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Bartabas

Bartabas, le Centaure d’Aubervilliers

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Le Prix « Marcel Nahmias » décerné à un écrivain ou à un comédien de théâtre pour l’ensemble de son œuvre ou de sa carrière est remis cette année à l’auteur et metteur en scène Bartabas. Pionnier d’une expression inédite, conjuguant art équestre, musiques, danse et comédie, Bartabas, le Centaure d’Aubervilliers, a inventé et mis en scène une nouvelle forme de spectacle vivant hors cadres : le théâtre équestre. Hommage.
 
Comment mieux célébrer la création théâtrale qu’en accueillant les auteurs et artistes du monde du théâtre à l’occasion de la remise des Prix Plaisir du Théâtre ?
Le 29 janvier à 19h, pour sa onzième édition, le jury de l’association Plaisir du Théâtre, organisé par la SACD, présidé par René de Obaldia de l’Académie française, et composé d’écrivains, de critiques de théâtre et de comédiens anciens lauréats, attribueront à cette occasion deux prix. Pour l’année 2018, Gilles Costaz attribuera le Prix Jean-Jacques Gautier 2017 à l’auteur et metteur en scène Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre ; et Armelle Héliot remettra le Prix Plaisir du théâtre – Marcel Nahmias 2017 à l’auteur et metteur en scène Bartabas.
 
Aspirant jockey devenu cavalier punk, puis poète écuyer, avec sa compagnie, fondée en 1984 à l’enseigne du Théâtre équestre Zingaro, Bartabas a conquis des centaines de milliers de spectateurs à travers le monde. Dans un souci de transmission, il fonde en 2003 l’Académie équestre de Versailles. Pour ce corps de ballet unique au monde, qui se produit dans le manège de la grande écurie royale, il signe notamment les mises en scène du Chevalier de St Georges, du Voyage aux Indes Galantes et des Juments de la nuit. De cabarets en spectacles, et de films en ballets, le « cavalier majuscule » a élevé l’art équestre au rang d’art majeur (1). Pour des spectacles magiques flirtant avec les cultures les plus diverses. Un artiste hors normes.
 
 
Il est toujours difficile, voire un peu illusoire, de prétendre déterminer comment ça a commencé, de déterminer l’événement fondateur d’une vie d’artiste, le premier choc émotionnel. Pourquoi suis-je devenu artiste, et cet artiste-là ?
Inventer une forme de spectacle comme la nôtre, un théâtre équestre, suppose d’abord d’accepter la vie nomade, ses libertés et ses contraintes, la liberté qui en est l’essence mais aussi l’inconfort. Aussi, à peine a-t-on parlé de « choisir » cette vie, qu’il faut se poser la question : est-ce un choix si délibéré ?
Car on choisit une vie d’artiste avant d’être artiste.
Je naîtrai artiste un peu plus tard, lorsque je commencerai à travailler le matériau que je me suis choisi. Car c’est le rapport que l’artiste entretient avec son matériau qui le fait naître; c’est la façon dont il saura jouer avec les contraintes que le matériau lui dicte qui fera de lui un artiste.
Le contexte des années 1970 incitait à se lancer dans la vie sans la moindre assurance. Le spectacle de rue que nous pratiquions alors avec le Théâtre Emporté (des interventions provocantes utilisant des personnages de la commedia dell’arte) était résolument en marge, il y avait même en nous une forme de hargne contre la société, nous nous voulions sauvages et rebelles, je pense que nous l’étions. Nous vivions comme des apatrides, citoyens du monde qui se nourrissaient des pays qu’ils traversaient.
 
La discipline artistique que nous avons créée plus tard, le théâtre équestre, n’existait pas. Nous venions de nulle part, nous ouvrions une nouvelle voie, sans forcément savoir laquelle.
Nous vivions au présent, il n’était alors question ni de projets ni d’avenir.”
Bartabas
 
 
Dans le cadre de l’académie, il collabore avec des artistes venus de tous horizons comme Carolyn Carlson, Alexandre Tharaud, Philip Glass ou encore Beňat Achiary. 
En état de recherche perpétuelle, Bartabas présente régulièrement des œuvres plus intimistes dont il est tout à la fois l’auteur et l’interprète, ainsi Entr’aperçu au Théâtre du Châtelet, Lever de soleil ou le Centaure et l’Animal avec le danseur de Butô Ko Murobushi.
De 2006 à 2015, ses créations sont nombreuses : Battuta, spectacle d’inspiration tsigane ; Darshan, à la scénographie d’un théâtre d’ombres circulaire, Calacas, inspiré de la fête des morts mexicaine, ou bien encore Elégies : on achève bien les anges, un spectacle sur le sentiment religieux. En 2017, il a présenté Ex-Anima, son quinzième et dernier spectacle, où l’intervention de l’homme est limitée au strict minimum pour donner au cheval une place centrale. 
Pour le cinéma, Bartabas a réalisé deux longs métrages : Mazeppa (1993, primé à Cannes) et Chamane (1995) produits par Marin Karmitz.
Son dernier opus, Galop Arrière, s’apparente à un véritable « traveling de mémoire » et à un questionnement sur l’ensemble de son parcours et de son œuvre. Longtemps tenu pour une utopie équestre, le « galop arrière » exige du cheval et de son cavalier une complicité et une maîtrise inouïes, ainsi que l’exceptionnelle capacité de reculer sans cesser de faire face. Il était donc naturel que Bartabas, pour évoquer l’ensemble de son parcours et celui du Théâtre Zingaro, choisisse cet intitulé altier et de singulière perspective : une manière de remonter le temps sans revenir sur ses pas. Car s’il s’agit bien d’explorer et de ressusciter ici vingt-cinq ans d’aventures artistiques, le projet ne s’apparente en rien à une remémoration plus ou moins nostalgique.
C’est un film original et accompli qui nous est offert. La fougue furieuse des Cabarets, les défis d’Opéra, la magie de Chimère, la pure beauté d’Éclipse, la célébration douloureuse de Triptyk, la méditation active de Loungta, le déboulé iconoclaste de Battuta, tout est là, et pourtant un surcroît d’histoire secrète, intime, entr’aperçue s’écrit, qui use des mots des poètes pour dire le sens d’une vie hors norme, risquée, irréductible, inspirée.
Une vie définitivement en forme de destin cavalier.

 
C’est donc avec Ex Anima, que Bartabas décide d’effectuer son ultime salut en octobre 2017, comme un « achèvement » : ce n’est plus la virtuosité du couple cheval-cavalier qui est à l’œuvre, mais l’animal dans sa simple majesté, dans une liberté en scène incomparable. A voir d’urgence jusqu’en février 2018. Puis tournée en France. (Renseignements : 01 48 39 18 03, www.zingaro.fr)
 
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(1)    Ecouter sur France Culture l’émission « A voix nue »
 

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