Des microbiologistes ont imaginé un moyen durable d’éliminer les microplastiques polluants de l’environnement – et ils veulent utiliser des bactéries pour faire le travail.
Les bactéries ont naturellement tendance à se regrouper et à se coller aux surfaces, ce qui crée une substance adhésive appelée « biofilm » – nous en voyons tous les matins en nous brossant les dents et en nous débarrassant de la plaque dentaire, par exemple. Les chercheurs de l’université polytechnique de Hong Kong (PolyU) veulent utiliser cette propriété collante des bactéries pour créer des filets de microbes semblables à du ruban adhésif, capables de capturer les microplastiques présents dans l’eau polluée pour en faire un blob facilement jetable et recyclable.
Utiliser simplement un élément présent dans la nature
Bien que ces résultats, présentés ce 28 avril lors de la conférence annuelle de la Microbiology Society, soient encore préliminaires, cette invention pourrait ouvrir la voie à une réduction durable des niveaux de pollution plastique à long terme en utilisant simplement un élément présent dans la nature.
Il est impératif de développer des solutions efficaces pour piéger, collecter et même recycler ces microplastiques afin d’arrêter la « plastification » de nos environnements naturels », a déclaré au Guardian Sylvia Lang Liu, microbiologiste à PolyU et chercheuse principale sur ce projet.
Les microplastiques sont des fragments de plastique, généralement inférieurs à 5 mm, qui sont accidentellement rejetés dans l’environnement lors de la production et de la dégradation, par exemple, des sacs de courses ou des bouteilles d’eau – ou lors d’activités quotidiennes telles que le lavage de vêtements synthétiques comme le nylon ou l’utilisation de produits de soins personnels contenant des microbilles de frottement. On les retrouve partout, y compris dans l’air que l’on respire.
Les microplastiques représentent un risque majeur pour l’environnement
Bien qu’ils soient minuscules, le risque qu’ils représentent pour l’environnement est énorme. Les microplastiques ne sont pas facilement biodégradables, ils restent donc sur place pendant de longues périodes et ils absorbent et accumulent également des produits chimiques toxiques. Ils se dispersent dans les eaux usées et dans les océans, mettant ainsi en danger les animaux marins qui finissent par les manger, puis s’introduisent dans la chaîne alimentaire et nuisent également à la santé humaine. Des microplastiques ont été trouvés dans plus de 114 espèces aquatiques en 2018, selon l’Organisation maritime internationale, et on les a retrouvés dans du sel, de la laitue, des pommes, etc. Pourtant, il n’existe pas de moyen durable et unique d’éliminer les microplastiques.
Grâce à cette recherche, l’équipe de chercheurs a conçu un biofilm bactérien, à partir d’une bactérie appelée Pseudomonas aeruginosa, capable d’immobiliser et d’incorporer les microplastiques indésirables flottant dans l’eau. Ces filets à microbes piègent et regroupent les microplastiques et les font couler au fond de l’eau. Ensuite, grâce à un « mécanisme de capture et de libération » utilisant un gène de dispersion du biofilm, les chercheurs peuvent détacher les microplastiques des pièges à bactéries. On obtient alors des masses de microplastiques collectés prêts à être recyclés.
Une invention innovante pour lever le défi des microplastiques
« Il s’agit d’une application vraiment innovante et passionnante de l’ingénierie du biofilm pour répondre à la crise de la pollution plastique », a déclaré le Dr Joanna Sadler, chercheur à l’université d’Édimbourg, qui n’a pas participé à cette étude. « L’un des plus grands défis dans la lutte contre les microplastiques est de capturer de si petites particules afin qu’elles puissent être dégradées et éliminées de l’environnement. Sylvia Lang Liu et ses collègues ont démontré une solution élégante à ce problème, qui présente un grand potentiel pour être développée en une technologie de traitement des eaux usées dans le monde réel. »
Toutefois, l’expérience reste préliminaire : elle a été réalisée en tant que test de validation de concept dans un environnement de laboratoire contrôlé et non dans l’océan ou les égouts ; et elle a été réalisée à l’aide de la souche bactérienne « aeruginosa« , qui est une bactérie porteuse de maladies pour les humains et qui ne pourrait probablement pas être utilisée dans des projets à grande échelle. Mais les chercheurs sont convaincus que la méthode peut être reproduite pour trouver des bactéries naturelles formant des biofilms directement dans les eaux usées ou d’autres environnements aquatiques et partir de là.
« En termes de capture de microplastiques, c’est un développement intéressant », a déclaré au Guardian le Dr Nicholas Tucker, maître de conférences en microbiologie moléculaire à l’Université de Strathclyde, qui n’a pas participé à l’étude. « Il sera intéressant de voir si elle peut être mise à l’échelle. » Selon ce spécialiste, des recherches supplémentaires devront être menées sur les types de surfaces sur lesquelles le biofilm doit se développer.
Cependant, une recherche comme celle-ci fournit un bon exemple des nombreuses utilisations de la biotechnologie microbienne et des grands exploits que peuvent accomplir de minuscules bactéries. « En général, cela montre que les microbes peuvent jouer et joueront un rôle à chaque étape du cycle de vie des plastiques », se réjouit le Dr Tucker.