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Robots tués à Fukushima

Fukushima : même les robots fondent…

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Les robots télécommandés envoyés dans les entrailles de Fukushima pour tenter de réparer les dégâts n’ont pas résisté aux rayonnements radioactifs. Leur câblage a été détruit, entraînant une mort cybernétique immédiate. Ces robots hyperspécialisés, dont la fabrication prend plusieurs années, étaient le dernier espoir de supprimer le combustible nucléaire fondu dans les piscines de refroidissement. Ils étaient conçus pour nager à travers les tunnels sous-marins des piscines et aller là où personne ne peut approcher.
 
Le tremblement de terre qui a eu lieu en 2011, suivi d’un violent tsunami avait percuté la centrale nucléaire de Fukushima entraînant des dégâts majeurs et des dangers radioactifs ressentis loin au-delà de la centrale. Cinq ans après, les ingénieurs de Tokyo Electric Power (TEPCO), l’opérateur chargé du site, ne comprennent toujours pas comment nettoyer l’eau radioactive très dangereuse et les barres de combustible fondues qui sont restées dans le réacteur.
 
Seuls 10 % des dégâts ont pu être plus ou moins bien réparés mais les fuites radioactives continuent à s’infiltrer dans l’océan Pacifique. Des matières radioactives ont même été détectées sur la côte Ouest des États-Unis.
 
 
Après une série d’erreurs reconnues par les autorités, les spécialistes estiment qu’il faudra trente à quarante ans pour décontaminer le site. Encore faut-il que la technologie mise en œuvre fonctionne. Les ingénieurs ne savent plus à quel saint se vouer pour trouver des solutions. Il y a aujourd’hui 8000 travailleurs en permanence sur le site qui ont entrepris des travaux de nettoyage qui semblent dérisoires. Une sorte de tonneau des Danaïdes. Ils ont ainsi dégagé les plus gros débris, construit des réservoirs de stockage de matières radioactives, ils ont commencé à démanteler l’usine, entassés des milliers de sacs poubelle emplis de terre polluée, pompé des torrents d’eau contaminée.
 
 
Mais la tâche est immense. Que faire des millions de tonnes d’eau radioactive ? Akiro Ono, le gestionnaire du site avoue son impuissance et son inquiétude. Parmi le concours d’idées pour trouver des solutions, les autorités japonaises ont retenu la construction d’un immense « mur de glace » afin d’empêcher l’eau souterraine de couler dans les sous-sols des réacteurs endommagés et de devenir elle-même irradiée. D’abord suggéré en 2013, et fortement soutenu par le gouvernement, le mur a été finalisé en février, avec des mois de retards et de nombreuses questions autour de son efficacité. Plus tard cette année, Tepco planifie de pomper l’eau à travers le mur — ce qui revient un peu à pomper de l’eau derrière un réfrigérateur — pour commencer le processus de congélation. Il y a urgence, car l’eau irradiée pénètre toujours plus chaque jour jusqu’à la nappe phréatique et se fraye un chemin jusqu’à l’océan voisin.
 
 
Colmater les brèches c’est bien, ôter les barres de combustible, c’est mieux. C’est ce qu’ont fait les ingénieurs sur l’un des réacteurs, le Réacteur 4, qui possédait des niveaux de rayonnement assez faibles permettant de récupèrer le combustible. En revanche, pour le Réacteur 3, la tâche est autrement plus compliquée. Le niveau radioactif y est majeur et 566 barres de combustibles y sont encore présentes.  C’est la raison pour laquelle Tepco se lança dès 2013 dans la construction de robots spécialement conçus pour ces réacteurs. Fabriqués sur-mesure par Toshiba, le fournisseur initial des réacteurs de Fukushima, ces robots comportent des bras articulés pour manipuler et attraper les barres de combustibles. Le robot, bardé de caméras, est contrôlé à distance par des opérateurs humains travaillant à distance de sécurité.
 
Une vidéo du robot Toshiba, encore vivant…
 
Malheureusement, dès que les robots se sont approchés des réacteurs, le rayonnement a détruit leur câblage, les rendant parfaitement inutiles. Il faut deux ans pour construire un autre robot et pendant ce temps, les barres de combustibles fondent à travers leur dispositif de rétention dans les réacteurs, et personne ne sait exactement où elles se trouvent désormais.
 
Les ingénieurs chargés de ce travail herculéen commencent à perdre espoir. Ils se demandent même s’il sera possible un jour de reconstruire des robots capables de résister à de tels seuils de rayonnement.
Le Japon a donc décidé de demander de l’aide. Le gouvernement nippon a fait part lundi 14 mars de son intention d’associer des experts des États-Unis et de France au développement de nouvelles technologies pour récupérer le combustible fondu des réacteurs endommagés de la centrale Fukushima Daiichi, opération la plus délicate du processus de démantèlement.
Le ministère japonais des Sciences et de la Technologie va travailler avec le département de l’Énergie américain et l’Agence nationale de la Recherche (ANR) française, a expliqué à l’AFP un fonctionnaire du ministère.
« Il s’agit de premières recherches fondamentales menées par le gouvernement pour contribuer au démantèlement de Fukushima Daiichi, parallèlement aux travaux conduits dans le secteur privé par l’exploitant Tepco en collaboration avec ses partenaires à l’étranger », a-t-il expliqué.
 
 
Le gouvernement japonais prévoit de travailler avec les États-Unis sur les dispositifs requis pour la reprise du corium (« débris », selon le terme employé par les Japonais), tandis que la France se concentrera sur les moyens de contrôle distants (via notamment la robotique et l’analyse des images) spécialement conçus pour fonctionner dans un environnement hautement radioactif.
Le Japon entend financer ces projets à l’aide du budget de 3.000 milliards de yens (24 milliards d’euros) dédié au volet technologique du démantèlement de Fukushima.
Les scientifiques ont prévenu que la technologie requise pour ce faire n’existait pas et devrait être inventée, mais le gouvernement japonais préfère cette option à la construction d’un « sarcophage » en béton comme ce fut le cas après la catastrophe de Tchernobyl en 1986.
 
Trente ans après Tchernobyl, dont on mesure encore difficilement les dégâts, Fukushima est non seulement une catastrophe industrielle majeure. C’est aussi l’expérience en grandeur nature des difficultés que les technologies éprouvent à maîtriser leurs effets non prévus.  Les partisans du nucléaire civil ont raison de dire que cette forme de production énergétique est performante, qu’elle ne rejette pas de CO2 dans l’atmosphère, qu’elle est relativement économique. C’est vrai quand tout va bien. Mais, en cas d’accident, on observe notre incapacité majeure à réduire les dégâts, notre désespoir devant nos propres limites scientifiques et techniques. Il est utile de méditer ces difficultés dramatiques, au moment où la France semble perdre la foi dans sa transition énergétique, affirmée urbi et orbi à la COP 21, et s’interroge sur le démantèlement des plus anciennes et fragiles de ses centrales nucléaires…
 
 
 
 
 
 

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