Depuis l’aube des temps, les humains ont voulu voyager dans les étoiles. Les rêves de science-fiction se précisent à chaque découverte de nouvelle exoplanète. Le problème c’est que pour aller visiter ne serait-ce que la plus proche, nos vaisseaux spatiaux se traineraient lamentablement et forceraient les explorateurs de l’espace à voyager pendant des siècles voire des millénaires. Sauf si nous parvenions à nous déplacer plus vite que la lumière. C’est ce que pense faire cet astrophysicien allemand qui pousse les théories d’Einstein dans leurs confins et affirme avoir trouvé la solution.
Depuis des décennies, nous rêvons de visiter d’autres systèmes stellaires. Il n’y a qu’un seul problème : ils sont si lointains qu’avec les vols spatiaux classiques, il faudrait des dizaines de milliers d’années pour atteindre le plus proche. C’est un sérieux obstacle, mais les physiciens ne sont pas du genre à abandonner facilement. Donnez-leur un rêve impossible, et ils vous donneront un moyen incroyable et hypothétique de le réaliser. Peut-être.
Dans une nouvelle étude du physicien Erik Lentz de l’université de Göttingen en Allemagne, publiée en mars dans la revue scientifique Classical and Quantum Gravity, nous pourrions avoir une solution viable au dilemme. Ce domaine de la physique attire une foule d’idées brillantes, chacune offrant une approche différente pour résoudre l’énigme du voyage plus rapide que la lumière : comment envoyer quelque chose à travers l’espace à des vitesses supraluminiques ?
Le mur infranchissable de la lumière ?
En physique conventionnelle, les théories de la relativité d’Albert Einstein affirment qu’il n’existe pas de véritable moyen d’atteindre ou de dépasser la vitesse de la lumière. Mais les physiciens sont des gens têtus et certains sont persuadés que l’on peut essayer de dépasser cette limite de vitesse universelle.
Certes envoyer de la matière au-delà de la vitesse de la lumière est une impossibilité absolue. En revanche, l’espace-temps n’est pas limité par cette règle. En fait, les confins de l’Univers s’étendent déjà plus vite que sa lumière ne pourra jamais espérer le faire. Dès lors, pourquoi ne pas générer une petite bulle d’espace à des fins de transport, qui voyagerait au-dessus de la vitesse de la lumière ? Pour y parvenir, il faudrait résoudre les équations de la relativité afin de créer une densité d’énergie inférieure au vide de l’espace. Bien que ce type d’énergie négative se produise à l’échelle quantique, l’accumulation d’une quantité suffisante sous forme de « masse négative » reste un domaine de la physique exotique.
En plus de faciliter d’autres types de possibilités abstraites, telles que les trous de ver et les voyages dans le temps, l’énergie négative pourrait contribuer à alimenter ce qu’on appelle la distorsion d’Alcubierre. Ce concept spéculatif utiliserait les principes de l’énergie négative pour déformer l’espace autour d’un vaisseau spatial hypothétique, lui permettant de voyager effectivement plus vite que la lumière sans remettre en cause les lois physiques traditionnelles. Le hic, est qu’il faudrait une source de carburant phénoménale pour espérer atteindre cet objectif. Mission impossible.
Des solitons pour voyager à des vitesses superluminiques
Les physiciens ne baissant jamais les bras devant les déconvenues, beaucoup sont persuadés qu’il est possible de réaliser d’une manière ou d’une autre un voyage plus rapide que la lumière qui respecte la relativité d’Einstein, sans avoir recours à des techniques physiques exotiques que les physiciens n’ont jamais vues si ce n’est dans leurs rêves les plus fous.
Erik Lentz est de cette trempe d’astrophysiciens. Il propose une nouvelle façon de faire et promet de voyager à des vitesses supraluminiques en utilisant une nouvelle classe de solitons hyper-rapides.
Il s’agit d’une sorte d’onde qui conserve sa forme et son énergie tout en se déplaçant à une vitesse constante (et dans ce cas, une vitesse plus rapide que la lumière).
Selon les calculs théoriques de Lentz, ces solutions de solitons hyper-rapides peuvent exister dans le cadre de la relativité générale, et proviennent uniquement de densités d’énergie positives, ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire de prendre en compte les sources exotiques de densité d’énergie négative qui n’ont pas encore été vérifiées. Avec une énergie suffisante, les configurations de ces solitons pourraient fonctionner comme des « bulles de distorsion », capables d’un mouvement superluminique, permettant ainsi, théoriquement, à un objet de traverser l’espace-temps.
Il faut une impressionnante prouesse de gymnastique intellectuelle pour bâtir une telle théorie. Le Dr Erik Lentz, a analysé les recherches existantes et a découvert des lacunes dans les études précédentes sur la « distorsion ». Lentz a remarqué qu’il existait des configurations de courbures spatio-temporelles à explorer, organisées en « solitons », qui ont le potentiel de résoudre le puzzle tout en étant physiquement viables. Un soliton – dans ce contexte, également appelé de manière informelle « bulle de distorsion » – est une onde compacte qui conserve sa forme et se déplace à une vitesse constante. Lentz a dérivé les équations d’Einstein pour des configurations de soliton inexplorées (où les composantes du vecteur de déplacement de la métrique espace-temps obéissent à une relation hyperbolique), en constatant que les géométries espace-temps modifiées pouvaient être formées d’une manière qui fonctionnait même avec des sources d’énergie conventionnelles. Essentiellement, la nouvelle méthode utilise la structure même de l’espace et du temps disposée dans un soliton pour fournir une solution aux déplacements plus rapides que la lumière, qui – contrairement à d’autres recherches – n’auraient besoin que de sources ayant une densité d’énergie positive. Aucune densité d’énergie négative « exotique » n’est nécessaire.
Le Dr Lentz explique sa théorie dans une interview : « Le modèle de soliton que j’ai étudié est toujours décrit par la relativité générale d’Einstein. En fait, les solutions proposées par Miguel Alcubierre, Jose Natario, Alexey Bobrick et Gianni Martire, etc. sont toutes basées sur des solitons dans des espaces-temps relativistes généraux. (Un soliton, en général, est un front d’onde compact se déplaçant à vitesse constante. Dans le cas de mes recherches, le soliton est la perturbation de la géométrie spatio-temporelle.) Ma découverte clé est la construction théorique d’une classe de solitons (« warp bulles ») qui sont capables d’un mouvement superluminique et provenant de densités d’énergie purement positives. Ceci se distingue des découvertes précédentes où les solitons sont soit sous-luminal ou nécessitent des sources « exotiques » de matière avec des densités d’énergie négatives pour fonctionner à des vitesses supraluminales. »
Une énergie phénoménale
Le commun des mortels aura sans doute du mal à suivre parfaitement ces explications qui appartiennent au domaine de la théorie de haute volée. En revanche, la question de l’énergie est plus compréhensible. En effet, l’idée se heurte toujours à un problème récurrent : il faut une énergie gigantesque pour générer ces bulles de distorsion. Erik Lentz explique : « L’énergie nécessaire pour que cette force se propage à la vitesse de la lumière et englobe un vaisseau spatial de 100 mètres de rayon est de l’ordre de centaines de fois la masse de Jupiter ». Une paille. Autant dire que l’obstacle est pour le moins infranchissable et découragerait la plupart d’entre nous. Pas Erik Lentz : il est persuadé qu’il est possible de diviser ce besoin d’énergie par un facteur de trente, au moins.
Actuellement, la quantité d’énergie requise pour ce nouveau type de propulsion spatiale est encore immense. Mais le Dr Lentz est confiant : « L’énergie nécessaire pour cette propulsion voyageant à la vitesse de la lumière et englobant un vaisseau spatial de 100 mètres de rayon est de l’ordre de centaines de fois la masse de la planète Jupiter. Les économies d’énergie devraient être drastiques, d’environ 30 ordres de grandeur pour être à portée des réacteurs de fission nucléaire modernes ». Il poursuit en faisant valoir : « Heureusement, plusieurs mécanismes d’économie d’énergie ont été proposés lors de recherches antérieures, qui peuvent potentiellement réduire l’énergie requise de près de 60 ordres de grandeur ». Lentz en est actuellement aux premières étapes pour déterminer si ces méthodes peuvent être modifiées, ou si de nouveaux mécanismes sont nécessaires pour ramener l’énergie requise à ce qui est actuellement possible.
Si une énergie suffisante pouvait être produite, les équations utilisées dans cette recherche permettraient de voyager dans l’espace jusqu’à Proxima Centauri, notre étoile la plus proche, et de revenir sur Terre en quelques années au lieu de décennies ou de millénaires. Cela signifie qu’un individu pourrait faire l’aller-retour au cours de sa vie. En comparaison, la technologie actuelle des fusées prendrait plus de 50 000 ans pour un aller simple.
De plus, les solitons, ces bulles de distorsion du Dr Lentz, ont été configurés pour contenir une région de l’espace-temps avec des forces de marée minimales, de sorte que le temps qui passe à l’intérieur du soliton correspond au temps qui passe à l’extérieur : un environnement idéal pour un vaisseau spatial. Cela signifie qu’il n’y aurait pas les complications du fameux « paradoxe des jumeaux » selon lequel un jumeau voyageant à la vitesse de la lumière vieillirait beaucoup plus lentement que l’autre jumeau qui reste sur Terre : en fait, selon les équations récentes, les deux jumeaux auraient le même âge lorsqu’ils seraient réunis.
Les travaux du Dr Lentz rapprochent, pour la première fois dans ce domaine, la théorie de l’ingénierie. L’étape suivante consiste à trouver le moyen de ramener la quantité astronomique d’énergie nécessaire à la portée des technologies actuelles. L’astrophysicien promet : « La prochaine étape consiste à trouver comment réduire la quantité astronomique d’énergie nécessaire pour la mettre à la portée des technologies actuelles, comme une grande centrale nucléaire à fission moderne. Ensuite, nous pourrons parler de la construction des premiers prototypes ». Nul doute que cela peut aller très vite, si ce n’est à la vitesse de la lumière… Le Dr Lentz promet : « Si tout se passe bien, il sera peut-être possible de construire les premiers prototypes entièrement fonctionnels au cours de la prochaine décennie. » N’êtes-vous pas tenté de faire partie des premiers voyageurs supraluminiques de l’espace-temps ?