Shérazade Zaiter est depuis 2022 Ambassadrice du Pacte européen pour le Climat, créé par la Commission européenne dans le cadre du Pacte vert. Un engagement de plus pour cette femme énergique et infatigable, qui de Limoges comme dans toute la France et à l’international, plaide haut et fort la cause de l’environnement. Interview, à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage.
Une mission qui ne tient pas du hasard ! Juriste en droit des affaires, droit international et européen, droit de l’environnement et de l’urbanisme, Shérazade Zaiter a été formée à l’environnement à la fois au CRIDEAU par le professeur émérite Michel Prieur puis sur le changement climatique par Al Gore, ancien vice-président des Etats-Unis, dont elle a été coordinatrice de sa filiale française, Climate reality project.
Avec en plus ce besoin irrépressible de rencontrer les autres, d’échanger à toutes occasions, de partager ses multiples expériences, de vulgariser les messages pour sensibiliser le plus grand nombre… Tel son dernier ouvrage « Le manifeste contre la corruption environnementale – L’arc en ciel du mensonge », paru aux éditions Erick Bonnier.
Dans Le manifeste contre la corruption environnementale, Shérazade Zaiter explore les crimes environnementaux perpétrés par un certain nombre de pays, alors que, le 27 février dernier, l’Union européenne votait un texte élargissant la liste des crimes environnementaux et harmonisant les sanctions en la matière dans l’Union européenne. Début février, le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, proposait à son tour de poursuivre les crimes environnementaux sans modifier son statut, estimant que les dégâts environnementaux sont souvent cause ou conséquence de crimes de guerre ou contre l’humanité, sur lesquels elle a déjà la compétence.
Shérazade Zaiter dénonce des crimes qui viennent accentuer la crise environnementale et met en lumière ceux qui tentent de combattre cette corruption.
Portrait et témoignage de Shérazade ZAITER, une ambassadrice du Pacte européen pour le Climat
Shérazade, comment vous définissez-vous ?
SZ : Je suis une femme, une mère, une juriste internationale, enseignante universitaire, conférencière et auteure engagée dans la défense des droits humains, l’éducation et le développement durable. Et les quatre pôles qui définissent toutes mes actions et mes engagements sont le droit des affaires et des entreprises, les droits humains et sociaux, le droit de l’environnement, le droit international.
Vous avez une expérience à l’international, tant professionnelle que personnelle, très atypique...
SZ : J’ai toujours voulu défendre les injustices, c’est ce qui m’a naturellement menée vers le droit. En parallèle, j’étais également attirée par le monde de l’entreprise, les affaires, l’environnement et l’international. J’ai donc décidé de combiner toutes ces passions. Mon parcours m’a conduite à travailler dans la finance et les investissements internationaux, tout en plaçant la protection de l’environnement et le développement durable au cœur de mes actions. À l’époque, il y a 25 ans, mon parcours universitaire était considéré comme atypique et cela pouvait même être un handicap, car je ne rentrais pas dans les cases. En Asie du Sud-Est, j’ai eu l’opportunité de conseiller des entrepreneurs du monde entier souhaitant s’implanter dans des pays émergents. J’ai également occupé le poste de directrice adjointe du service économique de l’ambassade de Grande-Bretagne en Birmanie et celui de juriste référente auprès de l’ambassade de France au Cambodge. Depuis mon retour à Limoges en 2017, j’ai voulu poursuivre ce travail en plaçant l’environnement au centre de mes engagements. Ma vision de la lutte contre les injustices est globale, et elle s’enrichit de mes expériences internationales.
Quel a été votre ‘’déclic’’ environnemental, vos sources d’inspiration ?
SZ : Je n’ai pas eu de « déclic » à proprement parler. Pour moi, la défense de l’environnement, tout comme celle des droits humains, a toujours été une évidence. C’est aussi naturel que de respirer. Mes premières sources d’inspiration viennent de mes parents et de l’éducation qu’ils m’ont transmise. Mon père a quitté la Tunisie à dix-huit ans, ma mère a quitté le Portugal à dix-sept. Ils se sont rencontrés à Limoges, se sont mariés et ont construit leur vie ensemble, malgré les préjugés et les discriminations auxquels ils ont dû faire face. Leur parcours est une leçon de courage, de résilience et de persévérance. Mon père me répétait souvent : « Il faudra que tu travailles trois fois plus, parce qu’on te rappellera toujours d’où tu viens. » Ces mots ont forgé ma détermination.
Aujourd’hui, je suis le fruit de ce métissage, et ce que je voyais autrefois comme une différence est devenu une force. Mes origines ont naturellement guidé mes choix. J’ai toujours voulu comprendre d’autres cultures, m’imprégner de leurs histoires, de leurs valeurs, de leurs visions du monde. Cette curiosité m’a poussée à étudier le droit international, une discipline qui reflète cette diversité à travers les continents. J’ai eu la chance de travailler, d’enseigner et de collaborer avec des personnes venues des quatre coins du monde. Mon fils, lui, est né en Birmanie – sans doute l’un des rares Français à voir le jour là-bas. Ce choix était aussi un message : je voulais qu’il apprenne, dès ses premiers jours, que la véritable richesse de l’humanité réside dans ses multiples facettes. C’est cette vision que je transmets aujourd’hui à mes étudiants. L’environnement, le changement climatique, les conflits ou encore le commerce international sont autant d’enjeux globaux façonnés par des contextes culturels uniques. Comprendre cette diversité, c’est aussi mieux comprendre les défis auxquels nous faisons face collectivement.
Comment concrétisez-vous votre engagement environnemental ?
SZ : Ce que je défends, c’est la protection et la préservation de l’environnement, mais au-delà des étiquettes. Je ne me reconnais pas dans le terme « écologiste », qui, à mes yeux, ne reflète pas toute la complexité et la profondeur de mon engagement. Pour moi, la protection de l’environnement et la défense des droits humains sont indissociables. Mon engagement est à la fois local et global. Il se construit à travers des actions concrètes, des échanges et un dialogue constant avec celles et ceux qui, à leur échelle, essaient aussi de faire bouger les lignes. Je concrétise cet engagement de plusieurs façons :
● À travers mes enseignements à l’université et en école de commerce, où je forme les étudiants aux enjeux du droit international, du développement durable et du commerce éthique.
● Par les formations que je dispense aux entreprises et aux institutions, pour intégrer des pratiques durables dans leurs activités.
● Avec mes publications, qu’elles soient académiques, dans mes livres ou sous forme d’articles accessibles au grand public, pour rendre ces sujets complexes compréhensibles à tous.
● Par mon action politique en tant que conseillère municipale déléguée aux Objectifs de Développement Durable (ODD) à Limoges, où je m’efforce de traduire ces grands principes en actions locales concrètes.
● À travers mes chroniques sur France 3 Nouvelle-Aquitaine, où je sensibilise le public aux enjeux environnementaux et sociétaux d’aujourd’hui.
● Par mes présentations bénévoles sur le climat et la protection de l’environnement, car l’éducation et la sensibilisation restent les armes les plus puissantes.
● En participant à l’élaboration de textes juridiques internationaux, notamment auprès des Nations Unies, pour inscrire ces combats dans le droit international.
● Par ma présence à des conférences en France et à l’international, où je partage mes recherches et mes expériences pour nourrir le débat.
● Enfin, en tant qu’ambassadrice du Pacte européen pour le Climat, je travaille à rapprocher les citoyens des décisions qui façonneront notre avenir collectif.
A ce propos, comment concevez-vous votre rôle en tant qu’ambassadrice du Pacte européen pour le Climat ?
SZ : Je suis convaincue que chacun peut faire une différence. Même les gestes les plus simples du quotidien, s’ils sont portés par une véritable prise de conscience, peuvent contribuer à construire le monde plus juste et plus apaisé que nous espérons tous. Je sais combien il est difficile de rester motivé face à l’ampleur des défis climatiques. Le sentiment d’impuissance peut parfois nous gagner. Mais chaque action compte, et c’est précisément ce que rappelle le Pacte européen pour le Climat : il offre à chacun, à tous les niveaux de la société, un levier pour agir concrètement. Mon rôle d’ambassadrice est une extension naturelle de mes engagements et de actions, mais avec une portée européenne. Cette plateforme me permet de :
● Sensibiliser sur les enjeux climatiques, notamment en liant les aspects environnementaux aux questions juridiques et sociales.
● Transmettre mes connaissances, que ce soit à travers mes enseignements, mes conférences, mes publications ou mes interventions publiques.
J’aime particulièrement échanger sur ces questions complexes, car je crois que c’est à travers le dialogue que naissent les véritables changements. Le climat, ce n’est pas seulement une question scientifique : c’est un enjeu de justice sociale, d’éthique et de solidarité.
Justement, vous avez publié récemment « Le manifeste contre la corruption environnementale – L’arc en ciel du mensonge ». Avec ce livre, quels ont été vos objectifs, votre motivation ?
SZ : La corruption est silencieuse mais dangereuse, elle sape les fondements de nos sociétés. Lorsqu’elle touche l’environnement, ses effets sont dévastateurs : elle permet une exploitation abusive des ressources naturelles, favorise la destruction des écosystèmes et nuit aux communautés locales. Pourtant, la corruption environnementale reste un sujet méconnu et sous-estimé. Mon objectif avec ce livre est simple : rendre visible ce qui est souvent caché. Je veux que ce phénomène soit reconnu, compris et combattu avec autant de détermination que les autres formes de corruption. La corruption environnementale est en constante expansion. Elle est souvent liée à des réseaux de criminalité organisée, notamment dans le secteur des déchets, où de véritables éco-mafias prospèrent. Ce qui rend ces pratiques d’autant plus préoccupantes, c’est qu’elles génèrent des profits colossaux pour peu de risques encourus.
Et vous parlez par expérience !
SZ : Oui, malheureusement, mon engagement n’est pas purement théorique. J’ai vécu et travaillé dans des pays où la corruption est profondément enracinée. Je l’ai vue à l’œuvre, j’en ai constaté les effets dévastateurs, et j’ai dû y faire face dans mon travail au quotidien. J’ai toujours eu zéro tolérance pour le manque d’intégrité et de probité, mais la réalité de la corruption est telle que l’on ne peut pas l’ignorer, surtout quand on travaille à l’intersection des affaires et de l’environnement. J’ai rapidement compris que les intérêts économiques et politiques s’unissent pour contourner les lois et empêcher les véritables avancées environnementales. En 2020, j’ai publié un article dans Le Monde du Droit intitulé « Les liens de la corruption et de la criminalité environnementale ». Cet article a suscité de nombreuses réactions et m’a poussé à creuser encore davantage le sujet. En constituant un dossier documenté, je me suis rendu compte qu’il existait très peu d’informations accessibles en français sur ces pratiques. En 2023, j’ai décidé d’écrire ce livre pour raconter non seulement les mécanismes complexes de cette corruption, mais aussi mon propre vécu en Asie du Sud-Est, où j’ai été confrontée directement à ces pratiques. Ce livre explique comment ces mécanismes compromettent la protection des écosystèmes et affectent des domaines essentiels comme la santé, l’éducation et l’économie. Mais au-delà du constat, j’y propose aussi des pistes d’action concrètes pour résister et dépasser ces fléaux. Mon espoir est que ce témoignage, mêlant expérience personnelle et expertise professionnelle, inspire d’autres à s’engager à leur tour, chacun à leur échelle, pour un avenir plus juste et plus respectueux de nous tous sur notre planète.
Ce qui vous caractérise, dans toutes vos interventions, c’est votre pédagogie …
SZ : Partager mes connaissances et mon expérience a toujours été un plaisir, mais ce n’est jamais suffisant en soi. Il ne s’agit pas seulement de transmettre des faits ou des idées, mais aussi de savoir les rendre accessibles à chaque public. Je ne m’adresse pas de la même manière à des enfants de primaire, à des étudiants d’université ou à des experts lors d’une conférence internationale. J’utilise un langage simple, naturel, que chacun peut comprendre. Et surtout, je raconte des histoires. La vraie difficulté, surtout sur des sujets sensibles ou complexes, est de garder un discours tempéré, clair et raisonné. Il ne s’agit pas d’imposer des idées, mais de créer un espace d’écoute et d’échange, où chacun peut réfléchir et se questionner. En tant que juriste, je vais toujours au fond des choses. Je m’appuie sur des faits solides, des données vérifiées et des analyses rigoureuses. C’est ce travail de fond qui me permet d’être à l’aise face à des publics très différents. Mais ce qui compte le plus pour moi, ce n’est pas simplement d’informer, c’est d’inspirer. Si je parviens à éveiller une curiosité ou une prise de conscience, alors j’aurai rempli mon rôle.
Comment voyez-vous l’évolution de vos actions en faveur de l’environnement, du climat dans le futur ?
SZ : Je veux continuer sur la voie que j’ai tracée. Je vais poursuivre mes actions à travers la publication de nouveaux livres, des chroniques dans les médias, ainsi que ma participation à des conférences nationales et internationales. J’ai aussi l’intention de sensibiliser et de former un public toujours plus large. En tant que conseillère municipale déléguée aux Objectifs de Développement Durable (ODD), je souhaite continuer à développer le label « Limoges Durable » et approfondir mon travail sur la gestion des déchets en tant que conseillère communautaire. Mon objectif est de montrer que les engagements locaux peuvent avoir un impact concret et inspirer d’autres territoires à suivre cette voie. Deux sujets deviennent de plus en plus centraux dans mon engagement : la corruption environnementale et les déplacements environnementaux.
Je souhaite continuer à donner des conférences sur ces sujets à l’international et, pourquoi pas, un jour porter cette voix au Parlement européen. Il est temps d’intégrer pleinement ces enjeux dans les discussions politiques à grande échelle. Prochainement, je vais aussi débuter une mission de lutte contre la corruption au Laos avec Avocats Sans Frontières.
Et la publication de votre prochain ouvrage ?
SZ : « Le grand déplacement – L’exode climatique ‘’ sera publié en mai prochain, toujours aux éditions Érick Bonnier. Il traite de la question des déplacés environnementaux, un sujet à la fois urgent et encore mal encadré juridiquement. Chaque année des millions de personnes fuient leur foyer, chassées par les sécheresses, les submersions marines ou les inondations. Ils partent non par choix, mais pour survivre et ils sont juridiquement invisibles. J’ai une approche factuelle, avec des données et des analyses précises, et comme dans mon livre sur la corruption environnementale, je donne une voix aux victimes de l’exode climatique. Je partage aussi mes histoires personnelles et mon engagement pour la défense des droits humains et la protection de l’environnement et du climat. Mon livre est un plaidoyer en faveur d’une reconnaissance des droits à la mobilité environnementale et d’un droit d’asile climatique.
Sherazade Zaiter – Biographie
Shérazade ZAITER est auteure et conférencière engagée. Juriste et experte en droit international et développement durable, elle a travaillé en Asie du Sud-Est et en Afrique du Nord sur des projets liés au commerce international et à l’environnement. Aujourd’hui elle enseigne à l’université, en école de commerce, dans les entreprises, auprès des institutions. Le droit international privé, le développement durable, le commerce international. Mais surtout une manière de penser autrement, d’aller au-delà de ce qui semble évident.
Elle écrit et prend la parole dans les médias et conférences pour révéler les dynamiques invisibles qui façonnent notre monde : migrations climatiques, corruption environnementale, changement climatique, géopolitique des ressources et inégalités systémiques.
Elle est engagée comme Ambassadrice du Pacte Européen du Climat, membre d’Avocats Sans Frontières, marraine d’une association qui lutte contre les violences faites aux femmes, membre du Centre International de Droit Comparé de l’Environnement, conseillère municipale et communautaire à Limoges, impliquée dans les Objectifs du Développement Durable.
Chroniqueuse sur France 3 Nouvelle-Aquitaine et auteure de tribunes dans la presse nationale et internationale.
Le site Futura-sciences.com l’a nommée personnalité experte dans la catégorie développement durable, au même titre que Jean-Louis Étienne et Yann Arthus-Bertrand.
Petite nouveauté : elle est la seule femme dans ce cénacle.
Elle a été responsable adjointe du service économique de l’ambassade de Grande-Bretagne en Birmanie. Elle était la seule Française de la plus grande ambassade du pays.
Elle est conférencière internationale et intervient sur les questions liées aux changements climatiques, notamment sur la reconnaissance juridique des déplacés environnementaux.
Elle est co-auteure du livre « VULNÉRABILITÉ(S) ENVIRONNEMENTALE(S) Perspectives pluridisciplinaires », ouvrage collectif dirigé par Rahma Bentirou Mathlouthi et Adélie Pomade. Les éditions L’Harmattan. Avril 2023
Elle est auteure des livres « Le manifeste de la corruption environnementale – l’arc en ciel du mensonge » (juin 2024) et à venir, “Le grand déplacement- L’exode climatique “(mai 2025) publiés aux Éditions Erick Bonnier.
Rappel, à propos du Pacte européen pour le Climat
Le Pacte européen pour le Climat, créé à l’initiative de la Commission européenne dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe, vise à devenir pour tous les citoyens européens un espace ouvert, dynamique, inclusif pour partager des informations, proposer des solutions, débattre et agir face à la crise climatique.
Il est incarné dans chaque pays de l’UE par ses Ambassadeurs : des personnes venant de tous horizons, agissant à titre personnel ou collectif, et sélectionnés pour leur engagement climatique, leur respect des objectifs et des valeurs du Pacte. Lors d’événements ou de manifestations diverses, les Ambassadeurs du Pacte rencontrent les publics, suscitent les échanges, témoignent de leurs expériences et inspirent des solutions innovantes en faveur du climat .