Comment lutter aujourd’hui contre l’exode rural ? Qui n’a jamais traversé ces villages aux rues désertées, aux volets clos et aux boutiques vides, voire inexistantes ? Un village a su résister ! Interdiction des pesticides, bistrot-épicerie « bio », école Montessori : en voie de désertification voici seulement quelques années, le village de Saint-Pierre-de-Frugie en Dordogne, aux confins du Périgord Vert, a radicalement inversé la tendance en misant sur l’écologie et la qualité de vie.
« Quand j’ai été élu (en 2008), le premier constat que j’ai fait, c’est que la commune où j’avais grandi avait changé », raconte Gilbert Chabaud, maire de cette commune de 400 habitants. Comme ailleurs, les maisons s’étaient vidées, des anciens étaient morts et les jeunes étaient partis « à la ville », emportant avec eux emplois et enfants. En 2007, le rectorat fermait l’école et le seul bistrot, qui assurait aussi la cantine scolaire, mettait rapidement la clef sous la porte.
La presque totalité des 15 000 communes rurales ou isolées de France sont rongées par la dévitalisation de leur centre, qui va en s’accélérant. Et la dernière publication de France Stratégie en juillet 2016 a de quoi affoler les maires. Le rapport souligne la métropolisation de l’économie française et appelle tout simplement, pour plus d’efficacité et « dans un contexte de rareté budgétaire, à concentrer les investissements sur les métropoles mais aussi à soutenir les territoires qui risquent de décrocher définitivement, tout en investissant moins dans les territoires intermédiaires ». « La France vit un deuxième exode rural », affirme Emmanuel Ducasse, expert des marchés immobiliers pour le Crédit foncier.
« On était là, derrière les fenêtres avec Véronique, mon assistante. Les rues étaient désertes. On s’est dit : On doit bien pouvoir faire quelque chose », se souvient l’ancien concessionnaire automobile converti à l’écologie.
Pour enrayer ce déclin, le maire et son équipe décident de faire un pied-de-nez à cette « civilisation de l’hyper », source de tous les maux des villageois. Saint-Pierre-de-Frugie va prendre son temps là où tout le monde va vite et se lancer dans une transition écologique exemplaire.
Première décision : supprimer tous les pesticides et traitements phytosanitaires. Une décision visionnaire – elle s’appliquera à toutes les collectivités locales à partir du 1er janvier -, que les habitants accueillent d’abord avec scepticisme.
Gilbert Chabaud, maire de Saint-Pierre-de-Frugie
« Il a fallu renverser les mentalités, prouver que le monde est un écosystème global où tout est imbriqué. La nature est conçue pour nous aider. Il suffit juste de l’aider un peu nous aussi », sourit Guillaume, le jardinier en chef du village.
Huit ans après, pas une haie ou un bosquet de Saint-Pierre dont les fleurs ne soient visitées par des dizaines de papillons, abeilles et autres insectes pollinisateurs. « Ils font le boulot », résume le jardinier.
Ce premier pari remporté, Gilbert Chabaud crée, dès 2010, un jardin partagé qui accueille les visiteurs à l’entrée du village. On peut s’y initier à la permaculture et se fournir en fruits, légumes et plantes médicinales. Un jardin arrosé par un bélier hydraulique, procédé presque aussi vieux que la roue, qui utilise la force de l’eau pour propulser, depuis l’étang situé en contrebas, de quoi arroser les plantes.
« En améliorant l’environnement, en rachetant les zones humides tout autour de la commune, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire pour l’écotourisme », explique le maire. Neuf sentiers de randonnée ont été ouverts et le petit patrimoine a été rénové en matériaux 100% écologiques.
Après les papillons, ce sont les randonneurs qui sont revenus à Saint-Pierre. Pour les accueillir, Gilbert Chabaud a réhabilité l’école abandonnée pour en faire un gîte rural, lui aussi 100% écolo.
En 2013, la commune rénove son bistrot, confié en gérance à un entrepreneur venu spécialement s’installer à Saint-Pierre-de-Frugie et qui fait le bonheur des randonneurs affamés. Et pour ses administrés, le maire a poussé à l’ouverture d’une épicerie bio où les agriculteurs locaux vendent eux-mêmes leur production.
« C’est un cercle vertueux », s’enthousiasme Véronique Friconnet, la secrétaire de mairie, et désormais il ne se passe « pas un jour sans que des gens appellent pour nous demander s’il y a des maisons à vendre à Saint-Pierre ».
Restait à rouvrir l’école. Devant les refus du rectorat, Gilbert Chabaud a mis à contribution une enseignante qui souhaitait quitter l’Education nationale pour créer une école Montessori (pédagogie alternative). Elle a doublé ses effectifs à la rentrée et accueille désormais une vingtaine d’enfants.
Accompagné par le Parc naturel régional Périgord-Limousin, le village est cité en exemple et sollicité par d’autres communes pour faire partager son savoir-faire.
Et après ? « Demain, j’imagine un village autonome en énergie, une autre vision de l’espace public qui donne la priorité aux piétons, rend possible les rencontres », répond M. Chabaud.
« Mais aussi un « musée à l’envers » où, au lieu de raconter comment c’était mieux avant, on montrera comment l’avenir peut être joyeux à l’aune de notre expérience », lance-t-il.
Source : AFP
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