Le professeur Anne Dejean-Assémat, directrice de l’unité Organisation nucléaire et oncogénèse à l’Institut Pasteur et à l’Inserm, vient de recevoir le Prix Sjöberg 2018, avec les professeurs Hugues de Thé (Collège de France) et Zhu Chen (Université de Jiao Tong à Shanghai). Ce prix, placé sous l’égide de l’Académie Royale Suédoise, a été créé en 2016 pour récompenser des scientifiques à l’origine d’avancées majeures dans le domaine du cancer. Le Prix Sjöberg est accompagné d’une dotation de 1 million de dollars destinée à financer les travaux de recherche de ces trois éminents chercheurs.
Le Prix Sjöberg a été décerné ce mardi 6 février 2018 aux professeurs Anne Dejean-Assémat (Institut Pasteur / Inserm), Hugues de Thé (Collège de France) et Zhu Chen (Université de Jiao Tong à Shanghai) en reconnaissance de leurs travaux de recherche sur la leucémie aiguë promyélocytaire (LAP) ; une des formes les plus agressives du cancer du sang.
Le Prix Sjöberg, placé sous l’égide de l’Académie Royale Suédoise, a été créé en 2016 pour récompenser des chercheurs ayant fait des découvertes majeures dans le domaine du cancer.
Le Prix Sjöberg 2018 récompense cette année trois chercheurs, qui, grâce à près de 30 ans de recherche tant au niveau fondamental que clinique, ont apporté une plus grande compréhension des mécanismes moléculaires impliqués dans l’apparition et dans la guérison de la LAP.
Tout a commencé en 1980 quand Anne Dejean-Assémat, alors étudiante en thèse dans le laboratoire de Pierre Tiollais à l’Institut Pasteur, réussit à cloner le site d’intégration du virus de l’hépatite B dans un des chromosomes de cellules cancéreuses du foie, et démontre le rôle de ce virus dans le développement du cancer hépatique. Avec Hugues de Thé, qui avait alors rejoint sa jeune équipe pour y préparer sa thèse, elle identifie ce site d’intégration comme celui du récepteur de l’acide rétinoïque, un dérivé naturel de la vitamine A qui joue un rôle important dans le contrôle de la prolifération et de la différenciation cellulaires.
En 1990, Anne Dejean-Assémat et Hugues de Thé démontrent, en collaboration avec le clinicien Laurent Degos, que dans les cellules sanguines de patients atteints de LAP, le récepteur de l’acide rétinoïque est défectueux suite à une translocation entre deux chromosomes et que le noyau des cellules leucémiques est anormal. Leurs résultats, outre leur importance sur le plan fondamental, permettent alors de comprendre pourquoi l’acide rétinoïque, utilisé dans traitement de la LAP par des équipes de cliniciens chinois et français, est efficace contre ce type de cancer sanguins du fait qu’il corrige les défauts moléculaires et cellulaires des cellules leucémiques.
Peu après, Zhu Chen, médecin chinois et chercheur en biologie moléculaire montre que l’arsenic, fréquemment utilisé en médecine traditionnelle chinoise, est aussi efficace contre la LAP et que la combinaison des deux agents, acide rétinoïque / trioxyde d’arsenic, agit en synergie dans les cellules cancéreuses sanguines. Cette combinaison augmente l’efficacité de guérison à 90%. Anne Dejean et Hugues de Thé parallèlement réussissent à montrer que l’arsenic induit une modification du récepteur de l’acide rétinoÏque défectueux qui entraine sa dégradation. Ainsi l’acide rétinoique et l’arsenic agissent comme deux armes utilisant deux mécanismes différents pour corriger le défaut responsable de cette forme de leucémie.
En associant leurs efforts et en combinant recherche fondamentale et recherche clinique, les trois lauréats du Prix Sjöberg arrivent à élucider le mécanisme oncogénique de la LAP et à mettre au point un traitement innovant contre une des formes les plus mortelles de leucémies.
Ce nouveau traitement, basé sur une combinaison acide rétinoïque / trioxyde d’arsenic, provoque la dégradation de l’oncogène à la source du cancer et constitue un traitement révolutionnaire contre la leucémie aiguë promyélocytaire.
Comme l’explique Anne Dejean, « Ce prix apporte une prestigieuse reconnaissance à nos travaux de recherche qui ont contribué à faire avancer les connaissances, à la fois au niveau moléculaire et cellulaire, d’une forme particulièrement sévère de leucémie et de son traitement. Ces travaux permettent aujourd’hui d’espérer le développement de nouvelles thérapies basées sur des approches similaires pour d’autres formes de cancers. Je suis très honorée de recevoir ce prix, et heureuse de pouvoir le partager avec mes anciens collègues, et faire partie de cette liste d’éminents chercheurs lauréats du prix Sjöberg. »
Anne Dejean-Assémat
Anne Dejean-Assémat est née à Cholet, dans le Département du Maine-et-Loire. Elle est mère de trois enfants. Elle est titulaire d’une thèse de doctorat en biochimie et en biologie moléculaire de l’Université de Paris VI. Elle est entrée à l’Institut Pasteur en 1980 pour y effecteur sa thèse dans le laboratoire de Pierre Tiollais. En 1985, elle est recrutée comme Chargée de Recherche, à l’Inserm. Elle est promue Directrice de Recherche de classe exceptionnelle en 2009 puis nommée Professeur à l’Institut Pasteur en 2010.
Anne Dejean-Assémat dirige l’Unité de Recherche Institut Pasteur« Organisation nucléaire et oncogenèse »/Inserm U993 depuis 2003. Elle est auteur de plus de 160 publications scientifiques dans les meilleurs journaux à comité de lecture international. Son travail sur les mécanismes de l’oncogénèse sont reconnus au niveau international et ont été récompensés par de nombreux prix.
Anne Dejean-Assémat est membre de l’Académie des Sciences et de nombreuses autres sociétés savantes nationales et internationales.
Le Prix Sjöberg
Le Prix Sjöberg est décerné par l’Académie Royale Suédoise et financé par la Fondation Sjöberg. Cette fondation a été créée en 2016 par l’entrepreneur Bengt Sjöberg qui a fait un don de près de 200 millions d’euros (2 milliards SEK) afin de promouvoir et de soutenir les travaux de recherche ciblant le cancer, la santé et l’environnement.
Photo : © Institut Pasteur.
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