Gestion collective des terres, bail longue durée avec l’État, location aux exploitants jusqu’à la retraite : pour José Bové, le succès d’un modèle original au Larzac (Aveyron) pourrait servir d’exemple, selon lui, pour Notre-Dame-des-Landes. Interview.
La lutte sur le Larzac contre l’extension du camp militaire prend fin en 1981 avec l’élection de François Mitterrand à l’Élysée. L’État devient propriétaire de 6300 hectares et un système de gestion collective des terres est alors imaginé. L’ancien militant du Larzac, José Bové, explique comment s’est mise en œuvre cette idée.
« Après l’abandon du projet d’extension du camp militaire, la discussion a porté sur l’avenir de ce foncier. On ne s’était pas battus pour acheter des terres et devenir propriétaires, alors que la majorité des paysans étaient locataires. On a proposé que ce patrimoine soit géré directement par les agriculteurs, les habitants et les communes. Cela passait par la création d’une société civile — la Société civile des terres du Larzac (SCTL)– et la mise en place avec l’État d’un bail emphytéotique qui court dorénavant jusqu’en 2083. »
Ce bail a transféré à la SCTL la gestion des terres, exception faite du droit de vendre. Un fonctionnement particulier que José Bové décrit : « L’Assemblée générale de la société civile, constituée par ceux qui ont un bail avec la SCTL élit son conseil qui prend les décisions au quotidien. Avec, dans deux cas, une obligation de décider à l’unanimité : pour l’adhésion de nouveaux membres et pour l’attribution des exploitations. S’il n’y pas unanimité pour cette attribution, c’est l’AG qui décide à la majorité. » Il poursuit : « Quand une ferme se libère, on a 7 ou 8 demandes d’installation. Le fait de pouvoir s’installer sans être obligé d’acheter le foncier, pour un agriculteur, c’est capital. Pour un jeune qui s’installe, il vaut mieux être locataire avec un bail de carrière qui va jusqu’à la retraite, plutôt que d’acheter le foncier et faire des emprunts ».
Dans l’hypothèse où l’abandon du projet d’aéroport était décidé par le gouvernement, ce modèle serait-il transposable à Notre-Dame-des-Landes ? Pour José Bové, « il n’y aura pas de copié-collé avec le Larzac. (Mais) je pense que cette idée de transfert par bail emphytéotique, ça peut être la solution. Je dirais qu’une grande majorité des gens à Notre-Dame-des-Landes font le pari d’une gestion collective de l’usage du foncier à long terme. Il n’y a pas d’opposition frontale entre les agriculteurs, les communes, les habitants et les gens qui ont déjà élaboré des projets alternatifs sur des petites surfaces. »
José Bové est catégorique : « Grâce à notre expérience, notre histoire, la résistance, la mise en place de la SCTL, on a vécu un temps juridique qui n’est pas le temps politique. Et là, on est dans l’état de droit car l’état de droit, c’est construire sur la durée un ordre stable sur un territoire. Si on veut sortir de la spirale de la violence, c’est par le droit qu’on y arrivera. Il faut faire le pari sur l’avenir, qui est plus important que faire un pari sur un rétablissement de l’état de droit par la force ».
Source : entretien AFP
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