« Vivre avec / Living with » : quelle architecture face aux défis climatiques et à l'instabilité du monde ? - UP' Magazine

Regardez le monde
avec les yeux ouverts

Inscrit ou abonné ?
CONNEXION

UP', média libre
grâce à ses lecteurs
Je rejoins

rejoignez gratuitement le cercle des lecteurs de UP’

« Vivre avec / Living with » : quelle architecture face aux défis climatiques et à l’instabilité du monde ?

Commencez

L’amenuisement progressif des ressources et les bouleversements climatiques impactent notre façon de vivre et d’habiter. Il nous incombe de nous mobiliser collectivement dans tous les champs de l’action publique, notamment à travers la diplomatie, et de renforcer le lien entre l’humain et la nature pour répondre aux nouveaux défis de notre planète. L’exposition « Vivre avec / Living with » interroge les capacités de l’architecture à faire face aux défis climatiques, aux conflits et à l’instabilité du monde. Comment continuer à habiter sur cette planète en inventant, avec ces défis, de nouveaux modes de vie ? 

Alors que nous célébrons cette année le 10e anniversaire de cette étape majeure dans la lutte contre le changement climatique qu’a constitué l’Accord de Paris sur le climat, la France poursuit une politique résolue et engagée de coopération internationale destinée à soutenir les initiatives autour de l’habitat durable ainsi que des solutions architecturales résilientes. Elle promeut les spécificités de son expertise dans ces domaines. La Biennale d’architecture offre ainsi aux architectes l’exceptionnelle opportunité d’être les ambassadeurs culturels d’une vision à la fois éthique et esthétique pour que notre monde reste vivable.

La 19e édition de la Biennale internationale d’architecture de Venise intitulée « Intelligens.Natural. Artificial. Collective » nous donne l’occasion de nous interroger et de proposer des solutions architecturales durables et adaptées aux nouvelles conditions et aux aléas climatiques. Avec le concept d’Intelligens, Carlo Ratti, commissaire de la Biennale, nous invite dans une approche transversale et collective, intégrant technologie, science des matériaux et écologie pour optimiser la manière dont nous façonnons nos espaces et minimiser ainsi notre impact sur l’environnement.

« Avec le projet « Vivre avec / Living with », l’agence Jakob+MacFarlane Architectes, associée aux agences Martin Duplantier Architectes et Éric Daniel-Lacombe Architectes, retenue à l’issue d’un concours pour représenter la France, a conçu un dispositif spatial temporaire « hors les murs », qui se nourrit des contraintes physiques de son environnement, le pavillon français étant fermé pour des travaux de rénovation visant à améliorer l’accueil des publics et les performances énergétiques.
Nous serons très heureux de vous retrouver dans ce pavillon éphémère, pensé comme un « abri inclusif », tel que le définissent ses architectes, qui entend fédérer des propositions architecturales venues du monde entier, enrichies des contributions d’écoles d’architecture, dans un espace qui s’étendra jusqu’au bord du canal des Giardini et composera avec « l’existant, les proximités, l’abîmé, les vulnérabilités, la nature et le vivant ». Des conférences accompagneront le projet tout au long de la Biennale.
Ce laboratoire ouvert montrera que ce sont les intelligences réunies qui nous donneront les moyens d’affronter ensemble les obstacles, les défis et les crises de notre monde. Nous tenons à remercier très sincèrement les architectes, les partenaires, les mécènes et toutes les équipes mobilisées autour de ce projet, en premier lieu l’Institut français, opérateur pivot de l’action culturelle de la France à l’international, qui assure la production du pavillon français à Venise. »

« Quelles solutions propose l’architecture pour s’adapter à l’imprévisibilité du monde, pour repenser l’existant et imaginer de nouvelles façon de « Vivre avec » ? Le projet pensé par les architectes Dominique Jakob et Brendan MacFarlane, associés aux architectes Éric Daniel-Lacombe et Martin Duplantier, se saisit de ces questions essentielles et les transforme en une invitation à réinventer notre manière d’exister et d’habiter le monde.
Pour la première fois, l’exposition de l’équipe française ne prend pas place au sein du Pavillon de notre pays, dans les Giardini ; celui-ci est en effet fermé pour d’importants travaux de
rénovation, notamment énergétique dans le cadre de notre feuille de route transition écologique. Elle se déploie donc autour et en prolongement du chantier, à travers un ingénieux dispositif d’échafaudages. Ce pavillon éphémère, tout en légèreté et en cohérence avec son environnement immédiat, en transition lui aussi, fonctionne comme un manifeste du « Vivre Avec » et propose au public un parcours d’expositions, au plus près de la nature, de la végétation et du canal des Giardini.
Pensé comme un abri ouvert et partagé, il donne à voir les solutions innovantes imaginées par toute une scène contemporaine française et internationale d’architectes, urbanistes et paysagistes. Il met aussi en lumière les réflexions innovantes de la nouvelle génération avec un « atlas des aléas » conçu par 8 écoles d’architectures françaises et internationales, en lien avec les enjeux de leur territoire.
L’Institut français est particulièrement fier d’accompagner le projet « Vivre avec / Living With », tant les questions qu’il soulève, les propositions qu’il met en avant et les rencontres qu’ils suscitent, sont nécessaires à la construction d’un avenir viable et souhaitable pour toutes et tous ; elles sont au cœur des préoccupations de l’Institut français, engagé depuis 2022 en faveur de la transition écologique.
L’Institut français est par ailleurs très mobilisé pour la promotion de l’architecture française à l’international et l’accompagnement de ses professionnels, et je me réjouis de la remarquable vitrine offerte par ce projet à la créativité et aux capacités d’adaptation de nos architectes, en dialogue avec les professionnels du monde entier.
Le projet « Vivre avec / Living with » est une aventure résolument collective. Elle n’aurait pas été possible sans l’engagement et la détermination de l’ensemble des équipes mobilisées à Paris, à Venise et à Rome, ni sans la confiance apportée par nos mécènes, CCR (Caisse Centrale de Réassurance), Leonard (plateforme d’innovation et de prospective du Groupe VINCI), Saint-Gobain, Le Caillebotis Diamond et Immobilière 3F que je remercie sincèrement.« 
Eva Nguyen Binh, Présidente de l’Institut français

Dans ce monde de polycrises et de changements turbulents, de conflits qui se multiplient et du climat qui devient imprévisible, un monde où des millions d’habitants sont déplacés et où
d’autres habitent dans des zones de plus en plus exposées aux risques, l’instabilité permanente est un état où nous devons apprendre à « vivre avec ».

Parce que c’est déjà là, et personne n’est à l’abri. Des villes et des villages entiers ont été détruits à cause des conflits (et continuent de l’être pendant que nous écrivons ces lignes), forçant les habitants à se rendre dans des abris temporaires ou à fuir leur pays. Dans le monde entier, les habitats et les cultures sont menacés par la montée du niveau des mers ou le changement des températures. En France, des régions comme les vallées des Alpes Maritimes ont été soumises à des tempêtes dévastatrices récurrentes au cours des dernières années. Et il ne s’agit pas juste de nos voisins. Nous sommes tous concernés, parce que les populations qui fuient les conditions insupportables de leurs pays tentent de reconstruire leur vie à côté de nous – mais aussi parce que l’intensité des aléas naturels ne cessera d’augmenter à l’horizon 2050 (et au-delà, si la consommation de pétrole ne baisse pas). Comment allons-nous vivre dans nos villes de plus en plus en proie aux canicules ? Évacuerons-nous ou resterons-nous ? Nous rentrons dans un territoire inconnu où la question n’est pas seulement « comment bâtir? » mais « comment vivre ? » – non pas à côté, mais avec. Avec les tempêtes, avec les migrations, avec les sols mouvants, avec les voisins d’ici et d’ailleurs. Afin de participer à la recherche collective pour l’avenir, nous mettons l’accent sur le défi de « vivre avec » les instabilités : vers une compréhension profonde de l’interdépendance, vers l’interaction plutôt que la réaction – mais aussi vers l’acceptation et
l’intégration de l’instabilité comme l’une des conditions de base pour pouvoir avancer.

Alors que cette prise de conscience est en train de s’imposer, quel est son impact sur nos concepts fondamentaux de l’architecture ? Comment l’idée de vivre avec l’instabilité et l’incertitude (re)façonne-t-elle notre approche de la conception des bâtiments, des villes et des environnements propices à la vie ? Quelle sera la place de l’architecture dans ce monde fragile au tissu social souvent vulnérable ? L’architecture, telle que nous la connaissions, est-elle en voie d’extinction ? Comment pouvons-nous, en tant qu’architectes, contribuer à assurer la continuité de la vie entre une dernière tempête et la suivante ? Comment engager non seulement les experts mais aussi l’ensemble de la population, tous les jours ? Dans les villes proches de l’eau, les rivières ont été enfermées dans des quais qui en interdisent l’accès, et favorisent des débordements dévastateurs lors des pluies torrentielles qui se multiplient depuis quelques années. Les marais ont été drainés pour l’agriculture. Les habitations se sont aussitôt rapprochées des terres ainsi gagnées sur la nature, et elles subissent de dramatiques inondations depuis que le changement
climatique déverse plus d’eau qu’à l’accoutumée.

Les remblais urbanisés des villes côtières exposent des pans entiers d’urbanisation à des submersions dont on peut craindre les effets pendant longtemps. Dans tous ces cas, l’activité urbaine a repoussé la nature au-delà de son cours dans l’ignorance des catastrophes que peuvent entraîner les tentatives d’extension de leurs territoires par les humains.

L’éloignement des animaux sauvages des espaces civilisés par l’agriculture intensive, l’élevage industriel ou diverses formes d’exploitation des ressources, constitue une forme insidieuse de distanciation vis-à-vis de la nature. Ce phénomène, qui a fait l’objet de nombreux débats lors de la pandémie de COVID-19, dépasse le simple cadre sanitaire : il s’exprime également à travers la diminution alarmante des populations d’oiseaux, d’insectes pollinisateurs et de gibier. En contrepartie, certaines espèces animales, comme les ours, les renards ou même les dindons, colonisent progressivement les villes aux États-Unis et dans les régions nordiques, semant l’inquiétude parmi les citadins désœuvrés face à ce retour du sauvage.
Par ailleurs, l’exploitation des milieux marins par la pêche industrielle, l’extraction pétrolière et minière constitue une autre forme d’invasion, cette fois humaine, des espaces naturels. Dans
les villes, la relation des habitants à la vie sauvage est souvent masquée par des systèmes de médiation complexes, rendant invisibles les liens entre la rareté ou la cherté de certains produits alimentaires et l’appauvrissement des écosystèmes.

Cependant, des formes plus pernicieuses de cette mise à distance de la nature subsistent. L’avènement des outils néolithiques avait déjà amorcé une expansion des activités humaines et une sélection inconsciente des espèces. C’est cependant l’invention des matières plastiques qui a marqué un tournant décisif. En remplaçant des matériaux naturels biodégradables par des substances artificielles durables mais polluantes, la production industrielle du plastique a introduit des microparticules toxiques qui contaminent l’ensemble de la chaîne du vivant, du plancton aux grands mammifères, en passant par l’homme.

L’architecture n’y suffira pas. Il appartient aux architectes de proposer des modes d’intervention architecturale favorisant des pratiques ordinaires de rapprochement entre les habitants et la nature, des rituels quasi-quotidiens qui contribueraient à diffuser les idées portées par les défenseurs de l’environnement, suscitant ainsi de nouvelles émotions et inspirant de nouvelles esthétiques.
Cette architecture doit à la fois prendre acte des demandes de protection vis-à-vis des intempéries et de l’hygiène exigée par nos cultures présentes, et rendre faciles et désirables des rapports nouveaux à la nature ; des rapports qui nous rapprochent de nos voisins et des non-humains.
La transition écologique, bien plus qu’un ajustement technique, marque une rupture culturelle et civilisationnelle, à l’image de la Renaissance ou de la Révolution industrielle. Ces grandes transitions historiques n’ont pas seulement redéfini les rapports humains à la nature et à la société : elles ont également produit de nouveaux langages architecturaux, capables d’incarner ces bouleversements. Palladio et Delorme, Ledoux et Boullée, Perret et Le Corbusier : autant de figures qui, par leur pratique, ont traduit les mutations de leur époque.

L’architecte, par sa capacité unique à relier les dimensions spatiales, sociales, et environnementales, est particulièrement concerné pour répondre à ces défis. Mais cette position implique une transformation profonde de la profession elle-même. Il ne s’agit plus de concevoir des objets autonomes ou des visions isolées, mais de participer à des croisements de disciplines, savoirs et expériences.
Face aux crises qui se multiplient, les solutions viables ne peuvent être imposées de l’extérieur. Elles doivent émerger des pratiques quotidiennes, des solidarités de terrain, et des imaginaires partagés. L’architecture, ainsi réimaginée, devient un acte politique et écologique. Elle n’est plus seulement un art de bâtir, mais un art de maintenir les conditions d’habitabilité sur une planète incertaine. Entre les ruines du passé et les risques à venir, elle propose un futur où la mémoire dialogue avec l’innovation, où le stable cohabite avec le mouvant.

Les réponses architecturales mises en avant dans l’installation éphémère à Venise, représentent une rupture dans notre manière de comprendre et d’appréhender et même de réinventer les défis contemporains. Bien que ces projets illustrent une grande ingéniosité et différentes possibles transformations dans un monde instable et en constante évolution, ils ne sont que le début d’un changement urgent à l’échelle planétaire. L’architecture dépasse ainsi ses frontières traditionnelles. Elle ne se limite plus, en tant que discipline, à des mouvements ou à un langage, mais s’inscrit dorénavant dans un réseau d’interdépendances avec l’environnement naturels, les structures sociales et les technologies émergentes. Elle participe ainsi à de nouvelles manières d’habiter le monde intégrant la dimension poétique et sensible de ces expériences.

« Vivre avec » l’instabilité, ce n’est plus simplement construire des structures résilientes, mais adopter une approche « chorale », collaborative du design. Les projets présentés dans l’exposition en sont des exemples parmi d’autres, nous offrant des perspectives sur la création de nouveaux environnements qui non seulement résistent aux aléas, mais soutiennent aussi la vie en leur sein.
Les projets « Vivre avec / Living with » mettent en lumière la puissance des intelligences réunies — humaine, naturelle et technologique — qui nous accompagnent dans l’incertitude. Le résultat : une architecture profondément liée au monde que nous habitons, afin qu’elle demeure habitable. « Vivre avec / Living with » dépasse le cadre temporel d’une seule biennale pour devenir le point de départ d’un global toolkit – boîte à outils évolutive – une ressource qui s’enrichira au fil des années, avec ses nouveaux exemples, ses nouveaux aléas, ses idées et solutions provenant du monde entier.
Plusieurs aspects des projets présentés à la Biennale dans l’exposition « Vivre avec / Living with » feront partie d’un « global toolkit » — une boîte à outils en perpétuelle évolution — rassemblant un ensemble de stratégies et d’hypothèses. Les architectes, les communautés et les parties prenantes pourront déployer ces outils pour affronter les crises complexes que nous vivons, tout en acceptant l’instabilité et l’imprévisibilité de notre monde. « Vivre avec / Living with » a pour ambition de continuer à alimenter cette boîte à outils évolutive. Ainsi, il s’agit d’une première étape à Venise d’un travail collaboratif sur plusieurs années.

Une exposition, 6 thématiques

Pour l’exposition « Vivre avec / Living with », présentée pour le Pavillon français de la 19e Exposition Internationale d’Architecture – La Biennale di Venezia, au cœur des Giardini, l’équipe curatoriale souhaite démontrer que l’architecture peut non seulement survivre dans un monde en crise, mais aussi contribuer activement à son adaptation. Vivre avec… l’existant. Vivre avec… les proximités. Vivre avec… l’abîmé. Vivre avec… les vulnérabilités. Vivre avec… la nature et le vivant. Vivre avec… les intelligences réunies…
Pour explorer ces six thématiques constitutives du «vivre avec», les commissaires ont sélectionné près d’une cinquantaine de projets, français et internationaux.

Sur les 50 projets qui nourrissent le propos de l’exposition, 9 sont présentés par les commissaires et 41 ont été choisis par un comité de sélection invité à statuer sur les candidatures de l’appel à
projets lancé en juillet 2024. Pour cette sélection, les membres du comité ont dû examiner quelque 275 projets en provenance de France (territoire métropolitain, Guyane, Mayotte, Martinique) et de nombreux pays du monde entier.

Vivre avec l’existant…

Travailler avec ce qui est déjà là plutôt que repartir de zéro. Réhabiliter plutôt que démolir : la réutilisation adaptative comme une pratique basée sur les principes de la régénération, la
circularité et la transition. Trouver de la valeur dans ce qui était autrefois jugé inutile ou hors d’usage. Réutiliser des bâtiments obsolètes, des infrastructures, des ruines en leur donnant une nouvelle raison d’être. Remodeler l’environnement afin de permettre à l’habitat d’être protégé par les régulations naturelles lors des épisodes climatiques dangereux. Humaniser les infrastructures. Protéger et valoriser les écosystèmes existants, y compris ceux qui se sont développés spontanément sur les friches industrielles et d’autres territoires urbanisés.

Vivre avec …les proximités

Révéler le potentiel transformateur d’une approche ancrée dans le contexte local. Optimiser les ressources disponibles localement, innover avec ce qui est à portée de main. Utiliser des matériaux biosourcés, géosourcés ou urbains, issus de l’environnement proche. Expérimenter avec des matériaux souvent considérés comme des déchets ou des sous-produits, pour les transformer en solutions architecturales innovantes, mettant en évidence leur potentiel fonctionnel, esthétique et écologique. Soutenir la transmission des savoir-faire traditionnels et renforcer le lien entre l’architecture et la culture locale. Utiliser des ressources limitées de manière intelligente, parvenant à un impact majeur avec des interventions modestes.

Vivre avec… l’abîmé

Restaurer, reconstruire et réconcilier après des événements destructeurs, qu’ils soient naturels, humains ou liés à des conflits : comment l’architecture peut-elle transcender les dommages pour devenir un vecteur de guérison et de transformation, tout en contribuant à un avenir où mémoire et innovation cohabitent ? Réparer le tissu social tout en transformant les espaces physiques. Rétablir les équilibres écologiques et sociaux. Ne pas se limiter à réhabiliter des environnements physiques dégradés, mais chercher à transformer les lieux en catalyseurs de renouveau social,
économique et environnemental.

Vivre avec les vulnérabilités

S’adapter aux aléas climatiques et aux milieux difficiles : vivre avec les vulnérabilités ne consiste pas à combattre les risques, mais à composer avec eux pour imaginer des environnements
moins vulnérables, robustes et résilients. Reconnaître l’impossibilité d’éliminer complètement les vulnérabilités et intégrer ces contraintes dans la planification pour coexister avec les aléas. Proposer des solutions flexibles, évolutives et contextuelles, capables de répondre aux besoins immédiats tout en anticipant les changements futurs, qu’ils soient climatiques, sociaux ou
environnementaux. Tirer parti des matériaux et savoir-faire locaux, souvent issus de la nature ou des catastrophes elles-mêmes, pour concevoir des habitats et des infrastructures adaptés et
durables. Minimiser les interventions lourdes pour préserver les écosystèmes existants.

Vivre avec… la Nature et le Vivant

Reconnaitre des écosystèmes comme partenaires essentiels de l’architecture et de l’aménagement : une architecture en dialogue constant avec le vivant, les écosystèmes partagés. Ouvrir des collectivités d’habitants à de nouveaux rapports avec les non-humains. Cohabitation et interdépendance : créer des environnements où humains, animaux et végétaux interagissent de manière
bénéfique, en intégrant les écosystèmes locaux et en adoptant des solutions qui favorisent la coexistence et le partage des ressources. Restaurer les paysages dégradés et s’inspirer des mécanismes naturels pour concevoir des structures respectueuses de leur environnement. Intégrer la nature dans les bâtiments en valorisant des éléments vivants. Créer des projets qui deviennent des lieux d’apprentissage et de sensibilisation, où les habitants participent activement à la gestion et à la préservation des écosystèmes, renforçant le lien entre la culture locale et
l’environnement naturel.

Vivre avec… les intelligences réunies

Collaboration interdisciplinaire et co-conception : faire travailler ensemble des experts, des habitants et des technologies pour enrichir le processus de création. Elargir le cercle des intelligences et des protagonistes dans la conception architecturale pour répondre aux défis complexes du monde contemporain. Parvenir à une synergie entre l’intelligence humaine,  ’intelligence de la nature, et les technologies avancées. Associer l’intelligence artificielle aux mécanismes biologiques pour optimiser les processus naturels, tels que la régulation climatique ou la restauration des écosystèmes.

Les résonances

En plus de son rôle d’opérateur du Pavillon français à la Biennale de Venise, l’Institut français s’engage à diffuser et valoriser le projet lauréat en France et à l’international à travers des actions de résonance, déployées en amont, pendant et après la présentation vénitienne. L’objectif est de faire connaître les enjeux du projet et celles et ceux qui le portent, au-delà du Pavillon, pour en amplifier la visibilité.
Fondamentalement partenariales, ces résonances sont construites en dialogue avec l’équipe curatoriale et divers partenaires en France et à l’international, en s’appuyant notamment sur le
réseau culturel français à l’étranger. Dans le cadre du projet « Vivre avec / Living with », la diversité des initiatives présentées, notamment l’Atlas des Aléas mobilisant sept écoles d’architecture à travers le monde, façonne une constellation de résonance qui s’étend des États-Unis à l’Égypte, en passant par la France.

À compter de février 2026, le FRAC Centre-Val de Loire accueillera une présentation nouvelle du projet « Living with… » et qui sera accompagné de conférences et de masterclasses organisés à l’attention des professionnels et des écoles supérieures d’art, de design, d’architecture et de paysages françaises et étrangères. En amont, le FRAC organisera, sur le territoire local et régional, une « résonance de la résonance », avec la conception et la diffusion d’expositions conçues depuis ses collections et en écho avec les intentions du projet « Living with », avec aussi des résidences, ateliers participatifs conduits auprès d’un grand public, mais aussi des scolaires et des milieux associatifs qui seront ensuite également invités.

Le Pavillon de la France dans les Giardini

Le Pavillon français, qui accueille habituellement les expositions françaises lors des biennales d’architecture et d’art de Venise, est en cours de restauration tout au long de l’année 2025 et sera
donc inaccessible. Plutôt que de s’éloigner du site, l’équipe des commissaires a choisi d’investir l’espace adjacent en installant un pavillon éphémère, en plein cœur du chantier.
Conscient de l’importance de renforcer notre lien avec le vivant, le projet investit temporairement le site arboré jouxtant le pavillon. Généralement ignoré, ce sous-bois au sud du Pavillon français devient un élément majeur du projet. Installé dans et autour de cette forêt, le pavillon temporaire rend possible une collaboration entre l’architecture et la nature – pour être directement vécue par les visiteurs.
Recouvert d’échafaudages pour sa rénovation, le Pavillon français maintient sa présence imposante dans les Giardini. Le pavillon éphémère s’y greffe pour se déployer en ramifications. Entre le pavillon existant – la « maison permanente » – et le canal, ce nouvel espace temporaire se conçoit comme un abri ouvert et inclusif aux autres et à la nature. Le pavillon incarne lui-même le concept de « Vivre avec / Living with » : vivre avec son environnement, son paysage, son milieu. L’équipe des commissaires s’inspire du bâtiment en travaux, du jardin et du canal. Le chantier est devenu une partie intégrante de l’expérience architecturale, scénographique et sensorielle proposée aux visiteurs.
C’est aussi une possibilité extraordinaire de créer pour le Pavillon français une deuxième façade avec un balcon sur le canal. De cette manière, le pavillon reliera trois aspects majeurs de son environnement: la terre, la végétation et l’eau.
Grâce à la situation extraordinaire hors-les-murs, le pavillon, habituellement tourné à l’opposé du canal, s’ouvrira pour la première fois vers l’eau – un élément primordial du paysage et de l’infrastructure vénitienne – offrant un micro-climat à l’abri de l’ensoleillement.
Une illustration vivante du monde contemporain mis au défi de se tourner vers la nature et de changer notre attitude envers ce qui nous entoure – vers l’acceptation, la responsabilité, le
mutualisme, mais aussi vers une attention particulière aux connaissances locales.
L’objectif est de créer une expérience vécue, multidimensionnelle et poly-sensorielle, une symbiose entre high tech et low tech (parce que c’est ainsi que cela fonctionne dans les situations d’instabilité, de reconstruction d’une nouvelle vie…), une expérience de coexistence collaborative entre la technologie et la nature, mais surtout le contact direct avec la nature qui n’a pas été possible avec le format traditionnel du Pavillon.

Comprendre : l’équipe des commissaires espère que les visiteurs retiendront de cette expérience qu’une période d’incertitude ouvre un espace de créativité et d’innovation.
Partager : l’équipe des commissaires entend faire de ce projet un lieu d’échange et de partage des connaissances. Le pavillon servira de vitrine aux œuvres qui ont déjà été créées pour répondre à ces nouveaux défis, mais aussi de forum de débats et d’apprentissage à travers une variété de sujets et de formats pertinents et adaptés à différents types de publics : professionnels, étudiants, grand public.

Transformer : Si l’architecture est un art de la transformation, elle transforme également les visiteurs du Pavillon français en les plaçant dans des situations insolites pourtant certaines, visant à les conduire vers un engagement de la transformation de leurs habitudes ou attitudes.

Ce ne sont en réalité que des aspects d’une transformation plus profonde de l’architecture rendue nécessaire par la transition écologique de nos sociétés.

Membres du comité de sélection :

Les commissaires

  • Bernard Desmoulins, Architecte, membre élu de l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France ;
  • Océane Ragoucy, Architecte, curatrice, consultante indépendante et éditrice associée au quotidien AOC ;
  • Francis Rambert, Journaliste, critique d’architecture, directeur du département de la Création architecturale à la Cité de l’architecture et du patrimoine ;
  • Jana Revedin, Architecte, docteur en sciences architecturales et urbaines, professeur titulaire d’architecture et d’urbanisme des ENSA, Présidente du Global Award for Sustainable Architecture ;
  • Chris Younès, Docteur en philosophie, psychosociologue, professeure à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-La Villette et à l’École spéciale d’architecture, Fondatrice du
    laboratoire GERPHAU (Philosophie, architecture, urbain) ;
  • Anna Yudina, Auteure et commissaire d’expositions sur des sujets à la frontière entre architecture, design, art, science et technologie, co-fondatrice du magazine Monitor, dédié aux innovations dans le domaine de l’architecture et du design.

Un cycle de conférences

« Vivre avec / Living with » propose également un cycle de 6 conférences organisées dans plusieurs lieux à Venise, de juin à novembre 2025, traversant la temporalité des saisons durant toute la durée de la biennale.
Animées par Madeleine Houbart – Secrétaire Générale de l’AFEX : Architectes Français à l’Export -, elles ont pour objectif de faire dialoguer des intervenants sur les six thèmatiques du « Vivre
avec » et leurs problématiques singulières. Ainsi à partir de prises de parole et de réalisations d’architectes nationaux / internationaux, ce cycle tracera les voies d’une nouvelle création architecturale face à l’incertitude du monde.

Conférence 1 « Les Vulnérabilités » – Jeudi 5 juin 2025, en fin d’après-midi :

  • Irati Lasa Amo et Jihana
  • Nassif
  • Nicolas Bauduceau
  • Pierpaolo Campostrini
  • Iris Chervet
  • Matthieu Duperrex
  • Cyrille Hanappe
  • Grégory Quenet
  • Bas Smets
  • Avec le soutien et la participation de : CCR ; Leonard, la plateforme d’innovation et de prospective du groupe VINCI

Conférence 2 « Les proximités » – Vendredi 25 juillet, en fin d’après-midi :

  • Pascal Amphoux
  • Tania Concko
  • Michaël Delafosse (sous réserve)
  • Émilie Gascon
  • Guillaume Hebert
  • Randa A Mahmoud
  • Salima Naji
  • Paola Vigano

Conférence 3 « Abîmé » – Vendredi 29 août, en fin d’après-midi :

  • Isabelle Thomas
  • Victoria Caubet
  • Bohdan Kryzhanovsky
  • Mona Fawaz
  • Représentants de Marioupol ou Zaporizhzhia

Conférence 4 « Existant » – Vendredi 26 septembre, en fin d’après-midi :

  • Chris Younès
  • Isabelle Autissier
  • Oleh Drozdov
  • Franck Boutté
  • Andriy Sadovyi (sous réserve)
  • Avec le soutien et la participation de Saint-Gobain

Conférence 5 « Intelligences réunies » – Vendredi 24 octobre, en fin d’après-midi :

  • Sumaya AlSolyaman (sous réserve)
  • Hernan Diaz Alonso
  • Marie-Ange Brayer
  • Philippe Chiambaretta
  • Damjan Jovanovic
  •  Philippe Rahm

Conférence 6 « Nature et Vivant » – Vendredi 21 novembre, en fin d’après-midi :

  • Stig L. Andersson
  • Nicolas Bauduceau
  • Bernard Desmoulin
  • Cécile Gaudard
  • Trung Mai
  • Éric Piolle
  • Jana Revedin
  • Xin Wu et Michel Conan
  • Avec le soutien et la participation de CCR

À l’issue de la biennale, une conférence de clôture sera organisée à Paris, à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine. Début décembre 2025 (date à préciser).
Animateur : Francis Rambert,, Directeur du département de la Création architecturale à la Cité de l’architecture et du patrimoine.

Liste de conferences en cours de finalisation.

L’équipe curatoriale 

De gauche à droite : Brendan MacFarlane, Dominique Jakob, Martin Duplantier et Éric Daniel-Lacombe
© Juliette Agnel

Dominique Jakob, née en France, est diplômée de l’école d’architecture Paris-Villemin (1991) et titulaire d’une licence en histoire de l’art (Université Paris I). Dominique a enseigné à l’école d’architecture Paris-Villemin et Paris-Malaquais, à l’École Spéciale d’Architecture, ainsi qu’au Southern California Institute of Architecture de Los Angeles. Elle a été nommée Femme Architecte de l’année 2019 par l’Association pour la Recherche sur la Ville et l’Habitat (ARVHA). Elle est membre titulaire de l’Académie française d’Architecture depuis 2016.

Brendan MacFarlane, né en Nouvelle-Zélande, est diplômé du Southern California Institute of Architecture de Los Angeles (SCI-Arc) (1984) et titulaire d’un master de la Harvard Graduate
School of Design de Boston (1990). Il a enseigné à la Bartlett School of Architecture de Londres, à l’Architectural Association de Londres, à l’École Spéciale d’Architecture de Paris, à l’École Georgia Tech, au Southern California Institute of Architecture et à la Harvard Graduate School of Design.

Jakob+MacFarlane : En 1998 Dominique Jakob et Brendan MacFarlane ont fondé Jakob+MacFarlane Architectes, une agence d’architecture, d’urbanisme, de design et de recherche dont le travail est orienté sur le développement d’une architecture innovante et socialement engagée, conçue pour répondre aux défis environnementaux et sociétaux du 21e siècle. Jakob+MacFarlane ont été les initiateurs de la section française de Architects Declare (Les Architectes Français se mobilisent face à l’Urgence Climatique et Écologique) ; ses projets Odyssée Pleyel – Energy Plug
en France et Living Landscape en Islande sont lauréats du concours international C40 Reinventing Cities et témoignent de la capacité de l’architecture à soutenir la transition vers un monde où humain et nature cohabitent harmonieusement. Ils exposent leurs œuvres au niveau international avec la participation à la 2021 Seoul Biennale of Architecture and Urbanism et à la COP26 à Glasgow parmi les exemples récents. L’agence a également déjà fait partie de la sélection française à la Biennale d’Architecture de Venise en 2002, ainsi que de la sélection internationale en 2004 et en 2008 (installation Conflicts dans le pavillon National).

Éric Daniel-Lacombe, né en France, est un architecte français ; DPLG en 1985, DEA en paysage en 1996, Doctorat en urbanisme en 2006, HDR en géographie à l’ENS de Lyon en 2020 et Professeur titulaire de la chaire « Nouvelles urbanités face aux risques naturels ». Il encadre les diplômes consacrés à l’architecture confrontée aux risques naturels sur les cinq continents. Il a reçu le premier prix au Cemex Building Award en 2007 pour une maison en zone inondable à Paris, et le grand prix de l’aménagement en terrains inondables en 2015 pour le quartier Matra à Romorantin. Il est consultant auprès de municipalités exposées à des risques naturels en France et au Canada. Il gère la conception d’aménagements résilients dans les vallées des Alpes Maritimes où des inondations récentes ont provoquées des drames humains et des catastrophes matérielles. Il vient de publier aux PUM « Vers une architecture pour la santé du vivant » un livre qui défend l’architecture comme une forme d’art, portée par un désir de solidarité entre les humains et les non-humains.

Martin Duplantier, architecte et urbaniste passionné, apporte une vision audacieuse et engagée à l’architecture contemporaine. Diplômé d’HEC et de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Malaquais, il combine vision stratégique et créativité. Aujourd’hui, il dirige une agence présente à Paris, Bordeaux, ainsi qu’à Lviv et Kyiv en Ukraine. Alliant recherche, création et impact social, ses projets tentent de repenser l’architecture comme un levier de transformation collective. Un levier fédérateur, post conflit et post carbone, flexible et adaptable face aux aléas. Le champ d’activité de l’agence est multi facettes. Du patrimoine éducatif aux infrastructures sociales, en passant par l’habitat, la conception de nouveaux quartiers ou de lieux de production. Il partage également son expertise en tant que professeur à la Kharkiv School of Architecture, et au sein de la fondation ARCH4UA (Architecture for Ukraine)

Exposition « Vivre avec / Living with », du 10 mai au 23 novembre 2025 – Pavillon français de la 19e Exposition Internationale d’Architecture à La Biennale di Venezia

Site internet :
labiennale.org/en/architecture/2025
www.institutfrancais.com

Photo d’en-tête : « Vivre avec / Living with » – Perspective extérieure – crédit : JAKOB+MACFARLANE 

S’abonner
Notifier de


0 Commentaires
Les plus anciens
Les plus récents Le plus de votes
Inline Feedbacks
View all comments
Article précédent

Âmes vertes, quand l'art affronte l'anthropocène

Prochain article

matali crasset, 2025

Derniers articles de ARTS & CULTURES