois orientations insoutenables au plan écologique : 1) des villes gigantesques laides, polluées et insuffisamment denses, telle Los Angeles, donc avec des temps de transports longs et écologiquement néfastes. 2) Ou à l’inverse des mégapoles urbaines, telle Paris, si denses que leur empreinte carbone et écologique n’est pas soutenable, en particulier à cause du coût des infrastructures de transports en commun, tels les métros. 3) La troisième solution ne s’avère pas soutenable non plus, c’est celle du retour à la terre et du développement de trop petits villages non autonomes et trop distants entre eux ou des grandes villes.

À l’inverse de ces trois directions, il existe deux orientations cohérentes susceptibles de se développer simultanément : 1)  Le retour à la terre autour de gros villages autonomes ou 2) de petites villes autonomes produisant en circuits courts économiquement, des villes qui soient denses, diversifiées, belles et végétalisées.

L’efficience consiste à cultiver la majorité des terres agricoles à la périphérie de la ville et à placer de petites zones boisées en ville

C’est la gestion la plus efficiente des déplacements en ville, tout en gardant un environnement fondé sur la beauté de la nature. En effet, si le fait de cultiver en ville diminue les distances entre le producteur et le consommateur, donc l’émission de CO2, en revanche, cela accroît le périmètre de la ville, donc les temps et les distances de déplacements en son sein et donc les émissions de CO2 ou les dépenses d’énergie électrique. Or la quantité de déplacements des citadins s’avère plus importante que celle des agriculteurs, principalement parce qu’il sont moins nombreux. Il vaut donc mieux que les agriculteurs placent leur terrain à la périphérie des villes et non dans les villes. Cela n’empêche pas que quelques citoyens militants écologistes ensemencent les micro-espaces de terre entre deux routes ou deux trottoirs, à la fois dans le but de reverdir la ville, de développer l’alimentation de proximité et de reconquérir des surfaces en friche pour l’alimentation. Cela présente aussi des vertus de sensibilisation des citadins, dans un but éducatif et militant. De plus, cela permet de sensibiliser la population aux enjeux écologiques et agricoles liés à l’urbanisme et aux transports. Dans cette optique, il y a par exemple le mouvement des « incroyables comestibles », qui vise par ailleurs à partager le produit de leur culture, dans une perspective de gratuité, donc de solidarité.

Cependant, si la diminution des transports des produits des champs, qui s’avèrent éloignés des villes, réduit le CO2, cela réduit aussi la diversité alimentaire, puisqu’il est plus difficile de s’alimenter avec des produits non locaux. Pour les parisiens, c’est donc se priver « des tomates de Marmande, de melons de Cavaillon, des abricots du Roussillon » avertit l’environnementaliste Roland Vidal. Il privilégie donc plutôt un « accroissement de l’efficacité énergétique d’un produit », mesuré grâce à « l’analyse de cycle de vie ». C’est « un processus d’évaluation par lequel on mesure l’ensemble des impacts environnementaux d’un produit ». Il ajoute qu’il faudrait aussi accroître l’efficacité énergétique des transports, afin de diminuer les émissions de CO2. Ce dernier ne doit pas être éludé. Cependant, les partisans de la relocalisation éco-solidaire placent en priorité le « locavorisme », c’est à dire la nourriture cultivée localement, dans le calcul de l’empreinte carbone et écologique, mais aussi pour des raisons d’autonomie économique et démocratique.

De plus, les villes trop grandes génèrent trop de déplacements. Damon explique que cela engendre des inégalités entre les habitants, les plus riches ou les plus diplômés, qui peuvent habiter au centre ou non loin du centre, et les plus pauvres. C’est à dire la main d’œuvre non qualifiée ou moins diplômée, comme le personnel d’entretien, ou les secrétaires, qui sont contraints d’habiter à la lointaine périphérie à cause du coût prohibitif des loyers ou du prix du mètre carré. « Le défi social est de permettre la cohabitation d’habitants différents » pointe justement Damon . La croissance de la taille des villes accroît les déplacements, donc les émissions de CO2, la pénibilité du travail et les inégalités sociales. Il y a donc une course incessante aux salaires entre les villes pour attirer le personnel le plus compétents. Or cela accroît encore les inégalités. De même que la mixité sociale des quartiers entre les classes sociales représente un enjeu pour les villes.

Ralentir les villes s’avère donc une des dimensions des politiques de relocalisation. Dans cette perspective, il est plus rationnel de placer les zones agricoles et la végétation non agricole à la périphérie de la ville. Il s’agit d’une des questions concrètes qui se posent dans les politiques de densification dans une perspective écologique, de transports publics, mais aussi d’intensité sociétale…

Il faut parvenir à équilibrer le développement de la densité urbaine et la végétalisation des villes. Pour cela, il est plus rationnel de placer principalement les terrains agricoles autour de la ville et non dans la ville. Cela n’empêche pas de faire un peu de maraîchage en plantant quelques légumes, dans les micros-surfaces, des jardins privés ou collectifs, autour des arbres et des parcs situés dans la ville. Cependant, les parcs forestiers urbains s’avèrent préférables, car ils permettent mieux de garantir une esthétique urbaine végétale, facteur de qualité de vie.

 

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Invité
LEGENDRE Jean-Yves
3 années

Cette analyse est très intéressante, mais il me semble que le facteur économique est un peu sous-estimé. Pour évitement les déplacements et assurer les revenus économiques d’une ville, un certain nombre d’entreprises doivent y prospérer. Or, il arrive bien souvent qu’une ville moyenne de quelques dizaines de milliers d’habitants dépende trop souvent de l’activité d’une seule entreprise (St-Nazaire avec les chantiers navals, Roubaix avec La Redoute) qui, elle, n’a pas de vocation exclusivement locale. En cas de difficultés de cette dernière, c’est toute la ville en question qui en pâtit. De plus, ces entreprises exercent parfois une influence politique ou… Lire la suite »

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