Au cœur du désert de Dubaï, un bâtiment s’élève tel un mirage futuriste : le Pavillon Terra. Inauguré en 2021 lors de l’Exposition Universelle de 2020, il incarne l’alliance audacieuse entre nature, architecture et technologie. Plus qu’un simple bâtiment, c’est un manifeste vibrant pour un avenir durable, où chaque courbe, chaque matériau et chaque technologie raconte une histoire d’ingéniosité et de résilience. L’objectif était de mettre en lumière l’ingéniosité et le potentiel qu’offre l’architecture, à un moment où nous sommes justement à la recherche de stratégies intelligentes pour imaginer un mode de vie durable. Il est désormais voué à devenir un musée des sciences.
Un design inspiré par la nature
Le Pavillon Terra, créé par l’agence d’architecture internationale Grimshaw, s’inspire des mécanismes naturels les plus sophistiqués de la nature, comme la photosynthèse. Sa majestueuse canopée photovoltaïque agit à la fois comme collecteur d’énergie solaire et d’eau. Elle déploie ses panneaux telles des ailes légères, tamisant la lumière pour une immersion douce et sensorielle. Sous cette structure d’une élégance rare, les visiteurs explorent des espaces où la modernité dialogue avec l’héritage architectural local, recréant la fraîcheur des cours traditionnelles grâce à une ventilation naturelle et des jeux d’ombre.
La relation du bâti au site et à son contexte physique et culturel est ici essentielle. En effet, la force du projet réside dans sa capacité à nous offrir la démonstration d’un nouveau mode de vie durable dans un environnement désertique difficile.
Implantée sur un emplacement privilégié, l’architecture du Pavillon fonctionne en tandem avec l’aménagement paysager réfléchi des jardins, ses chemins sinueux et ses îlots d’ombre afin de créer une aura de magie, ponctuée par les découvertes visuelles, olfactives et tactiles qu’offre la nature. L’intérêt des jardins est tant expérientiel que fonctionnel : ils offrent un avant-goût de ce qui attend les visiteurs à l’intérieur du bâtiment, en même temps qu’un espace de rassemblement qui permet de gérer les flux de personnes et de leur proposer des points de vente et de restauration.
Alice Barrois, directrice de Grimshaw Paris, explique que « Chez Grimshaw, nous concevons chaque lieu culturel comme un espace vivant, où la créativité humaine et l’innovation architecturale se rencontrent pour enrichir l’expérience des visiteurs. Le Pavillon Terra à Dubaï invite à explorer les enjeux de la durabilité à travers une immersion sensorielle. À Melbourne, la rénovation du Marvel Stadium redéfinit les lieux de rassemblement en les ouvrant à la culture et à la communauté urbaine. Avec East End Studios à Los Angeles et l’Eden Project, dans les Cornouailles, nous affirmons notre vision d’une architecture au service des arts, de l’éducation et de la transmission, en faisant de chaque projet un catalyseur de vie culturelle et sociale. »
Une prouesse technologique au service de l’écologie
Dans cet environnement désertique, où les températures flirtent avec les 50 degrés, le pavillon relève un défi monumental : l’autosuffisance en énergie et en eau. Pour cela, il puise dans la sagesse millénaire du biomimétisme et les technologies de pointe. Des murs en gabions, remplis de pierres locales, absorbent la chaleur ; les jardins, en boucles fermées, recyclent chaque goutte d’eau. Quant aux « arbres d’énergie » – structures mobiles inspirées du dragonnier – ils suivent le soleil pour maximiser la production photovoltaïque tout en offrant une ombre protectrice.
Pour créer un bâtiment autosuffisant en énergie et en eau dans ce climat extrême, la réflexion ne pouvait se cantonner à un seul concept clé. Pour atteindre la neutralité en ressources, l’équipe de conception a dû travailler sur un ensemble de technologies, de systèmes constructifs et de solutions architecturales fonctionnant de concert. La création de ce micro-écosystème autonome a ainsi été rendue possible par une combinaison de stratégies et de solutions innovantes visant à optimiser les conditions naturelles inhérentes au site, à s’en accommoder et à en tirer parti pour maximiser l’efficience énergétique, et à combler les manques à l’aide de technologies durables.
Son architecture, en symbiose avec des jardins ombragés et sinueux, propose une immersion sensorielle tout en gérant les flux de visiteurs. Le bâtiment combine des technologies de pointe et des stratégies passives pour maximiser l’efficience. Les espaces en surface sont protégés par des murs de gabions détachés des façades, remplis de pierres locales extraites des monts Hajar, dont la masse thermique est suffisante pour absorber la chaleur et dont la couleur reflète naturellement le soleil. Les toits végétalisés et les jardins en circuits fermés recyclent l’eau, tout en intégrant des espèces locales.
L’apogée de cette réflexion climatique se trouve incarnée au cœur même du Pavillon, grâce à sa grande cour intérieure. Inspirée par le langage de l’architecture locale, la cour offre aux visiteurs un vaste espace protégé des fortes chaleurs par des solutions passives. Pendant la phase de conception, l’équipe s’est appuyée sur des études thermodynamiques mettant en évidence le tracé des vents dominants pour définir la forme de la cour, afin de permettre au vent plus frais du sud-ouest de s’engouffrer dans le volume tout en bloquant l’entrée des vents plus chauds.
Enfin, surplombant la cour, la canopée du Pavillon a servi à l’installation de plus de 6 000 m² de cellules photovoltaïques monocristallines ultra-haut rendement, encastrées dans des panneaux de verre. Elle sert également de vaste collecteur pour les précipitations et la rosée, qui viennent alimenter le réseau d’eau du bâtiment. La combinaison des cellules et du revêtement en verre permet au bâtiment de capter l’énergie solaire et d’apporter de l’ombre tout en conservant un éclairage naturel de l’espace en contrebas. À l’intérieur de la cour, le visiteur a ainsi la sensation de se trouver sous la couronne d’un grand arbre, à travers laquelle pointe une lumière clairsemée qui se projette en pointillés sur les surfaces au-dessous. La forme de la toiture complète par ailleurs celle de la cour, en favorisant l’entrée de l’air frais et en évacuant l’air chaud au sol par un effet de cheminée en son centre.
Toujours inspirée par le génie de la nature, la corolle suit les mouvements du soleil à l’instar d’un tournesol : pendant la journée, celle-ci pivote sur 180 degrés afin de maximiser la production d’énergie et le rendement des cellules, avant de retrouver sa position initiale à la nuit tombée. Des panneaux trapézoïdaux sur mesure, composés de cellules monocristallines haut rendement encastrées entre trois couches de verre, assurent ainsi une protection solaire sans créer d’ombres franches et sans bloquer la vue du ciel.
Le résultat est une structure qui associe à une technologie de production solaire de pointe une compréhension fine des conditions naturelles du site, afin de permettre une génération active d’énergie, un refroidissement passif des espaces et un gain de confort pour les visiteurs. Et, avec plus de 6 000 m² d’espaces d’exposition, le Pavillon durable est promis à une longue vie puisqu’il est désormais converti en musée des sciences afin de poursuivre sa mission de réflexion sur le développement durable et sur l’enjeu crucial de protection de notre planète.
Des arbres d’énergies, les E-Trees
Tout autour du Pavillon, ont par ailleurs été installés des « arbres d’énergie » (ou E-trees), qui contribuent à l’objectif d’autonomie énergétique du projet. Au total, pas moins de dix-neuf E-trees, mesurant entre 15 et 18 mètres de diamètre, ont été positionnés sur le site, couvrant 28 % des besoins en énergie du bâtiment. Inspiré par le dragonnier (une espèce d’arbre endémique de Socotra, une île située à 300 km au large des côtes du Yémen), l’E-tree a été conçu comme une structure d’ombrage autoportante déployable capable de capter l’énergie du soleil. Fabriquée en acier et en matériaux composites complexes, cette structure en corolle a été pensée pour servir de support à un dispositif photovoltaïque de 18 mètres de diamètre.
Sous ce dispositif, le tronc qui le soutient est une structure sophistiquée en fibre de carbone qui s’inspire des barres de gouvernail des bateaux. Cette configuration structurelle, formée de branches radiales enchâssées dans un anneau de compression, maximise ainsi la résistance de l’assemblage et réduit la charge de la structure elle-même. Le choix de la fibre de carbone s’est imposé pour sa légèreté, qui permet de construire une structure pouvant atteindre neuf mètres de hauteur sans aucun renfort.
Aujourd’hui parties intégrantes de l’exposition et du site, les E-trees informent et sensibilisent les visiteurs sur la recherche en matière de production d’énergie solaire et de technologie photovoltaïque. Outre cette fonction didactique, ils constituent aussi un élément essentiel de l’ensemble des systèmes déployés pour atteindre l’objectif de neutralité énergétique fixé pour ce projet.
Ces E-trees ajoutent une dimension esthétique et fonctionnelle en suivant le mouvement du soleil pour optimiser la production d’énergie.
Un dialogue avec la terre et le ciel
S’il impressionne par ses technologies, le Pavillon Terra charme aussi par son interaction avec son environnement. Le projet repose sur le principe d’une recherche d’efficience maximale en allant chercher l’ombre au seul endroit où on la trouve : dans le sous-sol. Le Pavillon utilise les propriétés isolantes de la terre pour se protéger des températures ambiantes élevées. La plus grande partie des espaces créés sont souterrains, abrités sous une couverture de terre, offrant un bouclier écologique qui assure une réduction des charges de refroidissement et une économie d’énergie.
En surface, les jardins luxuriants, peuplés de plantes endémiques, ne sont pas qu’esthétiques : ils racontent l’histoire de la biodiversité locale et célèbrent l’équilibre délicat entre l’humain et le vivant. La faune et la flore, issue du désert environnant, y compris certaines espèces jamais cultivées par l’homme auparavant, trouvent place sur les toits végétalisés et dans les jardins, dessinant ainsi un paysage économe en eau, qui fonctionne en petits circuits fermés conçus pour distribuer, filtrer et recycler l’eau. La mise en scène de ces éléments topographiques et végétaux locaux offre ainsi aux visiteurs un nouveau regard sur cette région unique et sa biodiversité. Le site est également pourvu d’espaces agricoles productifs, fondés sur les principes de l’agriculture halophytique et autres approches expérimentales.
Un héritage pour le futur
Le pavillon est désormais un musée permanent qui plonge les visiteurs dans un voyage immersif leur permettant de mieux comprendre leur impact sur l’environnement et de se familiariser avec les moyens de protéger et de préserver la planète. La conception même du bâtiment illustre cette vision en donnant vie à des stratégies de biomimétisme et régénératives afin d’atteindre la neutralité énergétique.
Le Pavillon Terra poursuit ainsi sa mission en explorant des solutions innovantes pour préserver le monde qui les entoure. Ce lieu est bien plus qu’un bâtiment ; c’est un laboratoire vivant, une ode à l’ingéniosité humaine et à notre capacité à construire un avenir en harmonie avec notre planète. C’est une preuve éclatante que l’architecture peut transcender sa fonction utilitaire pour devenir un acte poétique et militant. Dans ses lignes épurées et ses innovations subtiles, il esquisse les contours d’un monde où beauté et durabilité ne font qu’un, et où chaque élément architectural porte un message : celui de la réconciliation entre l’homme et son environnement.
Aménagement paysager : Desert Ink
Ingénierie : Buro Happold
Maîtrise d’ouvrage : Expo 2020 Dubaï
Surface : 25 000 m²
Fabienne Marion, Rédactrice en chef UP’
Photo d’en-tête : Pavillon Terra © Dany Eid